Près de deux ans après l’entrée en vigueur du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, Amélie Verdier, directrice générale des Finances publiques, revient sur la mise en œuvre de la réforme et ses impacts.

L’instauration d’un régime unifié de mise en jeu de la responsabilité financière de tous les gestionnaires publics était un objectif ambitieux du programme « Action publique 2022 » visant à donner plus de marges de manœuvre aux gestionnaires, mieux proportionner les contrôles, fluidifier les chaînes financières et in fine simplifier les procédures, tout en conservant le principe d’une juridiction financière dédiée.
La DGFiP a contribué de manière active à la définition du cadre juridique de la réforme à travers la rédaction de l’ordonnance du 23 mars 2022 et ses décrets d’application, en étroite collaboration avec la Direction du Budget et la Cour des comptes.
Entré en vigueur depuis le 1er janvier 2023, le nouveau régime sanctionne les infractions visées aux articles L. 131-9 à L. 131-15 du Code des juridictions financières, en se concentrant sur les préjudices les plus graves et en tenant compte des circonstances de l’espèce, notamment les mesures prises pour réduire les risques ou leurs conséquences.
Où en sommes-nous aujourd’hui, après deux ans d’application de la réforme ?
Sur le plan juridictionnel, 17 arrêts ont été rendus par la Cour des comptes. Ils concernent essentiellement la sphère locale et couvrent à peu près tout le champ des infractions. On peut y voir la volonté du juge financier de sanctionner un large spectre d’entorses graves à l’ordre public financier : non-respect des règles d’exécution des dépenses ou des recettes ayant causé un préjudice financier significatif, octroi d’avantage injustifié à autrui, engagement de dépenses sans en avoir le pouvoir, inexécution des décisions de justice, situations de gestion de fait.
La jurisprudence n’est à ce jour pas encore stabilisée. Pour autant, elle alimente la réflexion de tous les acteurs sur l’exercice de leurs métiers et sur les pratiques à faire évoluer pour les adapter à ce nouvel environnement, avec le double risque d’en « faire trop » (par exemple, viser une logique proche de l’exhaustivité pour certains actes) ou au contraire, pas assez (en sous-estimant les risques pris). Les arrêts montrent la recherche des responsabilités effectives de chacun (avec parfois la condamnation tant de l’ordonnateur que du comptable) comme la reconnaissance de circonstances atténuantes.
À cet égard, la fin du régime de la responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) des comptables publics constitue une véritable révolution culturelle pour tous les acteurs de la chaîne financière et pas seulement pour les comptables. Elle invite chacun à s’interroger sur ses pratiques, son métier, afin de sécuriser plus étroitement au moyen d’une maîtrise des risques adaptée. Elle conduit également à renforcer le partenariat avec les services de la DGFiP pour intervenir de façon efficace et complète sur la chaîne financière.
S’agissant plus précisément de la DGFiP, la responsabilité personnelle et pécuniaire, profondément ancrée dans les pratiques des services, structurait de nombreuses procédures qu’il a été nécessaire de ré-interroger. Ainsi, nous avons ouvert un vaste chantier de simplifications pour tirer les conséquences de la réforme et remettre à plat l’exercice de nos métiers, qui n’est pas encore achevé. L’objectif est de concentrer nos ressources sur les dossiers à enjeux pour améliorer le recouvrement, la qualité comptable et poursuivre la fluidification de la chaîne de la dépense. Nous devons aussi renforcer encore le contrôle interne : c’est un enjeu important auquel je suis particulièrement attentive, car il va de soi qu’en la matière, la DGFiP doit être exemplaire.
Mais la DGFiP est aussi là pour aider ses partenaires à mieux appréhender l’impact de la réforme sur la maîtrise des risques et la sécurisation des chaînes financières.
Cette offre de service est proposée aux autres services de l’État, mais aussi aux acteurs de la sphère locale et hospitalière ; elle permet d’apporter aux services gestionnaires qui le souhaitent un appui méthodologique, tant en matière d’outils que de bonnes pratiques.
Enfin, la DGFiP portera dans la durée l’esprit de la réforme, qui est d’inciter à une action publique à la fois plus efficace et garante du respect des règles de l’ordre public financier.
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