Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Tortillons, macarons : les colorants dans nos péchés mignons

La dernière enquête de la DGCCRF sur les colorants dans les confiseries révèle qu’encore trop de professionnels artisans connaissent mal la réglementation en matière d’usage des colorants et plus généralement des additifs.

Illustration de confiseries
©Pixabay

Les adolescents consomment près de 20 g/jour de confiserie et chocolat selon une étude de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Le contrôle de leur conformité par la DGCRF revêt donc une importance particulière. Les colorants jouent directement sur l’apparence du produit. Or dans les secteurs de la confiserie, des décors alimentaires ou encore de la pâtisserie, le rendu esthétique est un critère important. Malheureusement encore trop de professionnels artisans ne connaissaient pas bien la réglementation en matière d’usage de colorants et plus généralement des additifs.

C’est pourquoi, la DGCCRF s’assure que l’utilisation de colorants ne présente pas de risque pour la santé des consommateurs. Ainsi, de 2018 à 2020, ses enquêteurs ont contrôlé plus de 780 établissements, effectué 580 analyses de produits et réalisé près de 960 contrôles concernant principalement les règles relatives aux additifs (50% des contrôles) et les règles d’étiquetage (13% des contrôles). Au total, 38% des établissements contrôlés ne respectaient pas la réglementation.

Une enquête sur plusieurs années pour vérifier que la situation s’améliore bien

Lors de l’enquête réalisée en 2017, les laboratoires de la DGCCRF avaient notamment analysé 30 échantillons de macarons dont 45% étaient non conformes ou impropres à la consommation en raison d’un dépassement de la quantité́ de colorant autorisée ou de l’utilisation d’un colorant non autorisé pour les produits de boulangerie fine (notamment les E 104 et E 110...). L’utilisation des colorants était souvent mal maîtrisée dans les produits artisanaux et dans les confiseries spécifiquement vendues dans les foires et fêtes foraines (pralines, sucettes, tortillons, sucres d’orge, nougats, etc.) ainsi que dans les macarons.

En 2018, un quart des macarons et confiseries analysés contenaient encore des colorants en quantité́ excessive. Compte tenu du nombre important de non-conformités relevées, l’enquête a été prolongée en 2019 et 2020. Elle visait toutes sortes de douceurs, du macaron en passant par les meringues, les biscuits, les pâtisseries jusqu’aux confiseries dans lesquelles le sucre était l’ingrédient majoritaire (y compris les produits de chocolat).

Un ciblage efficace

Qu’est-ce qu’un E ?

Un additif alimentaire est une substance ajoutée aux aliments dans le but de les colorer, de leur conférer une texture particulière, de contribuer à leur conservation ou encore de renforcer leur goût. Dans l’Union Européenne, tous les additifs alimentaires sont identifiés par un numéro commençant par « E » (E 300, E 104, E 129, etc.). La présence de la lettre E signifie que l'additif est approuvé par l'Union Européenne, à la suite d'une évaluation par l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Même si les additifs sont utilisés en petites quantités, ces substances sont évaluées et leur usage surveillé pour prévenir les effets néfastes sur la santé. Certains additifs ou leur quantité d’utilisation diffèrent selon les produits, ces conditions vont dépendre de la dose journalière admissible (DJA).

L’utilisation de colorants dans les denrées alimentaires est strictement encadrée par le RCE n°1333/2008 relatif aux additifs alimentaires.

580 prélèvements pour analyse en laboratoire ont été effectués sur des familles de produits variées. Les bonbons et confiseries ainsi que les macarons représentaient 70% des prélèvements.

Au regard des enquêtes et des résultats d’analyses précédents, les enquêteurs ont affiné le ciblage des produits prélevés vers des produits qui présentaient des non conformités lors des contrôles passés. Les analyses sur ces produits ciblés ont révélé un taux de non-conformité de 67% en 2018 et 63% entre 2019 et 2020.

Les non-conformités concernaient la présence de colorants interdits, le dépassement de la teneur maximale autorisée ou les règles d’étiquetage.

Les macarons dans le rouge

En 2018, 45% des échantillons de macarons prélevés étaient non-conformes ou impropres à la consommation. En 2019 et 2020, ce taux s’élevait à 40%. Les analyses des macarons ont démontré l’emploi de colorants non autorisés ou l’utilisation de colorants autorisés mais avec des teneurs deux fois supérieures à la limite maximale autorisée. Dans certains cas, la teneur contenue dans un seul macaron pouvait parfois même atteindre la dose journalière admissible c’est-à-dire pouvant être consommée sans présenter de risque pour la santé, ce qui n’est pas admissible pour des produits souvent consommés en plusieurs unités.

