Direction des Affaires juridiques

Lettre de la DAJ – Exclusion d’un opérateur économique d’une procédure de marché

Pour exclure un opérateur économique d’une procédure de passation en application de l’article L. 2141-8 du code de la commande publique, l’acheteur ne peut prendre en compte des faits commis depuis plus de trois ans. Lorsque l’opérateur a fait l’objet d’une condamnation non définitive pour ces faits, cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation.

En 2012 et 2016, l’associé majoritaire, alors gérant, d’une société de travaux de rénovation a commis des faits de corruption active dans le cadre de procédures de passation de marchés publics, pour lesquels il a fait l’objet d’une condamnation pénale le 2 décembre 2022.

En 2023, la société a été exclue d’une procédure de passation mise en œuvre par le département des Bouches-du-Rhône à raison des faits commis par le gérant de la société en 2012 et 2016, sur le fondement du 1° de l’article L. 2141-8 du code de la commande publique.

Le département des Bouches-du-Rhône se pourvoit en cassation contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille ayant annulée cette décision d’exclusion.

Le Conseil d’Etat rappelle d’abord la jurisprudence (CE, 24 juin 2019, Département des Bouches-du-Rhône, n° 428866) selon laquelle le 1° de l’article L.2141- 8 du code de la commande publique permet aux acheteurs d’exclure de la procédure de passation une personne qui peut être regardée comme ayant dans le cadre d’autres procédures récentes de la commande publique, entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur, puis précise comment doit être apprécié le caractère « récent » des autres procédures.

La Haute juridiction indique qu’il doit s’interpréter à la lumière de la directive 2014/24/UE qui limite à trois ans à compter de l’évènement concerné la durée pendant laquelle un opérateur peut être exclu pour avoir entrepris d’influencer une procédure de passation.

Tirant les conséquences de cette interprétation et reprenant la logique dégagée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 24 octobre 2018, Vossloh Laeis GmbH c. Stadtwerke München GmbH, Aff. C-124/17), le Conseil d’Etat précise le point de départ de ce délai de trois en indiquant que « lorsqu’une condamnation non définitive a été prononcée à raison [des faits reprochés], cette durée de trois ans court à compter de cette condamnation ».

Puis la Haute juridiction en déduit, qu’en l’espèce, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit en annulant la décision d’exclusion en se fondant sur les dates des tentatives d’influence alors qu’une condamnation par le juge pénal a été prononcée à raison de celles-ci le 2 décembre 2022 et annule l’ordonnance sur ce fondement.

Enfin, réglant l’affaire au fond  (voir en ce sens l’arrêt CE, 16 février 2024, Département des Bouches-du-Rhône, n° 488524), le Conseil d’Etat constate qu’après avoir été invitée par le département à établir que son professionnalisme et sa fiabilité ne pouvaient plus être remis en cause, la société n’a pas établi avoir pris des mesures afin que son ancien gérant, qui détient toujours un pouvoir de contrôle de la société en sa qualité d’associé majoritaire, ne puisse plus s’immiscer dans sa gestion. Il rejette par suite la demande de la société.

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