La maison individuelle, mode d’habitat souhaité par plus de 70% des Français, représente un investissement financier important pour les futurs acquéreurs. Dans le but de préserver les acheteurs d’éventuelles mauvaises surprises, le législateur a mis en place un cadre juridique protecteur : le contrat de construction de maison individuelle (CCMI). Autorité de protection des consommateurs, la DGCCRF contrôle le bon respect de cette réglementation. Toutefois, au cours de l’enquête menée par la DGCCRF en 2017, de nombreuses irrégularités ont été relevées.
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Construction de maison individuelle : des pratiques trompeuses et des contrats rarement conformes - PDF, 380 Ko
Le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) offre de meilleures garanties au maître d’ouvrage (l’acquéreur) ce qui suppose un formalisme renforcé pour le professionnel.
Un cadre juridique plus protecteur pour l’acquéreur
Le CCMI a été conçu pour protéger les consommateurs et leur offrir un degré de sécurité juridique plus élevé que d’autres cadres juridiques. En effet, lorsqu’il conclut un contrat de maîtrise d’œuvre ou d’architecte, le maître d’ouvrage doit aussi signer une pluralité de contrats avec autant d’acteurs qu’il y a de corps d’état à faire intervenir pour la construction de sa maison individuelle. De plus, le législateur n’impose pas la conclusion d’une garantie de livraison à prix et délais convenus pour un contrat de maîtrise d’œuvre comme il le fait pour le CCMI.
Par ailleurs, dans le cadre du CCMI, le constructeur est responsable des travaux effectués par les artisans. C’est donc lui qui doit réceptionner les travaux de tous les corps d’état intervenus dans la construction. Le maître d’ouvrage ayant contracté un CCMI bénéficie en outre d’un délai de rétractation spécifique de dix jours dont il ne bénéficie pas s’il contracte avec un maître d’œuvre.
Pour être conforme, le contrat de construction de maison individuelle (CCMI) doit contenir des mentions précises, parmi lesquelles : la désignation du terrain destiné à l’implantation de la construction, la consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire, les conditions et les modalités d’exercice du droit de rétractation. Il doit aussi comporter des mentions prévues par le code de la consommation en matière de contrats de vente de biens ou de fourniture de services telles que les caractéristiques essentielles des biens et services, le prix, l’identité, les coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du constructeur, les informations relatives aux garanties légales et la possibilité de recourir à un médiateur.
Les obligations des professionnels de la construction de maison individuelle
- Établir un contrat entre les différents acteurs : la construction d’une maison individuelle implique la signature d’un contrat entre le maître d’ouvrage (l’acquéreur) et le constructeur avant tout commencement d’exécution de travaux.
- Respecter le délai de rétractation : l’acquéreur dispose d’un délai impératif de rétractation de dix jours (loi n° 2015-990 du 6 août 2015).
- Indiquer le montant de l’étude de sol : ce montant ne doit pas être retiré du prix forfaitaire global.
- Ne pas omettre de préciser la nature et le délai de réalisation des travaux. Cette pratique est contraire à la règlementation (arrêté du 3 octobre 1983) en matière de publicité des prix des services.
- Détenir une carte professionnelle et un mandat si le professionnel propose tant la construction de maison individuelle que la vente de terrain.
Certains professionnels indélicats insèrent dans le contrat des clauses abusives au détriment de l’acquéreur
Les clauses obligatoires contenues dans le CCMI sont destinées à protéger l’acquéreur.
En dépit du formalisme contraignant de ce type de contrat, certains professionnels n’hésitent pas à ajouter des modalités contraires aux intérêts de l’acquéreur.
Des clauses abusives ont été relevées dans les contrats de certains établissements. À titre d’exemple : des clauses imposant au maître d’ouvrage de réaliser l’étude de sol, d’autres prévoyant des modalités de résiliation plus favorables au professionnel ou des délais de livraison supplémentaires en raison du retard de paiement du maître d’ouvrage.
