Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Enchères sur internet : les vendeurs ne respectent pas toujours leurs obligations

A l’issue de contrôles sur des sites internet de courtage aux enchères, la DGCCRF a rappelé les opérateurs à leurs obligations d’information des consommateurs. Ceux-ci doivent notamment pouvoir savoir comment sont référencées et classées les offres, si le vendeur est un professionnel ou un particulier, connaître les conditions de rétractation applicables et les frais dont il devra s’acquitter en plus du prix.

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Des enchères et des ventes en ligne en développement

En 2019 en France, selon le Conseil des ventes volontaires (CVV), le produit des ventes aux enchères (hors vente judiciaire et de gré à gré) a progressé de 12 %, à près de 3,5 milliards d’euros. Le montant des ventes électroniques est en progression.

Compte tenu du développement de l’activité de courtage aux enchères par voie électronique, la DGCCRF a décidé de mener au deuxième trimestre 2019, une enquête afin notamment de vérifier l’information délivrée aux consommateurs quant à la nature de la vente.

La notion de ventes aux enchères en ligne est utilisée pour faire référence à deux types d’activités distinctes : les ventes volontaires aux enchères publiques d’une part, le courtage aux enchères par voie électronique d’autre part. Ces ventes relèvent de régimes juridiques très différents, de sorte que toute confusion sur la nature de la vente est susceptible d’être préjudiciable au consommateur.

Qu’est-ce qu’une vente aux enchères en ligne ?

  • Le courtage aux enchères par voie électronique, qui relève du « secteur non régulé », consiste à assurer la mise en relation entre acheteurs et vendeurs de biens meubles (livres, cartes à collectionner…) via un site internet. Concrètement, un vendeur s'inscrit sur le site en décrivant le bien offert et son prix indicatif. Parallèlement, l'acheteur potentiel s'inscrit également sur le site, et formule une proposition de prix pour le bien offert. Acheteurs et vendeurs peuvent décider de s'inscrire de manière anonyme. Les offres sont faites pour un temps déterminé. A l'issue du délai fixé, le site relève les propositions d'achat et les transmet au vendeur. L'intervention et la responsabilité du site s'arrêtent là.
    Le vendeur peut choisir librement son acheteur, ce n’est donc pas automatiquement le dernier enchérisseur qui remporte la vente. Acheteur et vendeur demeurent libres de contracter, dans les conditions qu'ils souhaitent. Ainsi, à la clôture des enchères, le transfert de propriété du bien n'est pas automatique et le prix peut être renégocié. Ni l'acheteur, ni le vendeur ne sont liés par leurs propositions initiales.

Dès lors, le site ne garantit pas la réalisation de l'opération et joue donc seulement un rôle limité à la mise en relation. Vendeur et acheteur potentiels ont la possibilité se dédire et n’ont donc pas la certitude d’une affaire conclue.

  • L’activité des ventes volontaires de biens meubles aux enchères publiques par voie électronique est une pratique différente qui est encadrée par le code de commerce et est régulé par le Conseil des Ventes Volontaires (CVV). Elle est définie (à l’article L320-2 du code de commerce) comme une vente « [...] faisant intervenir un tiers, agissant comme mandataire du propriétaire ou de son représentant, pour proposer et adjuger un bien au mieux-disant des enchérisseurs à l’issue d’un procédé de mise en concurrence ouvert au public et transparent ». Les ventes aux enchères publiques se tiennent donc en présence d’un commissaire-priseur (soumis à une formation et à une déontologie). Le vendeur doit céder son bien à l’enchérisseur le mieux-disant.

Pour cette activité, les Opérateurs de Ventes Volontaires (OVV) qui sont les seules personnes morales ou physiques habilitées par la loi, à organiser des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, doivent respecter des obligations déontologiques et professionnelles notamment la déclaration préalable auprès du CVV, la détention d’un compte dit « de tiers » exclusivement destiné à recevoir les fonds versés par les acheteurs pour le compte des vendeurs, la souscription d’assurances destinée à garantir le compte et la souscription d’une assurance de responsabilité civile professionnelle. L’ensemble de ces dispositions assurent au vendeur l’estimation des biens, leur publicité, la détermination d’un prix de réserve (prix plancher), la réalisation de l’enchère jusqu’au paiement. Pour l’acquéreur, il est assuré de la loyauté des informations délivrées sur le bien (contre les faux et contrefaçons) et de la remise du bien à l’issu des enchères.

Ces ventes obéissent également à des règles de transparence, comme l’obligation d’effectuer une publicité préalable – catalogue, annonce de la vente... – et l’ouverture de la vente au public.

