Lettre de la DAJ - Amiante : indemnisation des salariés victimes ou de leurs ayants droit

Par des décisions du 20 janvier 2023 rendues en Assemblée plénière, la Cour de Cassation élargit le périmètre d’indemnisation d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle en cas de faute inexcusable de l’employeur. Les victimes, comme leurs ayants droit, seront mieux indemnisés, notamment celles qui ont été exposées à l’amiante.

Par les décisions du 20 janvier 2022 (pourvois n° 21-23.947 et 20-23.673), la Cour de cassation décide que  les victimes de maladie professionnelle ou d’accident du travail ou leurs ayants droit peuvent prétendre à une indemnité complémentaire distincte de la rente prévue par le code de la sécurité sociale.

Deux salariés sont morts d’un cancer des poumons après avoir inhalé des poussières d’amiante dans le cadre de leur activité professionnelle. Le suivi de leur pathologie a été pris en charge par la caisse de sécurité sociale jusqu’au jour de leur décès. Après le décès de ces salariés, leurs ayants droit ont saisi les juridictions de la sécurité sociale (tribunal des affaires de sécurité sociale devenu en 2019 le pôle social du tribunal judiciaire). Dans chacune des deux affaires, les cours d’appel ont reconnu la faute inexcusable de l’employeur.

Jusqu’alors, la Cour de cassation jugeait que la rente prévue par le code de la sécurité sociale, versée aux victimes de maladie professionnelle ou d’accident du travail en cas de faute inexcusable de l’employeur, indemnisait tout à la fois la perte de gain professionnel, l’incapacité professionnelle et le déficit fonctionnel permanent (le handicap dont vont souffrir les victimes dans le déroulement de leur vie quotidienne). Pour obtenir de façon distincte une réparation de leurs souffrances physiques et morales, ces victimes devaient rapporter la preuve que leur préjudice n’était pas déjà indemnisé au titre de ce déficit fonctionnel permanent. Cette preuve pouvait être difficile à apporter.

L’examen de ces deux affaires en Assemblée plénière a permis d’estimer que la rente versée par la caisse de sécurité sociale aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle et qui est établie par rapport à leur salaire de référence et l’état définitif de leurs séquelles (appelé « consolidation ») n’indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire les souffrances qu’elles éprouvent par la suite dans le déroulement de leur vie quotidienne.

La Cour de cassation permet désormais aux victimes ou à leurs ayants droit d’obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances physiques et morales endurées après « consolidation ».  Cette réparation peut être obtenue sans que les victimes ou leurs ayants droit n’aient à fournir la preuve que la rente prévue par le code de la sécurité sociale ne couvre pas déjà ces souffrances.

Les décisions marquent une évolution importante en matière d’indemnisation, notamment pour les salariés qui ont été exposés de façon prolongée à l’amiante. Ce revirement marque aussi un rapprochement avec la jurisprudence du Conseil d’État qui juge que la rente d’accident du travail vise uniquement à réparer les préjudices subis par le salarié dans le cadre de sa vie professionnelle (pertes de gains professionnels et incidence professionnelle de l’incapacité).