Le deuil, les délais imposés entre le décès et les obsèques, la multitude de formalités à accomplir… autant de facteurs qui font qu’à l’occasion du décès d’un proche, l’entourage ne dispose pas toujours de temps pour se décider et faire convenablement jouer la concurrence entre les différents prestataires funéraires. Dans ce secteur où les consommateurs sont dans une situation de vulnérabilité particulière, la DGCCRF effectue régulièrement des contrôles.

Prestations funéraires : êtes-vous bien informés ? - PDF, 520 Ko
Elle a notamment mené une vaste enquête en 2020 dans le contexte spécifique de la pandémie de Covid-19. Retour sur ces investigations.
En 2020, l’activité des entreprises de pompes funèbres a progressé de 6 % (contre 1,3 % en 2019), avec des pics lors des deux vagues épidémiques (plus de 12 % en avril et plus de 19 % en novembre). Pour autant, c’est aussi une période pendant laquelle les opérateurs funéraires ont subi des contraintes. Ils ont en effet dû adapter leurs offres de services pour respecter les consignes sanitaires spécifiques comme l’obligation de mise en bière immédiate pour les défunts atteints ou probablement atteints de la Covid-19, mais aussi les restrictions associées à l’organisation des obsèques, comme l’absence de transport avant mise en bière, les restrictions pour la présentation en chambre mortuaire, l’absence de soins de conservation... Un nombre non négligeable de professionnels a, de ce fait, pratiqué des hausses de tarifs, des surfacturations tarifaires ou des facturations de prestations supplémentaires (facturation d’équipements de protection individuelle, désinfection des véhicules etc.). Les tarifs ont ainsi progressé de 1,4 % en 2020. Dans le même temps, une concentration du marché s’est opérée, car plusieurs rachats de petits indépendants par des grands groupes ont eu lieu.
Une enquête de la DGCCRF à la mesure du contexte
Cette enquête de la DGCCRF a été réalisée, pendant la période de crise sanitaire, par 88 directions départementales auprès de 623 établissements funéraires. L’objectif était d’amener les professionnels manquant à leur obligation d’information à modifier leurs pratiques. Mais l’objectif était aussi de sanctionner les professionnels qui, sciemment, trompent ou cherchent à tromper les consommateurs sur les produits et services proposés.
Les enquêteurs ont principalement contrôlé le respect, par les professionnels, de leurs obligations en matière d’information des consommateurs, notamment sur les prix (par la remise de devis) ; mais aussi l’absence de pratiques commerciales trompeuses, de tromperie, ou encore de vente liée.
De nombreux manquements constatés
L’enquête de la DGCCRF a mis en évidence un taux élevé d’établissements en anomalie (plus de 68 %). Les enquêteurs ont fait plusieurs constatations lors de leurs contrôles, mais ont notamment relevé beaucoup de manquements résultant d’un manque de diligence à assurer une information conforme et complète aux consommateurs. Ces manquements ont majoritairement été constatés chez les prestataires indépendants et sont principalement liés à une méconnaissance ou à une mauvaise interprétation de la réglementation, notamment des dispositions de l’arrêté du 11 janvier 1999 (voir l’encadré ci-contre).
Quelle information est due en matière de prestations funéraires ?
L’arrêté du 11 janvier 1999, relatif à l’information du consommateur sur les prix des prestations funéraires, prévoit l’obligation, pour les opérateurs de pompes funèbres :
- de préciser au consommateur, dans une documentation générale visible et consultable par la clientèle, les prestations qui ont un caractère obligatoire, ainsi que les prix et conditions de vente de chaque prestation et fourniture ;
- d’établir un devis selon un modèle type. Ce devis a un caractère obligatoire et gratuit et doit être détaillé. Il doit faire apparaître le prix TTC de chaque fourniture ou prestation en indiquant leur caractère obligatoire ou non, les montants nets des prestations et fournitures effectuées par chaque entreprise tierce désignée par le client ;
- d’établir et faire signer un bon de commande distinct du devis et conforme à ce qui est prévu dans le devis accepté par la famille ;
- de prévoir un étiquetage portant sur le prix et la composition des cercueils et de leurs composantes obligatoires et facultatives (emblème religieux, capiton…) lorsque les cercueils sont présentés à la vue du public.