  • Le cadre juridique actuel permet de distinguer l’activité de vente de biens mobiliers aux enchères publiques et le courtage aux enchères par voie électronique mais, dans les faits, certains opérateurs entretiennent la confusion au détriment des consommateurs. En effet, certains sites de courtage aux enchères adoptent une communication floue pouvant laisser croire qu’ils proposent des ventes volontaires aux enchères publiques ce qui donne l’impression aux consommateurs que la prestation est réalisée avec certaines garanties (enchère remportée par le mieux-disant, conclusion de la vente au prix de la dernière enchère…), ce qui n’est pas le cas.

Le législateur a donc prévu une obligation spécifique pour les opérateurs de courtage aux enchères électroniques : celle de ne pas entretenir de confusion entre la vente volontaire de meubles aux enchères publiques et le courtage aux enchères électroniques (cf. article L321-3 alinéa 3 du Code de commerce).. Le non-respect de cette obligation est puni  d’une sanction pécuniaire dont le montant peut atteindre le double du prix des biens mis en vente, dans la limite de 15 000 € pour une personne physique et de 75 000 € pour une personne morale (Conformément      à l’alinéa 4 de l’article L.321-3 du code de commerce).

Les défauts relevés par la DGCCRF lors de son enquête et les points de vigilance sur les enchères par voie électronique

L’opérateur de courtage aux enchères a l’obligation d’informer le public de manière claire et non équivoque sur la nature du service proposé (c’est-à-dire sur l’activité de plateforme d’intermédiation). Cette information doit être mise à disposition ou communiquée de manière lisible et compréhensible.

Comme toutes les plateformes en ligne, ils doivent aussi indiquer dans une rubrique spécifique certaines mentions, telles que les modalités de référencement, de déréférencement et de classement des offres.
Ainsi le consommateur/enchérisseur est informé sur le type de vente proposé et peut s’engager en toute connaissance de cause. En effet, il est important pour le consommateur de connaître les conditions de référencement des offreurs (vendeurs de biens), des critères de classement des offres, de l’existence d’un flux financier entre la plateforme et les vendeurs (rémunération, lien capitalistique), et si ce lien financier influence ledit classement des offres.

Deux des onze opérateurs contrôlés par la DGCCRF lors de cette enquête ne respectaient pas pleinement cette obligation de transparence.

L’offreur doit se présenter sous sa réelle qualité de professionnel, le cas échéant sous peine de sanction. Ainsi un professionnel se présentant comme un consommateur ou un non-professionnel encourt les sanctions pour pratiques commerciales trompeuses, à savoir une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Enfin, l’offre doit obligatoirement comporter les mentions suivantes : le prix total des biens ou des services proposés, y compris, le cas échéant, des frais de mise en relation et tous les frais supplémentaires exigibles, ou encore les conditions du droit de rétractation.

Cinq opérateurs contrôlés diffusaient des offres qui n’étaient pas conformes à ces dispositions et n’informaient donc pas correctement les consommateurs. Les principaux manquements constatés sont : un défaut d’indication de l’origine (professionnelle ou non) des offres et annonces, l’absence de la mention selon laquelle l’acheteur ne bénéficie pas du droit de rétractation dans les cas d’offres émanant de non-professionnels et des imprécisions dans l’indication des frais additionnels.

Aucune pratique commerciale trompeuse n’a été mise en évidence lors de cette enquête.

Les suites données aux contrôles des agents de la DGCCRF sont essentiellement des avertissements ou des injonctions administratives. En effet, en application du droit à l’erreur instauré par la loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) du 10 août 2018, des suites pédagogiques et correctives ont été privilégiées.

Toutefois, en cas de récidive, les entreprises concernées s’exposent aux sanctions suivantes :

  • en cas de manquement relatif à l’information de manière claire et non équivoque sur la nature du service proposé, à une amende dont le montant peut atteindre le double du prix des biens mis en vente en méconnaissance de cette obligation, dans la limite de 15 000 € pour une personne physique et de 75 000 € pour une personne morale ;
  • en cas de manquement aux obligations d’information applicables à tout opérateur de plateforme en ligne (conditions de référencement, critère de classement des offres, mentions obligatoires des offres, etc.), à une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.

Face au développement des ventes via des enchères en ligne, la DGCCRF restera vigilante, notamment sur le secteur non-régulé du courtage aux enchères, afin que les consommateurs puissent les distinguer des sites de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qui n’offrent pas les mêmes prestations et garanties sur les produits mis en vente.