La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), appartenant au ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, est l’organisme national chargé de l’application (ONA) du Règlement 1177/2010 concernant les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure.

En application de l'article 26 du Règlement 1177/2010, la présente publication constitue le rapport d’activité de l’ONA française sur l’application du règlement précité pour la période 2022-2023.
Contexte
La France dispose d’un réseau navigable (fleuves, rivières et canaux) de 8 500 kilomètres dont 5 065 kilomètres sont utilisés, tant pour le transport de marchandises que pour le transport de passagers. Le réseau navigable français est le quatrième réseau d’Europe.
Le transport maritime de passagers a représenté plus de 20 millions de personnes transportées en 2022 (pour environ 27 millions en 2019). Il se concentre principalement sur la façade Manche-Mer du Nord, la façade de la Méditerranée et en outre-mer.
Le transport fluvial et maritime de passagers représentait seulement 1,5% des dépenses totales des ménages dans les transports en 2022 contre 37,1% pour l’aérien et 23,6% pour le routier.
La crise sanitaire et les mesures prises par le Gouvernement pour endiguer la pandémie, limitant les déplacements, ont durement touché le secteur des transports de passagers. En conséquence, le trafic maritime de passagers s’est brutalement effondré en 2020, tombant à 11 millions de passagers, soit -55%. Il a été l’un des secteurs les plus affectés par la crise sanitaire. Le chiffre d’affaires des spécialistes du transport de passagers a repris dès 2021 (+ 21%) et plus nettement en 2022 (+ 35%).
Les recettes liées aux voyages des touristes étrangers en France ont enregistré une augmentation de 17% au cours des neuf premiers mois de 2023 par rapport à la même période en 2019. In fine, l’activité des spécialistes du transport maritime et fluvial de passagers a largement été stimulée par la fréquentation touristique en France en 2023 et le chiffre d’affaires des spécialistes du secteur a augmenté de 12% en 2023, dépassant enfin son niveau d’avant crise en valeur (Source : XERFI - LE TRANSPORT MARITIME ET FLUVIAL EN FRANCE Conjoncture et prévisions 2024).
Les spécialistes du transport maritime de passagers ont pour principaux clients des touristes ou des voyageurs d’affaires, avec ou sans leur véhicule. Les liaisons à destination ou depuis la Corse sont opérées par 4 compagnies de transport de passagers et de fret. Corsica Ferries (350M€ de CA en 2019, 292 M€ (**) (2022) se place comme le leader du marché. Corsica Linea (ex-SNCM), qui a réalisé près de 160M€ de chiffre d’affaires en 2021, se positionne, quant à lui, comme le challenger de Corsica Ferries. La Méridionale et Moby Lines (compagnie italienne) sont également présents sur les lignes vers la Corse.
Brittany Ferries assure pour sa part la majorité du transport de passagers transmanche (CA de 445 M€ en 2022) aux côtés de plusieurs acteurs dont le Danois DFDS, présent en France avec sa filiale DFDS Seaways, et du Britannique P&O Ferries, propriété du groupe DP World.
La desserte de passagers transmanche ou à destination de la Corse depuis le continent, s’effectue en grande partie dans le cadre de contrats de délégation de service public (DSP). Celles-ci sont souvent négociées pour plusieurs années, assurant un certain niveau de visibilité aux compagnies, qui peuvent consentir d’importants investissements pour acquérir de nouveaux navires ou les rénover. Par exemple, l’assemblée de Corse a attribué la délégation de service public maritime entre la Corse et Marseille à la Méridionale et à Corsica Linea de janvier 2023 à décembre 2029. Du côté transmanche, le syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche a renouvelé pour 5 ans le contrat de DSP de Dieppe-Newhaven au Danois DFDS de 2023 à 2027, notamment préféré à Brittany Ferries.
Activités de l’ONA pour la France
La DGCCRF est l’organisme national d’application selon l’article 25 du règlement 1177/2010. En application de l’article L.511-7 du code de la consommation, les agents de la DGCCRF sont habilités à rechercher et constater l’ensemble des manquements au règlement.
Pour exercer sa mission d’organisme national d’application, la DGCCRF s’appuie sur son réseau de services déconcentrés (départements et régions) ainsi que sur le site internet Signal Conso (https://signal.conso.gouv.fr/) qui permet aux consommateurs de signaler un problème rencontré avec un professionnel ou de se renseigner sur leurs droits.