- Les devis passés au crible
Plusieurs types de manquements relevés par les enquêteurs concernaient les devis. Pour une meilleure information du consommateur, la réglementation impose que les professionnels respectent un modèle-type, dont l’utilisation doit favoriser tant la comparaison des prestataires que la concurrence. Or, les enquêteurs ont constaté que certains professionnels ne respectent pas ce formalisme.
Les manquements peuvent aussi concerner le contenu des devis : l’ensemble des enquêteurs ont constaté que la réglementation n’était pas suffisamment appliquée sur ce point. La distinction obligatoire entre les prestations dites courantes et les prestations complémentaires ou facultatives n’est par exemple pas toujours respectée. Des prestations sont parfois indiquées comme obligatoires alors que tel n’est pas le cas, à l’image des soins de conservation. L’information du consommateur n’est donc pas suffisante dans ces cas. Et il en va de même lorsque les devis ne font pas état clairement de ce que l’opérateur funéraire assure lui-même ou, au contraire, fait réaliser par des entreprises tierces. Dans ce cas, la réglementation impose de préciser le montant net correspondant aux prestations exécutées par les entreprises tierces, ainsi que le montant des honoraires de l’opérateur funéraire. Or, des manquements ont été relevés à ce sujet.
- Focus sur les clauses abusives et l’affichage des prix
En parallèle, d’autres types de manquements non spécifiques aux devis des prestations funéraires ont été identifiés par les enquêteurs. Une augmentation du nombre de clauses abusives dans les conditions générales de vente a notamment été constatée pendant la crise sanitaire. Sous couvert du caractère inédit de cette crise, certaines clauses concernant des retards ou des aménagements ont en effet été insérées dans les conditions générales de vente en raison des confinements et des restrictions de déplacement (abus de retard de livraison, modification unilatérale du montant de la commande en raison des restrictions de déplacements etc.).
Par ailleurs, l’affichage des prix et l’information sur les produits proposés à la vente ont été contrôlés et certains manquements ont été relevés, comme l’absence ou l’insuffisance d’information sur la composition des cercueils (essence du bois, épaisseur) ou encore l’absence de concordance entre les prix annoncés dans la documentation générale et les prix facturés aux consommateurs.
- Le contrôle spécifique des prestataires en ligne
Dans ce contexte de crise, les enquêteurs ont été particulièrement attentifs aux pratiques des professionnels en ligne. Ils ont notamment contrôlé les sites d’opérateurs funéraires. Ces sites ont en général une fonction de présentation des prestations proposées. La conformité de leurs informations légales a ainsi été contrôlée. De même, comme pour tous les opérateurs (aussi bien en agence qu’en ligne) les enquêteurs ont vérifié la présence d’autres informations devant être fournies, comme par exemple celles relatives au dispositif BLOCTEL ou encore celles concernant le médiateur de la consommation, et ce d’autant plus que ce dispositif de médiation reste encore très mal connu des opérateurs.
Les sites présentés comme des comparateurs de tarifs obsèques ont aussi fait l’objet de contrôles. Les allégations portant sur les engagements de ces professionnels ont notamment été vérifiées. En effet, certains sites se prétendent comparateurs mais ne fournissent aucune information concernant les tarifs ou les caractéristiques essentielles de prestations permettant d’effectuer une véritable comparaison entre les prestataires ; ceci s’apparente dès lors à une pratique commerciale trompeuse sur la nature du service et la portée de l’engagement.
Qu’est-ce qu’un contrat obsèques ?
Les contrats obsèques peuvent être souscrits auprès des banques et des assurances ou directement auprès d’opérateurs funéraires. Les bénéficiaires d’un contrat obsèques peuvent être des opérateurs funéraires ou/et des particuliers. Le choix du bénéficiaire est une prérogative du souscripteur du contrat. Il en existe deux catégories :
- Les contrats en capital, destinés à constituer et valoriser un capital ; ils sont obligatoirement affectés au financement de l’organisation des obsèques du souscripteur (pour un montant de 4 000 euros en moyenne) ;
- Les contrats en prestations assortis du descriptif détaillé des prestations funéraires et des modalités de la cérémonie qui seront réalisées au moment du décès ; la famille est déchargée de tout, dès lors que l'opérateur funéraire désigné au contrat est avisé du décès.