Une réglementation dosée approximativement par les professionnels

Il a été constaté que de nombreux artisans ne connaissaient pas les dispositions applicables aux additifs, les différents groupes de colorants et le système de catégories de denrées alimentaires, défini notamment dans le règlement (CE) n° 1333/2008 relatif aux additifs alimentaires. La plupart de ces professionnels ne maîtrisent pas entièrement leur processus de fabrication, principalement en ce qui concerne le dosage des colorants. Ils utilisent par exemple des balances ne leur permettant pas de peser les petites quantités de colorant à ajouter à leurs préparations pour ne pas dépasser les limites autorisées, voire dosent « à la pointe du couteau » sans aucune maîtrise des quantités.

L’étude de leurs recettes fait également apparaître l’utilisation de colorants non autorisés dans le but d’obtenir une couleur intense. Les artisans se basent soit sur l’effet recherché, c’est-à-dire l’intensité de la couleur soit sur les fiches techniques des colorants achetés. Dans ce second cas, ils dépendent alors entièrement de la qualité, inégale, des informations transmises par les fournisseurs.

Nouvelle tendance controversée : extraits végétaux colorants

Les consommateurs étant de plus en plus friands de produits naturels, sans colorant ni conservateur, les professionnels se tournent vers des colorants végétaux : poudre de betterave, poudre de fruits etc. et communiquent sur l’absence de colorants sur leur produits.

Or, au regard du règlement (CE) 1333/2008, ces produits peuvent être considérés, selon leur méthode de fabrication (sélection des pigments par extraction physique ou chimique), comme des additifs colorants voire de nouveaux colorants non autorisés et nécessitant donc une autorisation préalable à leur emploi. En effet, lorsque ces produits sont issus d’une extraction sélective de végétaux, la fraction utilisée dans la denrée est concentrée en pigments. L’exposition des consommateurs à ces substances et à de telles concentrations doit alors faire l’objet d’une évaluation des risques.

Les suites données aux contrôles

Pour les manquements les moins graves (sans dépassement des doses autorisées), ce sont 154 avertissements qui ont été adressés aux professionnels pour :

  • Les informer sur la réglementation et leur rappeler la nécessité de rédiger des recettes précisant les quantités de colorants à utiliser et d’être en capacité de peser les faibles quantités ;
  • Signaler un étiquetage d’un colorant non conforme ou des erreurs d’étiquetage sur le colorant utilisé ;
  • Relever l’absence du message de sécurité imposé pour certains colorants (e110, e104, E122, E129, E102 et E124) pouvant avoir des effets indésirables, en particulier sur les enfants.

130 mesures de police administrative pour enjoindre aux professionnels de se remettre en conformité notamment en demandant :

  • De cesser le surdosage des colorants ;
  • De ne plus utiliser d’additifs interdits dans les produits de boulangerie (E 104, E 110 et E 124) ;
  • De mettre en œuvre de nouvelles formules de fabrication.

21 procès-verbaux ont été adressés aux professionnels pour :

  • Dépassements de teneurs ou emploi de colorants interdits ;
  • Délit de falsification notamment lorsque la mauvaise foi de l’opérateur a pu être clairement établie ;
  • Nouveau constat de non-conformité après avertissement aussi bien chez des artisans que chez des grandes entreprises.
  • 5 arrêtés préfectoraux ont été pris pour suspendre la commercialisation et retirer de la vente des confiseries importées des États-Unis  reconnues impropres à la consommation.
  • 100 alertes ont été notifiées pour chaque type de produits (macarons, confiseries etc.) et des procédures de retrait/rappel ont été mises en œuvre. Les non-conformités relatives aux macarons ont donné lieu à 49 procédures d’alertes entre 2018 et 2020.

Les contrôles ont permis à certains professionnels de prendre conscience des règles applicables en matière d’additifs/colorants.

Les suivis d’injonction ont montré que les professionnels se sont mis en conformité, tant au niveau de la fabrication, qu’au niveau de l’étiquetage.

Compte tenu du taux d’anomalie constaté dans les établissements visités et de l’impact des contrôles sur le changement des pratiques, les contrôles sur l’utilisation de colorants dans le secteur des produits sucrés ont été maintenus en 2021 et 2022.