Les passagers ont la possibilité de déposer des réclamations de différentes manières. Ils peuvent soit remplir un formulaire en ligne, soit téléphoner au service client, soit envoyer un courrier postal ou un courriel. Signal Conso permet d’exercer une veille et un contrôle permanent du secteur pour vérifier le respect par les professionnels de leurs obligations d’information et des droits des passagers.
La DGCCRF a émis un guide du voyageur et une fiche pratique sur son site internet et communique régulièrement, notamment avant la période estivale.
En France, le passager peut déposer une plainte auprès du transporteur, auprès du médiateur ou auprès de l’ONA (la DGCCRF). Dans un premier temps, il est recommandé au passager de commencer par saisir le transporteur pour une solution à l’amiable.
Conformément à l’article 24 du règlement, les transporteurs ont établi des mécanismes de traitement des plaintes. Ils reçoivent les réclamations dans un délai de 2 mois à compter de la date effective du voyage et les traitent dans un délai de 1 à 2 mois maximum.
Dans un second temps, après avoir déposé plainte auprès du transporteur et si la réponse ne lui convient pas, le passager peut saisir le médiateur afin de trouver une solution amiable à son litige avec son transporteur. En effet, en application de la directive 2013/11/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013, relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, transposée notamment par le décret du 30 octobre 2015 relatif à la médiation des litiges de la consommation, tous les opérateurs sont obligatoirement adhérents à un système de médiation, qui est généralement le Médiateur Tourisme et Voyage (MTV). Des éléments détaillés figurent dans le Rapport Annuel 2022 du MTV disponible à l’adresse https://www.mtv.travel/wp-content/uploads/2023/03/MTV-RA2022.pdf. En 2022, les dossiers relatifs au transport maritime n’ont représenté que 1,66% de l’ensemble des dossiers traités par le MTV (et pour les prestations de croisière 2,68%).
La DGCCRF est habilitée pour rechercher et sanctionner les manquements des entreprises aux dispositions du règlement 1177/2010. La protection du consommateur, au cœur de ses missions, suppose une veille constante et le lancement d’enquêtes ou de contrôles visant à garantir le respect par les opérateurs des droits des passagers, soit lorsque cela est inscrit dans le programme national d’enquêtes, soit à l’initiative des enquêteurs, notamment en prenant appui sur les réclamations des consommateurs.
En 2022, la DGCCRF a lancé une enquête spécifique pour contrôler la bonne mise en œuvre du règlement 1177/2010 par les professionnels, ainsi que le respect des règles générales de protection des consommateurs. Cette enquête a été réalisée par 12 directions départementales au sein de 5 régions.
Lors de cette enquête, 16 établissements ont été contrôlés et 8 établissements présentaient des anomalies. Lors des contrôles, les droits suivants visés par le règlement ont fait l’objet d’une attention particulière :
- un remboursement ou un réacheminement en cas d’annulation du voyage ou d’un retard au départ de plus de 90 minutes ;
- une assistance adéquate, par exemple la fourniture de repas, de rafraîchissements et, le cas échéant, d’un hébergement pour un maximum de trois nuits en cas d’annulation du voyage ou d’un retard au départ de plus de 90 minutes ;
- une indemnisation d’un montant compris entre 25 % et 50 % du prix du billet en cas de retard à l’arrivée ou d’annulation du voyage ;
- un traitement non discriminatoire et une assistance particulière gratuite pour les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite, tant dans les terminaux portuaires qu’à bord des navires, ainsi qu’un dédommagement financier en cas de perte ou de dégradation de leur équipement de mobilité ;
- des informations pertinentes sur les modalités de voyage pour tous les passagers avant et pendant leur voyage ainsi que des informations générales sur leurs droits au sein des terminaux et à bord des navires ;
- la mise en place d’un mécanisme de traitement des plaintes par les transporteurs et les exploitants des terminaux.
2.1. Constats effectués au cours de ces contrôles
Les contrôles sur l’application des dispositions du règlement européen 1177/2010 sur les droits des passagers voyageant par mer ou par voie de navigation intérieure ont montré que la majorité des entreprises (14 sur 16 contrôlées) respectent la réglementation relative aux droits des passagers.
