Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Focus sur les pratiques frauduleuses dans le crowdfunding

Le financement participatif, aussi appelé crowdfunding, est désormais courant et bien connu du grand public. Les plateformes de financement participatif mettent en relation, via un site internet, des porteurs de projets et des investisseurs. En 2019, la DGCCRF leur a consacré une nouvelle enquête, dans le prolongement de celles déjà réalisées entre 2014, 2015 et 2018, pour vérifier la licéité de leurs pratiques. Retour sur 51 contrôles, dont 41 sur internet, menés auprès de 25 établissements.

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L’appellation formée par « crowd », la foule et « funding », le financement, aurait-elle prédestiné le phénomène au succès ? Quelles qu’en soient les raisons, le crowdfunding suscite un réel engouement chez les consommateurs. Il permet de récolter des fonds - généralement de petites sommes - auprès d’un large public pour soutenir des initiatives de proximité ou des projets défendant certaines valeurs. Il diffère des méthodes de financement traditionnelles et peut apparaitre, dans certains cas, comme une alternative au prêt bancaire.

Pour qu’il ne devienne pas le terrain privilégié de pratiques commerciales illicites, le financement participatif est encadré et surveillé. Cette nouvelle enquête a ainsi été l’occasion, pour la DGCCRF, de s’assurer du respect de la réglementation applicable à ce secteur. Les investigations ont ciblé plus particulièrement le secteur des cagnottes en ligne ou se présentant comme « solidaires » et les opérations de dons, susceptibles de jouer sur l’esprit de solidarité des consommateurs, ainsi que les opérateurs proposant du financement participatif reposant sur un système de type « pyramidal »[1].

En 2019, le crowdfunding a permis de collecter 629 millions d’euros[2] dédiés au développement de projets dans des domaines très divers : initiatives de proximité, projets artistiques, créations d’entreprises... Cela représente une augmentation des fonds collectés de l’ordre de 56 % par rapport à l’année précédente. Les plateformes proposant des cagnottes en ligne ont quant à elles permis de récolter 410 millions d’euros, soit une augmentation de 24 % par rapport à l’année précédente. Par ailleurs des solutions  « embarquées » de financement de la solidarité ont rassemblé quelques 9 millions d’euros, soit 125 % de plus qu’en 2018 et consistent en des dons de faible montant, réalisés à l’occasion d’un arrondi prélevé lors du règlement des achats, sur le point de vente ou en ligne.

Passer au crible les pratiques des plateformes        

Les différentes formes et déclinaisons du crowdfunding sont apparues au fil du temps, à mesure du développement de ce secteur. Le financement des projets peut ainsi revêtir la forme d’un don, d’un prêt assorti ou non d’une rémunération (crowdlending) ou encore d’un investissement en capital (crowdequity). L’activité des cagnottes en ligne est particulièrement plébiscitée par les consommateurs pour la collecte de fonds visant par exemple, l’achat de cadeaux communs pour des anniversaires ou des pots de départ. Certains sites prévoient dans ce cadre des partenariats avec des enseignes auprès desquelles seront dépensés les fonds récoltés.

Les obligations des plateformes de crowdfunding se sont accrues depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Désormais, que leur activité  repose sur des prêts  et/ou des  dons, les plateformes doivent être immatriculées en tant qu’intermédiaire en financement participatif (IFP) auprès du registre unique des intermédiaires en assurance, en banque et en finance (ORIAS). L’ORIAS vérifie notamment si les conditions d’honorabilité et de compétence professionnelle sont remplies par ces organismes.

Parmi les différents objectifs de l’enquête qu’elle a menée, la DGCCRF s’est notamment attachée à rechercher, sur les plateformes de crowdfunding, les pratiques commerciales trompeuses ou les pratiques illicites, susceptibles de constituer des ventes pyramidales ou des prestations de services à la boule de neige. Les opérateurs mettant en place un type de marketing de réseau, conditionnant la proposition d’un projet sur la plateforme à un don préalable au profit d’un autre projet et au recrutement d’autres membres sur la plateforme, ont dès lors été particulièrement ciblés.

Lors de l’enquête, la DGCCRF a également vérifié le respect, par les plateformes de financement participatif, des dispositions de la loi nᵒ 2004-575 du 21 juin 2004, pour la confiance dans l'économie numérique. Cette loi impose en effet aux plateformes plusieurs mentions obligatoires, telles que par exemple ; l’identité de la personne physique ou la raison sociale de la personne morale qui exerce l’activité, le cas échéant, ses coordonnées, l'adresse de son siège social, le numéro de son inscription si elle est assujettie aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, son capital social, ses autorisations professionnelles…

Identifier tous les types de manquements

En dehors de cas de fausses cagnottes solidaires détectées à la suite de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, d’usurpations d’identité de structures dûment immatriculées en tant qu’IFP et de promotions de « faux projets », le secteur du financement participatif témoigne en 2019 d’un recul des pratiques frauduleuses.

