Lettre de la DAJ – Effectifs et compétences dans l'industrie : besoins en formation identifiés par une mission inter-inspections

La mission conduite par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche a mené ses travaux sur les métiers industriels dans leur ensemble et a effectué une analyse plus spécifique des besoins en emplois des filières de France 2030 nécessaires à la transition énergétique et sur la micro-électronique. Les travaux de la mission se sont déroulés de mars à juin 2023.

Par lettre du 31 janvier 2023, l’Inspection générale des finances (IGF), l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ont été mandatées pour publier un rapport portant sur les tensions sur les effectifs et compétences dans l'industrie et les dispositifs de formation associés.

Premier enjeu pour l’emploi industriel : la résolution des tensions actuelles de recrutement. Le volume global de personnes formées pour l’industrie augmente mais ne couvre pas les besoins en raison des difficultés d’insertion, de l’orientation finale des personnes formées et de l’inadéquation qualitative des formations.

Les transitions environnementales, énergétiques et numériques sont porteuses de nouveaux projets industriels et d’une réindustrialisation de la France alors que l’emploi industriel n’a cessé de reculer en France depuis 1974. L’ampleur des créations d’emplois nécessaires pour les années à venir est difficile à mesurer.

La puissance publique investit fortement dans le développement des compétences industrielles :

  • les entreprises de ce secteur ont bénéficié d’environ 2,7 milliards d’euros en 2021 ;
  • l’appel à manifestation d’intérêt « compétences et métiers d’avenir » (AMI CMA) est doté de 2,5 milliards d’euros pour l’adaptation des formations d’ici 2030 ;
  • plus de 265 000 élèves et étudiants étaient inscrits en 2020 en dernière année d’une formation liée aux métiers industriels ;
  • à la rentrée 2021, plus de 1,3 millions d’élèves et étudiants étaient inscrits en formation initiale en lien avec les métiers industriels tous niveaux confondus.

Du point de vue du service public de l’emploi, le nombre de demandeurs d’emploi entrant en formations industrielles a doublé depuis 2015. Enfin, dans le cadre du compte personnel de formation (CPF), plus de 271 000 personnes ont suivi une formation en lien avec l’industrie depuis janvier 2021.

Le rapport souligne un paradoxe entre le volume des personnes formées pour occuper un métier industriel et les besoins en recrutement dans ce secteur qui sont moindres.

Priorité aux dispositifs de formation qui favorisent l’insertion dans les emplois industriels et à l’accompagnement des petites et moyennes entreprises industrielles pour la formation et la reconversion de leurs salariés.

Les tensions de recrutement, qui sont élevées, s’expliquent par les difficultés d’insertion et d’orientation finale des personnes formées. De nombreux jeunes formés pour l’industrie choisissent de travailler dans d’autres secteurs que celui de leur formation. Ainsi, en 2021, sur 170 100 apprentis et lycéens professionnels du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au brevet de technicien supérieur (BTS) en emploi un an après leur sortie du lycée, 35% ont suivi une formation industrielle mais seulement 16% exercent un métier industriel.

Ces tensions viennent aussi d’une inadéquation entre les formations et les besoins en qualification des entreprises. Le nombre de personnes en formation initiale dans ce secteur a augmenté en 10 ans mais cela se concentre avant tout dans l’enseignement supérieur, principalement au niveau ingénieur. Parallèlement, le nombre d’élèves dans les filières de la production dans le secondaire décroit sur la même durée.

Pour limiter ces déperditions, la mission recommande une augmentation de l’effort de formation en donnant la priorité aux dispositifs qui engagent les entreprises (apprentissage et formations préalables au recrutement) et en ciblant les niveaux baccalauréat et BTS (propositions n° 3, 4 et 5). Pour elle, ces actions doivent aller de pair avec une forte communication en faveur de l’image de l’industrie qui reste encore aujourd’hui défavorable auprès du grand public (conditions de travail difficiles, pollution, licenciements, etc.). Elle encourage notamment les rencontres et échanges personnalisés entre élèves et professionnels (propositions n° 10 et 11) ainsi que des enseignements pluridisciplinaires en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM), très présents à l’étranger, qui doivent être introduits du primaire à la terminale (proposition n° 15) pour diffuser à l’échelle de toute une classe d’âge une culture des enjeux industriels.

S’agissant du développement des compétences et de l’accompagnement de la reconversion de leurs salariés, les petites et moyennes entreprises (PME) industrielles ont besoin d’un accompagnement renforcé, la taille de l’entreprise restant un déterminant majeur de l’accès à la formation professionnelle. Dans ce contexte, la mission appelle à stabiliser les moyens disponibles pour l’appui RH aux PME et pour le développement des compétences de leurs salariés en les orientant sur les priorités de France 2030 (proposition n° 6).

De nouvelles gouvernances à trouver

Le rapport insiste sur le fait que la superposition des instances de gouvernance actuelles ne permet pas de porter les ambitions de réindustrialisation. Les nombreux outils de diagnostic sur les besoins en emplois et compétences doivent être améliorés, en conditionnant leur financement par l’État à des prérequis (proposition n° 1). La mission appelle aussi à expérimenter, dans le cadre de France Travail, de nouveaux outils de partage des besoins prospectifs en emploi (proposition n° 18). L’évolution de la carte des formations professionnelles doit être pilotée au regard des besoins industriels (propositions n° 20 et 21) et le suivi et l’évaluation des projets portés dans le cadre de l’AMI CMA améliorés (proposition n° 22). Enfin, la mission recommande, au niveau régional, de mobiliser les préfets pour proposer, avec les conseils régionaux, une gouvernance permettant d’assurer un pilotage intégré, avec les industriels, des besoins en compétences et des solutions pour les filières industrielles France 2030 sur les territoires (proposition n° 19). Au niveau national, la mission propose de donner un mandat pour une durée limitée à une personnalité qualifiée chargée de s’assurer de la prise en compte cohérente des enjeux industriels, nationaux et régionaux, dans les dispositifs emplois et formation et leur évolution (proposition n° 23).