- Les règles relatives à l’information et à l’assistance en cas de départs annulés ou retardés sont bien respectées :
Généralement, les clients sont informés par tous les moyens disponibles. Le motif le plus fréquent de départ annulé est relatif aux conditions météorologiques. Généralement, des prestations sont offertes en fonction du délai de retard, cela va de la boisson offerte au repas. - Les droits des personnes handicapées et des personnes à mobilité réduite prévus par le règlement sont dans l’ensemble bien respectés :
Droit au transport des personnes handicapées et des personnes à mobilité réduite (PMR) :
Les croisiéristes sont des professionnels habitués à avoir pour clients des personnes ayant des besoins spécifiques notamment en raison de leur cible de clients constituée par une population senior. Pour les longues distances, les bateaux disposent généralement de cabines pour personnes handicapées mais également d’équipements tels que des fauteuils roulants.
Les clients peuvent dès leur réservation en ligne par l’intermédiaire du système informatique indiquer leurs besoins en termes de matériel ou de prise en charge par les membres de l’équipage. Toutefois, la prise en charge des PMR est plus compliquée pour la côte atlantique car l’accès au bateau se fait parfois par des pontons qui peuvent être très pentus lors des marées basses. Certains opérateurs précisent qu’un accompagnant est fortement recommandé pour les personnes en situation de handicap.
L’absence de discrimination des PMR est également respectée.
La personne en situation de handicap est accueillie de la même façon que tout autre passager. L’heure et le lieu de convocation pour enregistrement sont les mêmes. Dans certains cas, des lignes d’enregistrement sont dédiées à l’accueil des personnes ayant des besoins spécifiques.
Formation et consignes
Une formation est organisée pour le personnel au contact des clients. L’obligation de formation est exigée par la réglementation relative au transport maritime qui comprend un volet portant sur l’assistance des personnes handicapées.
- Deux opérateurs exerçant en Méditerranée se démarquent par le nombre élevé de plaintes de consommateurs :
Pour le 1er opérateur, un grand nombre de plaintes reçues a concerné le non-remboursement des billets pour les traversées non effectuées durant la période des confinements suite à la pandémie du Covid. Les plaignants indiquent que lorsqu’ils sollicitent la compagnie, ils n’obtiennent aucune réponse. Le site internet ne propose ni conditions générales de vente, ni mentions légales facilement accessibles. Seuls sont présents un « guide du passager », une foire aux questions et une rubrique « info et contact ». Pour la seconde entreprise, 45 plaintes exploitables ont été relevées. Les consommateurs se plaignent de traversées annulées, souvent au dernier moment, de changement d’horaire, de changement de ports de départ ou de ports d’arrivée, de non remboursement en cas de modifications et de l’impossibilité de joindre la compagnie.
Il a en effet été constaté les pratiques suivantes :
- Vente de traversées comme si elles étaient fermes et définitives alors que ce n'est pas le cas et qu’elles sont modifiées ou annulées au dernier moment ;
- Proposition d’une assurance voyage pour couvrir des risques qui en réalité ne le sont pas ;
- Pratique visant à faire croire au consommateur qu'il ne bénéficie pas de certains droits relatifs au transport de passagers alors que ce n'est pas le cas.
2.2. Données sur les plaintes et infractions constatées
Sur les 16 établissements contrôlés, tant en examinant leur site internet que sur site, 8 présentaient des anomalies, soit un taux de 50 % d’établissements en anomalie. 5 établissements ont reçu un avertissement, 2 ont fait l’objet d’une injonction ; enfin, un procès-verbal pénal a été établi.
La très grande majorité des sociétés ayant été à l’écoute des enquêteurs et très réactives, les suites données sont généralement un avertissement à chacune d’entre elles, ou une injonction dans certains cas. Les avertissements et les injonctions concernent essentiellement le non-respect des dispositions du code de la consommation, et non le règlement 1177/2010.
Pour les deux entreprises ayant fait l’objet de plaintes de consommateurs, des procédures pénales ont été engagées. Dans un cas, une transaction a été acceptée par l’opérateur.
Pour ces deux entreprises, les investigations complémentaires ont été poursuivies en 2023 afin de vérifier que les pratiques sanctionnées n’ont pas été réitérées.