L’acceptation et l’agrément du sous-traitant par le maître d’ouvrage ouvre droit au paiement direct. Le maître d’ouvrage dispose toutefois d’un certain droit de regard sur la réalité ou la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant ainsi que le montant de la créance. Ce droit du maître d’ouvrage ne peut cependant s’étendre jusqu’à un contrôle de la qualité des travaux.
Le syndicat intercommunal de valorisation (SIVALOR), a confié la conception et la réalisation de la nouvelle installation de traitement des fumées de son unité de valorisation énergétique des déchets ménagers à une entreprise qui a ensuite fait intervenir la société Eiffage Energies Systèmes en qualité de sous-traitante. La société Eiffage Energies Systèmes a été acceptée par le maître d’ouvrage.
La société Eiffage Energies Systèmes a saisi le juge des référés sur le fondement de l’article R. 541-1 du CJA, afin d’obtenir le versement d’une provision au titre du paiement direct de plusieurs factures. Elle se prévalait de l’accord tacite du titulaire du marché. Elle justifiait sa demande au motif que les travaux réalisés correspondaient à ce qui était prévu par le marché. De son côté, le SIVALOR, à la suite d’une expertise constatant des désordres et des défauts de conformité dans la réalisation des travaux ne contestait pas tant la consistance des travaux que le non-respect par la société des normes de sécurité incendie.
Le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a partiellement fait droit à la demande de la société Eiffage Energies Systèmes. Le SIVALOR a fait appel de cette décision et obtenu l’annulation de l’ordonnance devant la Cour administrative d’appel de Lyon. La société Eiffage Energies Systèmes s’est pourvu en cassation.
Constatant que le refus de paiement par le maitre d’ouvrage s’appuyait sur un défaut de qualité des travaux réalisés par le sous-traitant alors que celui-ci a été admis au paiement direct, le Conseil d’État est venu ici rappeler, dans la continuité de précédentes décisions, l’étendue du contrôle qu’est susceptible de réaliser le maitre d’ouvrage sur les travaux réalisés par un sous-traitant lorsque celui-ci a été admis au paiement direct.
Lorsque le sous-traitant a été agrée et accepté par le maitre d’ouvrage, il peut alors prétendre au paiement direct par ce dernier. Toutefois, le paiement direct n’est pas automatique. Lorsque les travaux sont réalisés, le sous-traitant doit d’abord adresser une demande de paiement au titulaire du marché, qui dispose alors d’un délai de 15 jours pour notifier son accord ou un refus au sous-traitant et à l’acheteur. Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté la demande. Le Conseil d’État a précisé que cette procédure avait « pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct » (voir en ce sens la décision CE, 19 avril 2017, Département de l’Hérault, n° 396174). Le Conseil d’État a récemment rappelé que le non-respect de cette procédure ou le refus motivé du titulaire du marché dans le délai requis de 15 jours faisait obstacle à la possibilité pour le sous-traitant de se prévaloir du paiement direct (voir en ce sens la décision CE, 17 octobre 2023, SIEL Territoire d'énergie Loire, 469071).
Pour autant, le maitre d’ouvrage peut être amené à exercer un contrôle sur les travaux accomplis par le sous-traitant et faire obstacle au paiement direct, quand bien même le titulaire aurait accepté le paiement direct.
Le Conseil d’État précise ainsi que « Dans l'hypothèse d'une rémunération directe du sous-traitant par le maître d'ouvrage, ce dernier peut contrôler l'exécution effective des travaux sous-traités et le montant de la créance du sous-traitant ». En outre, « Au titre de ce contrôle, le maître d'ouvrage peut s'assurer que la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspond à ce qui est prévu par le marché ». En revanche, le maitre d’ouvrage ne peut pas exercer un contrôle sur la qualité des travaux exécutés.
C’est un contrôle qui est nécessairement limité à la réalité des travaux, dans l’esprit d’une logique comptable du contrôle du service fait. En effet, en principe pour le maitre d’ouvrage, toute difficulté d’exécution ne peut se résoudre qu’auprès du titulaire du marché, à raison du contrat qui les lie, relation contractuelle qui n’existe pas entre le maitre d’ouvrage et le sous-traitant.
En l’espèce, un litige semblait opposer le sous-traitant et le maitre d’ouvrage sur le respect de normes incendies. Le Conseil d’État a ainsi sanctionné le raisonnement de la Cour administrative d’appel de Lyon qui reconnaissait un contrôle de la qualité des travaux par le maitre d’ouvrage pour faire obstacle au paiement direct, mais n’a pas pour autant fait droit à la demande de la Société Eiffage Energie Systèmes. Ce litige sur le respect de normes incendies faisait obstacle à la reconnaissance de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable avec un degré suffisant de certitude au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. CE, 2 février 2024, Société Eiffage Energie Systèmes, n°475639