Lettre de la DAJ - L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle : une gestion problématique

Dans un référé de décembre 2023 adressé au ministre de la transformation et de la fonction publique ainsi qu’au ministre délégué chargé des comptes publics et publié fin mars 2024, la Cour des Comptes adresse ses remarques et recommandations à propos de la gestion problématique de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) dans la fonction publique d’Etat.

La loi de transformation de l’action publique du 8 août 2019 prévoit l’expérimentation de la mise en place d’une rupture conventionnelle inspiré du modèle du mécanisme existant dans le code du travail. Cette disposition permet à un agent (fonctionnaire titulaire ou contractuel en CDI) de percevoir une indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC). Son montant moyen est de 20 300 €. Cette indemnité n’est pas automatique, elle relève d’une convention entre l’administration et l’agent. Par ailleurs, elle doit être remboursée si l’agent qui l’a perçue réintègre la fonction publique. Ce dispositif, dont l’expérimentation doit s’achever en décembre 2025, connaît un succès certain, 5300 ruptures conventionnelles ayant été signées entre 2020 et 2022 (pour un coût total d’environ 107 millions d’euros).

La Cour des Comptes a réalisé un bilan d’étape des dispositions de la loi de 2019 et, en particulier, du dispositif ISRC. Ce bilan a été prolongé par des « investigations à vocation de suites administratives et contentieuses sur la liquidation de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ». C’est dans ce cadre que le Premier Président de la Cour des Comptes s’adresse au Gouvernement dans son référé de décembre 2023. En effet, la Cour des Comptes, afin de pouvoir apprécier finement ce dispositif recommande des améliorations dans sa gestion dans plusieurs domaines.

La traçabilité de la décision et du calcul du montant de l’indemnité

A ce stade, la Cour des Comptes estime que cette traçabilité est insuffisante et qu’il est nécessaire d’y remédier : de trop nombreuses conventions ne contiennent pas les éléments nécessaires pour apprécier la régularité de la démarche. Afin de lutter contre tout soupçon d’opacité dans la mise en place des conventions, il est nécessaire que ces dernières contiennent toutes les informations pour vérifier que l’indemnité correspond bien aux montants prévus par décret.

Le contrôle de la régularité financière

Les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) ne sont pas suffisamment inclus dans la chaîne de liquidation des indemnités. Alors qu’ils devraient centraliser les documents relatifs à la justification de la dépense, ceux-ci sont encore trop souvent dispersés. En outre, certaines ISRC particulièrement importantes auraient méritées d’être validées par les CBCM. Enfin, la dispersion des documents risque d’être un frein lorsqu’il s’agira d’établir le rapport d’évaluation de l’expérimentation, les CBCM ne disposant pas de la totalité des informations utiles.

Compte tenu de ces écueils, la Cour des Comptes recommande que des correctifs soient rapidement mis en place afin de sécuriser le dispositif et éviter toute forme de dérive. Afin que l’évaluation du dispositif soit juste, il convient donc, selon la Cour, de soumettre en 2024 tous les dossiers de liquidation de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle aux CBCM et de veiller à la complétude des dossiers avec, a minima, la mention de la rémunération brute annuelle (qui permet le calcul de l’indemnité dans les barèmes établis par décret) ainsi que des droits à la retraite sans décote des agents (l’ISRC ne pouvant être proposée aux agents ayant atteint une durée de cotisation suffisante pour liquider leur retraite sans décote).