- Le cas particulier des contrats obsèques
D’une manière générale, il ressort des contrôles de la DGCCRF qu’en moyenne 20 % des prestations effectuées par les prestataires le sont par le biais de contrats obsèques.
Les modalités de fonctionnement sont à peu près semblables chez l’ensemble des opérateurs contrôlés.
D’après les éléments recueillis par les enquêteurs, il semble que l’obligation de remise d’un devis par les opérateurs funéraires aux familles bénéficiaires du contrat souscrit par le défunt soit mieux respectée que par le passé, en comparaison notamment à une précédente enquête datant de 2017.
Le fichier de centralisation des contrats obsèques de l’AGIRA
L’Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurances (AGIRA) a été créée par la Fédération Française de l’Assurance et regroupe les sociétés d’assurance et les organisations professionnelles du secteur.
En 2017, l’AGIRA a créé le fichier de centralisation des contrats obsèques. Ce fichier permet de recenser l’ensemble des contrats de prévoyance obsèques afin de permettre à toute personne de savoir, en cas de décès d’un proche, s’il est bénéficiaire d’un contrat obsèques pour financer ces dernières.
En revanche, une insuffisance a été soulignée par les enquêteurs relativement à la consultation du fichier de centralisation des contrats obsèques de l’AGIRA (voir l’encadré ci-contre). Lorsqu’un contrat obsèques a été conclu, les proches du défunt n’en sont pas forcément informés. Consulter le fichier de l’AGIRA est dans ce cas le moyen de s’en assurer (sans être une obligation légale ou réglementaire). Or les familles peuvent ne pas avoir connaissance de ce fichier mais il s’avère que la grande majorité des professionnels contrôlés ignorait aussi ce dispositif. Les enquêteurs ont constaté que pour les opérateurs appartenant au réseau d’un grand groupe, la recherche d’un éventuel contrat-obsèques souscrit par le défunt ou la défunte est laissée à la charge des services spécialisés au siège. Le fichier de l’AGIRA n’est donc pas toujours consulté.
Une modulation des suites en fonction des manquements
A l’issue de ces investigations, les suites administratives et pénales ont été graduées en fonction de la gravité des manquements et infractions constatés. En l’occurrence :
- 32 procès-verbaux administratifs ont été dressés à l’encontre d’entreprises pour non-respect d’une injonction, pour majoration de prix ou non-conformité du devis-type ;
- 3 procès-verbaux pénaux ont été rédigés pour des délits de pratique commerciale trompeuse et 2 procès-verbaux ont été transmis au procureur de la République ;
- 214 injonctions ont été prononcées ;
- 204 avertissements ont été adressés ;
- des signalements ont été rédigés pour les pratiques anticoncurrentielles constatées.
Comme les enquêteurs de la DGCCRF ont pu le constater lors de leurs contrôles, les établissements regroupés au sein de réseaux ou de grands groupes sont d’une manière générale mieux informés de la réglementation que les petites entreprises indépendantes qui, souvent, n’adhèrent pas à une fédération professionnelle susceptible de leur transmettre des informations d’ordre réglementaire.
Les enquêteurs ont par ailleurs souligné que les professionnels se montrent globalement réactifs et enclins à se mettre rapidement en conformité avec la réglementation, même si certains attendent manifestement la visite des services de contrôle pour le faire.
Une précédente enquête nationale menée en 2017-2018 avait déjà montré que plus de la moitié des établissements contrôlés étaient en anomalie. Compte tenu de ces constatations et du fort taux d’anomalie relevé à nouveau, la reconduction de ces investigations semble nécessaire et particulièrement pertinente auprès des entreprises indépendantes où une méconnaissance des réglementations paraît perdurer.