L’enquête a cependant permis d’identifier plusieurs anomalies récurrentes :

  • Les enquêteurs ont constaté notamment que les sites de financement participatif proposant des opérations sous forme de dons méconnaissaient souvent leur obligation d’immatriculation et ne respectaient pas toujours les obligations afférentes au statut d’IFP, tenant notamment à la mise à disposition d’un contrat de don type, ou à la fourniture d’informations précontractuelles.
  • Les enquêteurs ont également relevé que la notion de « projet » définie à l’article L548-1 du Code monétaire et financier pouvait être sujette à des interprétations diverses. De fait, il est apparu que certains sites de cagnottes étaient immatriculés en tant qu’IFP alors que leur activité ne portait pas sur un « projet » répondant aux caractéristiques prévues par l’article précité. Ce texte prévoit en effet que le projet doit consister en une opération prédéfinie ou en un ensemble d'opérations prédéfini en termes d'objet, de montant, de calendrier, de projection financière et de résultat attendu. A titre d’exemple, l’activité de collecte de fonds dédiés au financement d’un refuge animalier n’est pas soumise à la règlementation applicable aux IFP, tandis que la collecte de fonds dédiés à la construction d’un chenil, dont le coût et le calendrier des travaux sont préétablis, est soumise à la règlementation précitée.
  • Les investigations ont aussi révélé les pratiques de sites de cagnottes en ligne prétendument gratuites ou sans frais, alors qu’elles étaient en réalité financées par le prélèvement d’une commission sur le montant de la cagnotte, lors du transfert vers un compte bancaire, ou par le versement d’une commission par l’intermédiaire des enseignes partenaires. Les cagnottes en ligne ont, de manière générale, recours à des prestataires de service de paiement (PSP) dans le cadre de leurs activités, les fonds ne transitant pas par les comptes des sites de cagnottes mais étant collectés via un porte-monnaie électronique.

Dans le domaine spécifique des pratiques commerciales illicites, l’enquête a par ailleurs permis de montrer que certaines plateformes établies à l’étranger et qui fonctionnent sur un « système pyramidal » ne disposaient pas d’une antenne ou d’un interlocuteur identifié en France.

Maintenir la vigilance sur ce secteur en expansion  

A l’issue de cette enquête, un procès-verbal a ainsi été établi à l’encontre d’un site proposant du financement participatif pyramidal dont les pratiques ont pu être qualifiées de vente « à la boule de neige ». Les autres anomalies relevées lors des contrôles ont par ailleurs donné lieu à la transmission de sept avertissements et de deux injonctions.

  • Trois avertissements ont été adressés pour des anomalies concernant l’absence d’immatriculation au registre de l’ORIAS, en tant qu’IFP, des plateformes dont l’activité repose sur des opérations de dons. Les opérateurs concernés ont cessé leur activité ou réalisé les démarches nécessaires à l’immatriculation en tant qu’IFP.

Trois avertissements ont également été adressés à des plateformes immatriculées en tant qu’IFP, concernant le respect des obligations règlementaires liées à ce statut et tenant à la mise à disposition d’un contrat-type et à la communication des informations précontractuelles. Deux opérateurs se sont mis en conformité à la suite de ces avertissements et un opérateur a été contraint de suspendre son activité afin d’effectuer une levée de fonds lui permettant de développer de nouvelles fonctionnalités sur son site internet.

Un avertissement a enfin été adressé à un opérateur concernant le respect de la règlementation relative à la vente à distance de services financiers.

  • Deux procédures d’injonction administrative ont été engagées à l’encontre d’une part, d’une plateforme non immatriculée IFP alors qu’elle affichait sur son site internet le macaron « plateforme de financement participatif régulée par les autorités françaises » et d’autre part, d’un site de cagnotte sur lequel figuraient des mentions au caractère trompeur (tenant à l’absence de frais des cagnottes ou au pourcentage de clients satisfaits..). Ces deux opérateurs se sont conformés à la règlementation à la suite des procédures d’injonction.

Les investigations réalisées démontrent que, malgré des irrégularités affectant le respect de la règlementation liée au statut d’IFP, ce secteur en forte expansion semble en voie d’assainissement, marqué par un recul des pratiques frauduleuses préjudiciables aux consommateurs. Le contexte de la crise sanitaire et économique justifie toutefois que la DGCCRF maintienne une vigilance toute particulière dans ce domaine et spécialement autour des cagnottes dites « solidaires » et continue ses investigations en partenariat étroit avec les différentes autorités chargées de sa régulation que sont l’ACPR et l’AMF (l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Autorité des marchés financiers).


[1] Conditionnant par exemple la proposition d’un projet sur la plateforme au recrutement d’autres membres sur la même plateforme

[2] Source : baromètre Mazars/Financement participatif France : le crowdfunding en France en 2019