La CJUE juge qu’une décision fiscale du Luxembourg favorable à Fiat Chrysler Finance Europe n’est pas une aide d’Etat

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt, le 8 novembre 2022, qui annule la décision rendue par le Tribunal le 24 septembre 2019 dans l’affaire Luxembourg et Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (affaires jointes T-755/15 et T-759/15) ainsi que la décision de la Commission du 21 octobre 2015 concernant l’aide d’État mise à exécution par le Luxembourg en faveur de cette entreprise.

Bercy côté Seine
©BercyPhoto/Patrick Védrune

Le 3 septembre 2015, le Luxembourg a adopté une décision fiscale anticipative (ou « tax rulling ») en faveur de l’entreprise Fiat Chrysler Finance Europe (FTT). La Commission européenne, dans une décision en date du 21 octobre 2015, a considéré que cette décision fiscale nationale constituait une aide d’Etat incompatible avec l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La Commission européenne avait également relevé l’absence de notification par le Luxembourg du projet de décision fiscale anticipative et le non-respect par cet Etat membre de l’obligation de suspension ainsi que le prévoit l’article 108, paragraphe 3 du TFUE. Par conséquent, la Commission européenne a ordonné au Luxembourg la récupération de l’aide auprès de l’entreprise FFT.

Le Luxembourg et l’entreprise FFT ont introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne afin de faire annuler la décision de la Commission européenne. Le Tribunal a rejeté ces deux recours dans une décision du 24 septembre 2019(1).

L’entreprise FFT et l’Irlande ont alors saisi la Cour de justice de l’Union européenne aux fins d’annulation de cette décision.

Dans un arrêt du 8 novembre 2022(2), la Cour a annulé la décision rendue par le Tribunal le 24 septembre 2019 ainsi que la décision de la Commission européenne du 21 octobre 2015.

Dans son arrêt, la Cour a rappelé que la qualification d’une mesure nationale d’aide d’Etat résulte de la combinaison de quatre conditions :

  • il doit s’agir d’une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat ;
  • l’intervention de l’Etat doit être susceptible d’affecter les échanges entre les Etats membres ;
  • l’intervention de l’Etat doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire ;
  • l’intervention de l’Etat doit fausser ou menacer de fausser la concurrence.

Afin d’analyser la condition de l’avantage sélectif dans le cadre de l’analyse des mesures fiscales, la Cour indique qu’il convient, dans un premier temps, de déterminer le système de référence c’est-à-dire le régime fiscal « normal » applicable dans l’Etat membre, puis de démontrer, dans un second temps, que la mesure fiscale en cause déroge à celui-ci en tant qu’elle induit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par le système de référence, dans une situation comparable et sans qu’il n’y ait de justification au regard de la nature ou de l’économie du système de référence.

La Cour indique que seul le droit national de l’Etat membre doit être pris en compte par la Commission afin d’identifier le système de référence dans la mesure où en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union européenne fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’Etat membre qui détermine les caractéristiques de constitutives de l’impôt.

La Cour estime donc que c’est à tort que le Tribunal s’est limité à identifier l’expression abstraite du principe de pleine concurrence poursuivi par le système général de l’impôt sur les sociétés sans prendre en compte la façon dont celui-ci est concrètement incorporé dans le droit luxembourgeois notamment pour les sociétés intégrées. En substance, cette erreur a consisté à ne pas tenir compte du principe de pleine concurrence prévu à l’article 164, paragraphe 3 du code des impôts luxembourgeois et précisé dans la circulaire n° 1654/2 afférente pour déterminer si la décision anticipative prise par le Luxembourg conférait un avantage sélectif à son bénéficiaire.

La Cour reproche également au Tribunal d’avoir accepté que la Commission invoque des règles qui ne faisaient pas partie du droit luxembourgeois alors que celle-ci ne disposait pas à cette époque de la compétence lui permettant de définir de façon autonome l’imposition « normale » d’une société intégrée en ne prenant pas en compte les règles fiscales nationales. Ainsi, la Cour estime que le Tribunal a méconnu le TFUE en ce qui concerne les dispositions relatives à l’adoption par l’Union européenne de mesures de rapprochement des législations des Etats membres en matière de fiscalité directe.