Lettre de la DAJ - Avis de l’Autorité de la Concurrence sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de l’intelligence artificielle générative

Le développement de l’intelligence artificielle (IA) générative suscite de nombreux débats sur ses possibles implications éthiques mais aussi économiques. Dans ce contexte, l’Autorité de la Concurrence qui s’est auto-saisie du sujet en février 2024, a procédé à différentes consultations et a rendu public un avis le 28 juin dernier.

Avec son avis sur le fonctionnement concurrentiel du secteur de l’intelligence artificielle générative, l’Autorité de la Concurrence apporte sa contribution aux nombreux débats que suscite le développement de cette technologie. La question de l’IA générative du point de vue des données a déjà été évoquée dans le numéro 375 de la Lettre de la DAJ (vous pouvez retrouver cet article ici). Dans son avis, l’Autorité pointe les risques en matière concurrentielle avant de dégager des recommandations visant à limiter ces risques.

Pour que chacun bénéficie des avantages de l’IA générative, il est nécessaire de garantir une multiplicité d’acteurs et que les géants du numérique ne soient pas seuls sur le segment.

Les barrières identifiées par l’Autorité de la Concurrence

Pour créer une IA générative de qualité, plusieurs conditions doivent être réunies : il faut des supercalculateurs qui ont besoin de composants, il faut un accès à un grand nombre de données et il faut des ressources humaines spécialisées (développeurs et ingénieurs notamment). L’Autorité souligne que des risques concurrentiels existent à chaque niveau du développement de l’IA générative.

  • Les opérateurs, pour que l’IA générative se développe, doivent avoir accès à une grande puissance de calcul permise, notamment, par les services cloud.
  • Pour entraîner une IA, il faut un accès aux données dans d’énormes proportions. Il faut également, pour une IA générative de qualité, être capable de traiter et trier ces données.
  • Pour créer l’écosystème de l’IA générative, il faut des compétences spécifiques, des développeurs, des ingénieurs.

L’Autorité de la Concurrence souligne le risque que ces « barrières à l’entrée » soient de véritables entraves pour les opérateurs les plus modestes. Les gros opérateurs, les géants du numérique auront un avantage stratégique en ayant déjà accès à des supercalculateurs, à des données (produites ou achetées à des tiers) et aux moyens d’attirer les talents avec des salaires attractifs notamment. Selon l’Autorité, il existe un risque réel de développement de pratiques anti-concurrentielles. Les gros opérateurs pourraient prendre des parts dans certaines entreprises de composants par exemple et, ainsi, créer une dépendance de ces dernières. Au-delà, du côté des clients, ces gros opérateurs pourront « capturer » les utilisateurs, leurs outils étant équipés de leur IA générative et ne fonctionnant qu’avec elle.

Quelles solutions ?

L’autorité préconise quelques pistes afin de lutter contre la tendance anti-concurrentielle du développement de l’IA générative.

  • Il conviendrait de développer des supercalculateurs publics constituant une alternative aux services cloud, que les opérateurs les plus modestes pourraient utiliser.
  • Il faudrait également, s’agissant de l’accès aux données, que les ayants-droits soient encouragés à proposer des tarifs susceptibles d’être supportés par tous et pas seulement par les géants du numérique.
  • Enfin, il est nécessaire que le cadre réglementaire soit adapté au risque anti-concurrentiel et qu’il soit pleinement appliqué tant au niveau européen qu’au niveau national (le rôle de la DGCCRF étant ici fondamental).

Le bénéfice de l’IA générative pour tous dépendra de la capacité du secteur à s’ouvrir à de multiples acteurs offrant ainsi au consommateur un choix réel.