Lettre de la DAJ – Exposition des jeunes aux écrans : les recommandations du rapport remis au Président de la République

Un groupe d’experts de la société civile chargé d’évaluer les effets de l'usage des écrans chez les enfants a remis ses conclusions au Président de la République, le 30 avril. Dans ce document, intitulé "A la recherche du temps perdu", ses membres s'inquiètent des conséquences de la surexposition aux écrans en termes de santé et de développement de l’enfant.

Le rapport alerte les pouvoirs publics sur l’hyperconnexion des enfants et les stratégies développées pour capter leur attention, les contrôler et les monétiser.

Il constate que l’utilisation des écrans contribue aux déficits de sommeil, à la sédentarité, aux problèmes de vue et d’obésité, à l’altération des capacités socio-émotionnelles et à celle du développement du langage.

L’utilisation des réseaux sociaux présente des risques de dépression ou d’anxiété à la période de l’adolescence et les espaces numériques où se retrouvent les mineurs (jeux vidéo, forums et messageries) sont exposés aux dangers liés à la pédocriminalité.

Des règles déjà posées pour limiter les risques pour les mineurs mais dont l’effectivité n’est pas suffisante

Au niveau européen, il existe déjà un corpus de règles juridiques : le règlement général sur la protection des données de 2016, la directive « services de médias audiovisuels » (SMA) de 2018 ou encore le règlement sur les services numériques (dit DSA) de 2022.

Au niveau national, le droit français oblige un utilisateur à confirmer qu’il est majeur pour la consultation de sites pornographiques et les moteurs de recherche à flouter les images de ces sites.

L’ARCOM détient des pouvoirs d’injonctions et peut demander au juge de prononcer des mesures de blocages : la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l’espace numérique vient d’élargir ses pouvoirs et de prendre de nouvelles mesures pour protéger les mineurs.

Selon la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, les opérateurs de jeux d’argent et de hasard doivent faire obstacle à la participation de mineurs aux activités de jeux et de pari.

La loi n° 2023-566 du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne dite loi Marcangéli a fixé une majorité numérique à 15 ans pour l’inscription et l’utilisation des réseaux sociaux, cependant les réseaux sociaux appliquent le droit américain qui autorise les inscriptions dès 13 ans.

La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux a également pour objectif de lutter contre des arnaques déjà constatées : incitation à faire des régimes alimentaires dangereux, de la chirurgie esthétique, des paris excessifs, promotion de contrefaçons.

Des dispositifs existent par ailleurs en matière de contrôle parental pour limiter les possibilités d’accès des jeunes aux contenus inappropriés. Toutefois moins de la moitié des parents y ont recours.

Enfin, le monde médical diffuse de bonnes pratiques mais elles sont insuffisamment connues ou peu mises en œuvre. Le rapport cite en particulier la règle dite du « 3-6-9-12 », qui est : pas d’écran avant 3 ans ; pas de console de jeu portable avant 6 ans ; pas d’internet avant 9 ans (puis Internet « accompagné » jusqu’à l’entrée en collège) ; internet seul possible à partir de 12 ans, mais avec prudence.

29 propositions pour reprendre le contrôle des écrans et revenir à des alternatives

Ces propositions sont présentées selon six axes :

  • s’attaquer, pour les interdire, aux conceptions addictogènes et enfermantes de certains services numériques afin de redonner du choix aux jeunes en suscitant des contre-modèles à celui de la captation de l’attention et en interdisant au niveau européen des éléments de conception addictifs ;
  • protéger, plutôt que contrôler, les enfants ;
  • assumer et organiser une progression des usages des écrans et du numérique chez les enfants en fonction de leur âge  -  par exemple, avant 11 ans : pas de téléphone ; - à partir de 11 ans : téléphone sans connexion Internet ; - à partir de 13 ans : téléphone connecté sans accès aux réseaux sociaux ni aux contenus illégaux ; - à partir de 15 ans : accès complémentaire aux réseaux sociaux éthiques ;
  • préparer sérieusement les jeunes à leur autonomie sur les écrans, avoir une stratégie sur la place du numérique à l’école et développer des alternatives accessibles et visibles au « tout écran » comme des activités sportives régulières, aménager des aires de jeux dans les lieux d’attente des transports et des administrations
  • mieux outiller, mieux former au numérique et mieux accompagner les parents, les enseignants, les éducateurs et tous ceux qui interviennent auprès des enfants, tout en organisant une société qui remet l’écran et le numérique à leur juste place ; promouvoir des lieux et des temps « déconnectés » et sans écran, notamment pour encourager les adultes à se poser la question de leur propre rapport aux écrans
  • mettre en place un dispositif ambitieux de gouvernance permettant à la puissance publique de définir une véritable stratégie, de disposer de capacités de pilotage, de pouvoir mieux soutenir les acteurs qui interviennent auprès des jeunes et des familles et d’informer les citoyens ; déployer une stratégie de communication massive, récurrente, grand public de sensibilisation et d’information sur les enjeux de santé, d’éducation et d’environnement attachés largement aux « écrans », ainsi que de promotion des besoins de l’enfant et des réponses alternatives.