Après la crise sanitaire, le Gouvernement a lancé en septembre 2021 un plan visant le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi de longue et très longue durée. La Cour des comptes, dans un « audit flash » publié le 28 mars 2023, dresse le bilan de la mise en œuvre de ce plan.
Le Gouvernement avait annoncé, le 27 septembre 2021, un plan de réduction des tensions de recrutement dans un contexte de reprise économique postérieure à la crise sanitaire coïncidant avec des difficultés de recrutement dans certains secteurs.
Le plan visait le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi de longue durée (DELD)[1] et de très longue durée (DETLD)[2].
« L’audit flash » réalisé par la Cour des comptes et publié le 28 mars 2023 examine la conception et le déploiement de ce plan ainsi que les moyens mobilisés et les résultats obtenus.
Un renfort de moyen nécessaire pour déployer le plan
La hausse du chômage atteint lors de la crise sanitaire et la crainte de sa persistance nécessitait une réponse du Gouvernement afin d’accompagner spécifiquement les demandeurs d’emploi de longue durée. Le plan élaboré ne comportait pour autant pas d’objectifs chiffrés en termes de retour à l’emploi pour ce public.
Le plan mis en œuvre par le Gouvernement s’intéressait à l’ensemble des demandeurs d’emploi de longue durée, indépendamment de toute autre caractéristique (nombre « structurel » de demandeurs d’emploi de longue durée ou nombre « conjoncturel », liés à la crise sanitaire). La Cour des comptes valide ce premier choix du Gouvernement car il relève qu’une distinction plus fine aurait engendré un retard dans le lancement du plan.
Le Gouvernement a également fait le choix de confier à Pôle emploi la responsabilité de la quasi-totalité de la mise en œuvre du plan.
Le plan développé s’est principalement appuyé sur des dispositifs déjà existants (formations préalables à l’emploi, contrat de professionnalisation par exemple). Pôle emploi était chargé de contacter chaque demandeur d’emploi de longue durée avant le 31 décembre 2021 afin de leur offrir un accompagnement personnalisé. Cette étape devait permettre d’identifier les offres pour lesquelles le demandeur d’emploi disposait de compétences adaptées. Cette étape devait également permettre d’orienter les demandeurs d’emploi de longue durée vers des actions de formation avec promesse d’embauche dans des secteurs en forte tension, des mises en situation en milieu professionnel...
Le plan a introduit quelques innovations dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi de longue durée : « parcours emploi-santé » pour mieux prendre en compte les difficultés de santé dans la recherche d’emploi, aide financière de 1 000 euros pour les demandeurs d’emploi bénéficiant d’une formation préalable à l’emploi, aide à l’embauche de 8 000 euros pour les employeurs recrutant des demandeurs d’emplois en longue durée ou « challenge national » visant à permettre aux agences de Pôle emploi de proposer des initiatives et d’en financer les meilleures.
Les mesures du plan ont été financées par des crédits budgétaires supplémentaires obtenus dans le cadre de France relance.
Répartition prévisionnelle des crédits affectés au financement du plan de retour à l'emploi en faveur des demandeurs d'emplois de longue durée
Pour mener à bien cette mission, Pôle emploi a pu conserver les effectifs supplémentaires alloués à titre temporaire pendant la crise sanitaire (renfort de 700 équivalents temps plein). La Cour des comptes juge que la plus-value de ce renfort humain est difficilement mesurable puisque les agents ont poursuivi des missions variées, ne se limitant pas à la mise en œuvre du plan.
Une forte mobilisation de Pôle Emploi pour des objectifs partiellement atteints
Pôle emploi a mis en place un pilotage national en laissant aux agences une marge de manœuvre pour s’adapter aux spécificités locales. La Cour des comptes constate que ce choix était pertinent dans la mesure où il a permis à la quasi-totalité de la population ciblée par ce plan d’être contactée par Pôle emploi. L’absence des demandeurs d’emploi aux entretiens et aux sessions auxquels ils étaient convoqués a entraîné des radiations temporaires des listes de Pôle emploi.
La Cour note en revanche que l’exécution des crédits à la fin de l’année 2022 était faible : en effet, 55 % du budget prévisionnel affecté aux ateliers de remobilisation a été consommé. Certaines prestations ont été insuffisamment mises en œuvre : le nombre d’immersions en milieu professionnel est en baisse de 11 % par rapport à 2019, l’incitation financière à l’embauche a également été peu utilisée.
Les enseignements à tirer du déploiement du plan pour mener efficacement une politique en faveur des demandeurs d’emploi de longue durée
La Cour des comptes note que si la mise en œuvre du plan a indéniablement permis une remobilisation des demandeurs d’emploi de longue durée, l’absence d’objectif initial de retour à l’emploi complique nécessairement le bilan de ce plan, ce que la Cour regrette.
En effet, si 36 % des demandeurs d’emploi de longue durée ont retrouvé un emploi entre septembre 2021 et mars 2022 (contre 31 % de ceux rattachés à la cohorte 2019), il n’est pas possible de connaître dans quelle mesure le déploiement du plan a contribué à ce chiffre, et ce, d'autant plus que la conjecture économique était favorable.
Le ministère du Travail justifie le manque d’objectifs chiffrés par le fait que la baisse du nombre de demandeurs d’emploi de longue durée est difficile à prévoir en raison des aléas conjoncturels entre le lancement du plan et son déploiement. La Cour des comptes souhaiterait à l’avenir que le ministère du Travail définisse de façon claire les objectifs quantitatifs en s’appuyant sur l’expertise de la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques).
La Cour des comptes note enfin que Pôle emploi peut dresser un bilan de la mise en œuvre du plan afin de mieux accompagner les publics les plus éloignés de l’emploi. Pour cela, un réexamen plus fréquent des modalités d’accompagnement de ces personnes s’avérerait pertinent.
[1] Les demandeurs d'emploi de longue durée (DELD) sont ceux inscrits en catégorie A, B ou C en fin de mois, qui ont été inscrits en catégorie A (sans activité) au moins 12 mois au cours des 15 derniers mois.
[2] Les demandeurs d’emploi de très longue durée (DETLD) constituent une sous-catégorie des DELD, avec 24 mois en catégorie A (sans activité) au cours des 27 derniers mois.