D’autres clauses, qualifiées d’illicites ou d’abusives par la Commission des clauses abusives[1] telles que l’interruption du chantier ou la résiliation du contrat pour retard de paiement sous huitaine alors qu’elle ne peut intervenir que dans un délai d’un mois, ont été notées par les enquêteurs.
Les dispositions en faveur de la protection des acquéreurs ne sont pas toujours appliquées
De nombreux manquements au code de la consommation ont été constatés au cours de l’enquête de la DGCCRF :
Des publicités destinées à abuser l’acheteur
De nombreuses publicités trompeuses ou mensongères ont été relevées telles que : « L’entreprise X spécialisée dans la construction de maison individuelle » par des opérateurs ne détenant pas cette qualification. Cette pratique constitue un élément trompeur laissant faussement croire au consommateur que l’entrepreneur détient le savoir-faire pour réaliser les travaux. Un autre professionnel apposait, sur sa documentation commerciale, le logo de l’Institut national de la consommation (INC) alors qu’il n’avait aucun lien avec.
Une autre publicité annonçait : « La société X propose : 732 € /mois terrain compris. Constituez-vous un patrimoine plutôt que de verser un loyer perdu » alors que la réglementation[2] relative au crédit immobilier interdit dans toute communication publicitaire et commerciale le fait d'assimiler les mensualités de remboursement à des loyers.
L’exécution des travaux sans avoir pu disposer du CCMI
Le contrat n’est parfois pas envoyé à l’acquéreur par lettre recommandée avec accusé de réception, comme le prévoit le code de la construction et de l’habitation.
La possibilité de recourir à la médiation très souvent absente des contrats
Certains contrats contrôlés ne mentionnaient pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation[3]. Toutefois, de nombreux établissements contrôlés utilisaient le contrat-type de LCA-FFB[4], respectueux de la règlementation sur la médiation.
Des mentions incomplètes sur les sites internet
Certaines mentions obligatoires en vertu de la loi[5] étaient absentes des sites internet telles que l’adresse électronique ou postale ou l’indication du n° de TVA intracommunautaire.
D’autres faits ont été signalés : l’encaissement de dépôts de garantie alors que ces fonds doivent être déposés sur un compte spécial ouvert au nom du maître d’ouvrage par un organisme habilité, des attestations de garantie de livraison fournies sans indication précise de la date de départ de la garantie, des labels BBC[6] et B-BIO[7] ou des certifications NF affichées abusivement.
Même si le taux d’anomalies est en légère baisse, les contrôles seront poursuivis face à la persistance de manquements à la réglementation dans un domaine qui a un impact majeur sur le pouvoir d’achat des ménages.
Les résultats de la dernière enquête de la DGCCRF en 2017
Face aux constats observés au cours de l’enquête précédente réalisée en 2016 (le taux d’anomalie approchait alors 58 %), la DGCCRF a de nouveau contrôlé ce secteur en 2017. Pour mener à bien leur action, les enquêteurs se sont appuyés sur les plaintes de consommateurs ou les signalements de professionnels, les annuaires professionnels, les sites internet spécialisés, les fédérations du BTP et/ou syndicats professionnels, les salons, les chantiers et enfin les publicités insérées dans la presse.
Parmi les 199 établissements contrôlés,
109 présentaient des anomalies, soit un taux d’établissements en anomalie de 55 %, ayant donné lieu à la rédaction de 71 avertissements, 32 injonctions et 22 procès-verbaux pénaux.
[1] Recommandation n°81-02 « Construction de maisons individuelles selon un plan établi à l’avance et proposé par le constructeur » du 16 janvier 1981.
[2] Article L. 313-5 du code de la consommation.
[3] Article L. 111-1 6° du code de la consommation.
[4] Les Constructeurs et Aménageurs, syndicat professionnel rattaché à la Fédération française du bâtiment.
[5] Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
[6] Bâtiment basse consommation.
[7] Besoin Bioclimatique, c’est l'une des trois exigences de la règlementation thermique de 2012 (dite « RT 2012 »). C’est un coefficient qui représente l'efficacité énergétique du bâti du projet.