Lettre de la DAJ – Action en réparation et qualité de l’air ambiant

Les dispositions de la directive 2008/50/CE poursuivent un objectif général de protection de la santé humaine et de l’environnement et n’ont pas pour objet de conférer des droits individuels aux particuliers à obtenir l’indemnisation d’un éventuel préjudice subi du fait de la dégradation de la qualité de l’air.

Dans l’affaire C61/21 du 22 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie d’une question préjudicielle introduite par la cour administrative d’appel de Versailles.

La demande portait sur l’interprétation des dispositions des articles 13, paragraphe 1, et 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008.

En vertu de ces dispositions, les Etats membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées en annexe de la directive. De plus, lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l’air ambiant dépassent toute valeur limite ou toute valeur cible, majorée dans chaque cas de toute marge de dépassement, les Etats membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l’air soient établis pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante indiquée aux annexes XI et XIV de la même directive.

Dans l’affaire C-61/21, un particulier demandait l’annulation de la décision implicite du préfet du Val-d’Oise refusant de prendre les mesures nécessaires à la résolution de ses problèmes de santé liés à la pollution atmosphérique et l’indemnisation par l’Etat des divers préjudices qu’il imputait à cette pollution, évalués à 21 millions d’euros.

Plus précisément, la demande tendait à l’indemnisation du préjudice consistant en la détérioration de son état de santé, qui lui aurait été causé par la dégradation de la qualité de l’air ambiant dans l’agglomération de Paris, où il réside. Cette dégradation résulterait du manquement des autorités françaises aux obligations qui leur incombent en vertu de la directive 2008/50.

La juridiction interne du premier degré avait rejeté l’intégralité des demandes du particulier au motif que les articles 13 et 23 de la directive 2008/50 ne confèrent aucun droit aux particuliers à obtenir l’indemnisation d’un éventuel préjudice subi du fait de la dégradation de la qualité de l’air.

Ces dispositions doivent-elles être interprétées comme ouvrant aux particuliers, en cas de violation suffisamment caractérisée par un Etat membre de l’Union européenne des obligations en résultant, un droit à obtenir de ce dernier la réparation des préjudices affectant leur santé présentant un lien de causalité direct et certain avec la dégradation de la qualité de l’air ?

La Cour rappelle les principes suivants :

  • le principe de la responsabilité de l’Etat pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables est inhérent au système des traités sur lesquels cette dernière est fondée ; ce principe est valable pour toute hypothèse de violation du droit de lUnion par un Etat membre, et ce quelle que soit lautorité publique auteur de cette violation ;
  • le principe du droit à réparation des particuliers lésés doit être reconnu dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle du droit de l’Union violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation de cette règle est suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le dommage subi par ces particuliers.

Cependant les dispositions de la directive 2008/50 (ainsi que celles résultant des directives antérieures), n’imposaient pas aux Etats membres une obligation de prendre des mesures permettant d’assurer qu’aucun dépassement des valeurs limites de concentration en NO2 et en PM10 ne se produise, mais une obligation, d’une part, de veiller à ce que les niveaux ne dépassent pas, sur leurs territoires respectifs et à compter de certaines dates, les valeurs limites fixées par ces directives et, d’autre part, lorsque ces valeurs limites sont néanmoins dépassées, une obligation de prévoir des mesures appropriées pour remédier à ces dépassements, notamment dans le cadre de plans relatifs à la qualité de l’air.

Ces obligations poursuivent un objectif général de protection de la santé humaine et de l’environnement dans son ensemble et ne permettent pas de considérer que des particuliers ou des catégories de particuliers se seraient, en l’occurrence, implicitement vu conférer, à raison de ces obligations, des droits individuels dont la violation serait susceptible d’engager la responsabilité d’un Etat membre pour des dommages causés aux particuliers.

Partant, ces dispositions n’ont pas pour objet de conférer des droits individuels aux particuliers susceptibles de leur ouvrir un droit à réparation à l’égard d’un Etat membre, au titre du principe de la responsabilité de l’Etat pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de l’Union qui lui sont imputables.

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