Lettre de la DAJ – Consultation du conseil de discipline en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle

Par une décision du 3 mai 2023, le Conseil d’Etat a déterminé les conséquences de l’absence d’accord à la majorité des membres présents du conseil de discipline réunis pour se prononcer sur un cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Le Conseil d’Etat, par une décision rendue le 3 mai 2023 (n° 466103) s’est prononcé sur la consultation du conseil de discipline en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.

En l’espèce, par un arrêté du 23 mai 2022, le garde des sceaux, ministre de la Justice, a prononcé le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un agent du ministère. Par une ordonnance du 8 juillet 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi d’un référé suspension par l’agent, a suspendu l’exécution de la décision et a enjoint au ministre de la justice de réintégrer provisoirement l’agent. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a formé un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du juge des référés.

Le Conseil d’Etat devait se prononcer sur la validité des deux conditions du référé suspension prévu à l’article L. 521-1 du code de justice administrative (urgence et doute sérieux quant à la légalité de la décision).

Le juge des référés estimait que les conditions du référé suspension étaient remplies ; outre l’urgence, le doute sérieux quant à la légalité de la décision était double selon lui : l’absence de sens et l’insuffisante motivation de l’avis du conseil de discipline d’une part et l’irrégularité de l’audition des deux témoins cités par l’administration devant ce conseil d’autre part.

L’article L. 553-2 du code général de la fonction publique est relatif aux sanctions disciplinaires et au licenciement d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle. Si, en matière disciplinaire, l’autorité ayant le pouvoir disciplinaire peut choisir parmi une échelle de sanction, il n’en est pas de même en cas d’insuffisance professionnelle. En effet, seule l’éviction du fonctionnaire est possible.

Le Conseil d’Etat en tire la conclusion que, dans ces conditions, « à défaut de réunir l’accord d’une majorité des membres présents sur la proposition de licenciement d’un fonctionnaire pour insuffisance professionnelle, le conseil de discipline doit être regardé comme ayant été consulté et comme ne s’étant pas prononcé en faveur de la proposition de licenciement qui lui est soumise », cet avis n’étant pas liant pour l’autorité administrative.

Or, au cas précis, l’avis du conseil de discipline, « qui développait par ailleurs de manière précise les éléments sur la base desquels le conseil de discipline a délibéré » montre que quatre membres présents ont voté en faveur de la proposition de licenciement et quatre autres personnes se sont abstenues. Selon le Conseil d’Etat, en l’absence de majorité des membres, il convient de considérer que le conseil de discipline a rendu un avis en défaveur de la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle. Par conséquent, le moyen tiré de l’absence de sens et de l’insuffisance de motivation de l’avis du conseil de discipline, premier argument justifiant le doute sérieux quant à la légalité de la décision, n’est pas rempli.

Le Conseil d’Etat a ensuite examiné le moyen tiré de l’irrégularité de l’audition des deux témoins cités par l’administration devant le conseil de discipline. Ces deux agents ont eu accès aux observations écrites de l’agent. Le Conseil d’Etat estime que ni leur audition ni leur attitude n’ont affecté la sincérité des témoignages recueillis ou la possibilité pour l’agent de présenter utilement des observations en réponse à ces auditions. Par conséquent, le Conseil d’Etat estime que ces auditions n’ont pas porté atteinte à la garantie attachée à la consultation du conseil de discipline et n’ont pas exercé une influence sur le sens de la décision attaquée (jurisprudence Danthony). Ainsi, le moyen tiré de l’irrégularité de l’audition des deux témoins, second argument justifiant le doute sérieux quant à la légalité de la décision, n’est pas rempli.

Le Conseil d’Etat, sans avoir donc besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris.