Lettre de la DAJ – La Cour de cassation consacre la notion de harcèlement moral institutionnel

La Cour de cassation affirme que le « harcèlement moral institutionnel » constitue une catégorie de harcèlement moral susceptible d’être retenue au titre de la définition du « harcèlement moral au travail » posée par le code pénal.

La chambre criminelle de la Cour de Cassation était appelée à se prononcer dans sa décision du 21 janvier 2025 sur la question de savoir si la mise en œuvre d’une politique générale d’entreprise pouvait constituer des faits de harcèlement moral au travail, justifiant ainsi la condamnation des dirigeants de cette entreprise et de l’entreprise elle-même.

Un syndicat avait déposé une plainte pour harcèlement moral à l’encontre de la société et de trois de ses dirigeants. Cette plainte portait sur la mise en œuvre d’une politique d’entreprise ayant impacté un quart des salariés, notamment à travers un plan de réduction des effectifs visant la suppression de 22 000 postes sur un total d’environ 120 000, ainsi qu’un plan de mobilité interne affectant 10 000 agents.

Les mis en examen ont été condamnés en appel pour harcèlement moral institutionnel sur le fondement de l’article 222-33-2 du code pénal définissant le harcèlement moral au travail comme « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

La chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé la qualification de harcèlement moral institutionnel. Elle estime que cette qualification ne requiert pas que les agissements répétés s’exercent « à l’égard d’une victime déterminée ou dans le cadre de relations interpersonnelles entre leur auteur et la ou les victimes », le fait que ces derniers fassent partie de la même communauté de travail suffit si la victime est susceptible de subir ou a subi les conséquences de harcèlement moral.

Dès lors, la Cour considère que constitue un harcèlement moral institutionnel les agissements visant à mettre en œuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise ayant pour objet la dégradation des conditions de travail de tout ou partie des salariés et ce, pour réduire des effectifs ou atteindre tout autre objectif et qui est susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de ces salariés, d'altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel.