Pressurage des raisins, ajout de sucre, traçabilité, mentions valorisantes… : produire du Champagne répond à un cadre réglementaire précis. Les agents de la DGCCRF s’assurent de son respect en effectuant des contrôles tout au long de sa production et de sa commercialisation. Trois principaux types de fraudes ont été relevés lors des enquêtes de 2020 et 2021 : sur l’étiquetage, les pratiques œnologiques et le pressage des raisins.
Afin d’assurer la bonne information du consommateur et garantir la concurrence loyale entre les entreprises, la brigade d’enquête vins et spiritueux (BEVS) de la DGCCRF sillonne le vignoble champenois qui s’étend sur cinq départements dont la Marne et l’Aube (lire encadré), à la recherche de fraudes. Les contrôles sont effectués dans l’ensemble des entreprises impliquées dans la production de Champagne : vignerons, coopératives, négociants mais aussi fabricants de produits œnologiques, embouteilleurs, tonneliers, imprimeurs…
Le ciblage des entreprises s’effectue sur la base d’un travail de prospection réalisé par les enquêteurs (sites Internet, analyse de données…), via la transmission d’informations de la part des professionnels ou des autres administrations, et en tenant compte de l’historique de contrôle de chaque opérateur.
En 2020 et 2021, la BEVS a contrôlé 226 entreprises dans le bassin champenois. Si la majorité des contrôles ont permis de constater le respect de la réglementation (dans la filière vitivinicole française, de manière générale, environ 85 % des actions de contrôles aboutissent à un résultat satisfaisant), plusieurs infractions ont été constatées.
Trois principaux types de fraudes ont été relevés, liés à l’étiquetage, aux pratiques œnologiques et aux vendanges.
AOP, Grand cru… : les fraudes en matière d’étiquetage du Champagne
En matière d’étiquetage, les enquêteurs de la DGCCRF contrôlent l’ensemble des mentions figurant sur les bouteilles, mais également les documents commerciaux, sites Internet, etc.
- Deux sociétés ont fait l’objet d’une lourde condamnation en 2021 en raison de la revendication de l’AOP « Champagne » sur des vins ne pouvant y prétendre. Le jugement, confirmé en appel puis en cassation, a donné lieu à la saisie de 158 000 flacons, plus de 800 hectolitres de vin en cuve (valeur : 2,1 millions d’euros) ainsi que les sommes créditées sur les comptes en banque des deux sociétés.
- 10 opérateurs ont par ailleurs fait l’objet de procès-verbaux et d’injonctions administratives en raison de l’utilisation indue des mentions « Premier cru » et « Grand cru », qui impliquent une qualité supérieure précisément définie, sur des lots de vins ne pouvant y prétendre.
- En outre, plusieurs non-conformités relatives à l’utilisation indue de la mention « domaine » ont été relevées. La mention valorisante « domaine » signifie en principe que les raisins sont récoltés sur les vignes du domaine et que la vinification y est réalisée. A titre d’exemple, un opérateur a fait l’objet d’un procès-verbal pour pratique commerciale trompeuse, car il se présentait comme un domaine familial mais achetait ses vins à une maison de négoce. Une transaction d’un montant de 60 000€ a été réglée par la société incriminée.
- Plusieurs opérateurs ont également été sanctionnés pour avoir indument utilisé le logo « agriculture biologique » ou la mention « biologique » / « biodynamique ». A titre d’exemple, une maison de Champagne commercialisait des vins avec la mention « biodynamie » alors que ses produits ne pouvaient prétendre à une telle revendication. Cette société se présentait également comme une « maison de Champagne bio » alors que la majorité des produits commercialisés par ses soins n’étaient pas issus de l’agriculture biologique. Ces constatations ont donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal pour pratique commerciale trompeuse. Une transaction de 150 000€ a été réglée par la société.
- D’autres non-conformités comme l’usage indu des mentions « haute valeur environnemental », ou « brut », ou « extra brut », qui portent sur la sucrosité, ont fait l’objet d’avertissements ou d’injonctions administratives.
Fraudes lors de la vinification du Champagne
En matière de pratiques œnologiques, la BEVS contrôle l’ensemble des pratiques physiques et des produits œnologiques utilisés pour vinifier, élever et conserver le vin. Ces pratique et produits sont limitativement définis dans la réglementation européenne.
- Deux procédures contentieuses ont été établies, à l’encontre d’une coopérative et d’un récoltant, pour non-respect du taux maximal de chaptalisation (ajout de sucre au moût avant la fermentation alcoolique). Pour la même raison, un autre opérateur a fait l’objet d’une procédure transactionnelle d’un montant de 8 000€, les volumes concernés étant faibles.
- Pour un autre opérateur, 1 528 bouteilles ont par ailleurs été détruites par envoi aux usages industriels (distillation, vinaigrerie…) en raison d’un titre alcoométrique volumique inférieur au minimum fixé par le cahier des charges de l’AOC Champagne.
- En outre, une procédure a abouti à la destruction volontaire de 1 089 bouteilles en raison du développement de divers mauvais goûts liés à la technique de vinification.
- Les contrôles peuvent également concerner des opérateurs intervenant en appui de la vinification. Ainsi, un laboratoire d’analyse a fait l’objet d’un avertissement pour avoir établi des « certificats de pureté et de libre vente » concernant des vins falsifiés par ajout d’un colorant.
Fraude dans le pressurage des raisins
Lors des vendanges, les enquêteurs de la DGCCRF effectuent des contrôles visant à vérifier le rendement au pressurage des raisins, qui constitue une spécificité champenoise. En effet, alors que celui-ci n’est pas réglementé dans les autres vignobles, le cahier des charges de l’AOP Champagne prévoit que 160 kg de raisins sont nécessaire à la production d’1,02 hectolitre de moût.
- Plusieurs injonctions administratives, établies à l’encontre d’opérateurs ne respectant pas ces dispositions règlementaires, ont abouti à la destruction de volumes excédentaires obtenus au-delà du rendement au pressurage.
- En outre, lors de la vendange 2020, plus de 12 000 kg de raisins récoltés mécaniquement ont été déclassés car le cahier des charges de l’AOC Champagne interdit l’utilisation d’outils ne permettant pas la récolte de grappes de raisin entières.
- Font également l’objet d’une attention particulière les obligations des opérateurs en matière de traçabilité, notamment relatives à l’origine géographique des raisins (noms de lieux-dits, Grand Cru ou Premier cru…). Plusieurs injonctions administratives ont donné lieu au déclassement en « Champagne » de vin indûment revendiqué en « Champagne Grand Cru » ou au déclassement en « vin sans indication géographique » de vin revendiqué en Champagne…
Champagne 16 600 vignerons pour 10 % de la consommation mondiale de vin effervescent
Le bassin viticole champenois s’étend sur plus de 34 000 hectares répartis sur 5 départements, principalement la Marne et l’Aube, mais également l’Aisne, la Haute-Marne et la Seine-et-Marne. La récolte et la production concernent environ 16 000 vignerons, 130 coopératives, et 370 maisons de Champagne.
Le chiffre d’affaires de la filière, estimé à plus de 5,5 milliards d’euros en 2021, est notamment dû aux bonnes performances à l’export, qui représente plus de 63% des ventes en valeur (Etats-Unis et Royaume-Uni sont les deux premiers marchés). Le Champagne représente près de 10% de la consommation mondiale de vin effervescent.
Liens utiles
Fiche pratique sur l’étiquetage du Champagne