Ne sont pas communicables les éléments échangés en phase de négociation entre le pouvoir adjudicateur et la société attributaire dès lors qu’ils sont par nature couverts par le secret des affaires. En revanche, les éléments relatifs aux engagements de la société attributaire sur les quantités et la qualité des prestations sont communicables dès lors qu’ils ne mentionnent ni les prix unitaires ni les caractéristiques précises de ces prestations.
Dans sa décision du 15 mars 2023, le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles la protection du secret des affaires peut faire obstacle à la communication de documents administratifs à un candidat évincé dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence.
A la suite de l’attribution d’un contrat de concession de services par la Ville de Paris à la société Clear Channel France pour la conception, la fabrication, la pose, l’entretien, la maintenance et l’exploitation de mobiliers urbains, la société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (SOMUPI), concurrent évincé, a sollicité la communication de documents administratifs relatifs à l’offre de l’attributaire et, plus généralement, à la procédure de passation du contrat. En raison du refus implicite opposé à cette demande par la Ville de Paris, la SOMUPI a saisi la commission d’accès aux documents administratifs d’un recours administratif préalable obligatoire. La Ville de Paris a décidé de communiquer certains documents à la SOMUPI. Cette dernière a alors demandé au tribunal administratif l’annulation de cette décision en tant qu’elle lui refuse notamment la communication des échanges entre la Ville de Paris et la société attributaire au stade de la phase de négociation des offres ainsi que le rapport d’analyse des offres occulté dans la limite du respect du secret des affaires. Le tribunal administratif a fait droit à la demande de la SOMUPI.
Saisi en cassation par la Ville de Paris, le Conseil d’État rappelle que « saisis d'un recours relatif à la communication de tels documents, il revient aux juges du fond d'examiner si, par eux-mêmes, les renseignements contenus dans les documents dont il est demandé la communication peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication en application des dispositions de l'article L. 311-6 du code [des relations entre le public et l'administration]».
Il estime que, dans leur ensemble, « les documents et informations échangés entre l'administration et un candidat lors de la phase de négociation d'un contrat de la commande publique, dès lors qu'ils révèlent par nature la stratégie commerciale du candidat, entrent dans le champ du 1° de l'article L. 311-6 et ne sont, par suite, pas communicables ». Ainsi, le tribunal administratif a entaché son jugement d’erreur de qualification juridique en considérant que ces documents étaient par principe communicables, alors même qu’il mentionne la réserve du respect du secret des affaires.
Il résulte ainsi de cette décision du Conseil d’Etat que ne sont pas communicables tous les éléments échangés en phase de négociation entre le pouvoir adjudicateur et la société attributaire dès lors qu’ils sont par nature couverts par le secret des affaires.
En revanche, selon le Conseil d’Etat, le tribunal administratif, qui n’a pas inexactement qualifié les faits, était fondé à conclure que les éléments relatifs aux engagements de la société attributaire sur les quantités et la qualité de ses prestations sont par principe communicables. En effet, dès lors qu’ils ne mentionnent ni les prix unitaires ni les caractéristiques précises de ces prestations, ces informations ne révèlent pas en eux-mêmes des procédés de fabrication ou la stratégie commerciale de l'entreprise. En conséquence, le rapport d’analyse des offres communiqué par l’acheteur, expurgé de ces mentions communicables, a fait l’objet d’occultations excessives.
Il résulte d’une lecture a contrario de cette décision que si les éléments relatifs aux engagements de la société attributaire sur les quantités et la qualité de ses prestations sont de nature à révéler en eux-mêmes des procédés de fabrication ou la stratégie commerciale de l'entreprise, ils doivent être regardés comme couverts par le secret des affaires et, par suite, comme non communicables.
Le Conseil d’État annule le jugement du tribunal administratif, d'une part, en tant qu'il a annulé la décision du 29 juillet 2019 de la Ville de Paris en tant que celle-ci a refusé à la SOMUPI la communication des courriers échangés entre elle et la société Clear Channel pendant la phase de négociation des offres et, d'autre part, en tant qu'il a enjoint à la Ville de Paris de communiquer ces documents à la SOMUPI.