Lettre de la DAJ – Le Conseil constitutionnel juge conforme l’exclusion des opérations portant sur les instruments et contrats financiers du champ de la révision pour imprévision

Le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 211-40-1 du code monétaire et financier visant l’exclusion des obligations résultant d’opérations sur les titres et contrats financiers du champ de la révision

Dans une décision n° 2023-1049 QPC du 26 mai 2023, les sages de la rue Montpensier se sont prononcés sur la constitutionnalité des dispositions de l’article L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Ledit article exclut du champ de la révision pour imprévision les « obligations qui résultent d'opérations sur les titres et les contrats financiers ».

L’imprévision est un concept d’origine jurisprudentielle trouvant aujourd’hui son assise à l’article 1195 du Code civil disposant que lorsqu’un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion d’un contrat rend l’exécution de ce dernier excessivement onéreuse pour l’une des parties n’ayant pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant.

L’article L. 211-40-1 du code monétaire et financier exclut du champ de l’imprévision toute obligation résultant d’opérations sur les titres et les contrats financiers mentionnés aux I à III de l’article L. 211-1 du même code. Ne peuvent dès lors être révisées pour imprévision les obligations résultant d’opérations sur les instruments financiers à terme qui sont des contrats financiers fixés par décret mais également les titres financiers que sont :

  • les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
  • les titres de créance.

La société requérante reprochait à ces dispositions d’exclure du champ de l’imprévision les opérations portant sur l’ensemble des instruments financiers. Selon elle, il en résulterait une différence de traitement injustifiée entre les cessions d’actions, exclues de l’article 1195 du Code civil, et les cessions de parts sociales et les contrats aléatoires, non visés par les dispositions contestées et pouvant de fait faire l’objet de révision pour imprévision. À ce grief s’ajoute, selon la requérante, une nouvelle méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 relatif au principe d’égalité eu égard à l’absence de distinction entre les cessions d’actions sur les marchés financiers et les cessions de gré à gré.

Le Conseil constitutionnel rappelle dans un premier temps sa jurisprudence constante selon laquelle « Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » et ajoute qu’un tel principe n’impose cependant pas de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.

Concernant le premier grief, les sages estiment qu’il ressort des travaux parlementaires que le législateur, par ces dispositions, a entendu assurer la sécurité juridique d’opérations qui par nature intègrent nécessairement un risque d’évolutions imprévisibles de leur valorisation. Au regard d’un tel objet, la cession des titres de capital émis par les sociétés par actions ne peut se confondre avec la cession des parts sociales des sociétés des personnes, en ce que cette dernière ne peut être négociée et ne peut non plus se rapprocher des contrats aléatoires pour lesquels les parties acceptent de faire dépendre les effets des stipulations contractuelles d’un évènement incertain.

Partant, la différence de traitement opérée par les dispositions contestées est fondée sur une différence de situation en rapport avec l’objet de la loi.

Sur le second grief tiré de l’absence de distinction entre les cessions d’actions sur les marchés financiers et les cessions de gré à gré, le Conseil constitutionnel estime qu’il ne saurait être reproché au législateur de ne pas avoir opéré une différence de traitement entre ces deux cessions.

Ainsi, le Conseil constitutionnel juge conforme à la Constitution, notamment au principe d’égalité devant la loi, les dispositions de l’article L. 211-40-1 du code monétaire et financier.