A la suite d’un signalement du centre antipoison de Paris, la DGCCRF a initié une enquête sur les teneurs en alcaloïdes d’opium des produits de boulangerie contenant des graines de pavot. L’enquête a révélé des teneurs bien moins préoccupantes que celle signalée, mais aussi une prise en compte insuffisante de ce risque sanitaire par les opérateurs de la filière.
Une teneur en alcaloïdes opioïdes des graines de pavot sous surveillance
Les graines de pavot (ou graines d’œillette) sont des graines oléagineuses issues de la plante Papaver somniferum L..Cette plante contient naturellement des alcaloïdes d’opium dont les plus connus sont la morphine et la codéine, utilisés en médecine comme antalgiques (médicaments anti-douleur). Elle peut être cultivée à des fins alimentaires ou pharmaceutiques.
Les graines de pavot elles-mêmes ne contiennent pas, ou très peu, d’alcaloïdes opioïdes. Elles peuvent toutefois être contaminées à la suite de dommages causés par les insectes ou au cours de la récolte lorsque des poussières issues des parties de la plante contenant ces alcaloïdes adhèrent aux graines.
À l’inverse, les procédés de tri, de nettoyage et de transformation tels que le lavage, le trempage, la mouture, la cuisson permettent de réduire considérablement la teneur en alcaloïdes des graines de pavot (jusqu’à 90 %).
Les risques liés à la présence d’alcaloïdes opioïdes évalués par l’EFSA
En 2018, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a actualisé son évaluation des risques liés à la présence d’alcaloïdes opioïdes dans les graines de pavot (avis du 22 mars 2018).
Une dose de référence aiguë (ARfD) de 10 µg/kg de poids corporel, exprimée en équivalent morphine a été établie. Cette dose correspond à la quantité estimée d'une substance qui peut être ingérée sur une période de 24 heures, ou moins, sans risque appréciable pour la santé du consommateur.
Cette ARfD a été calculée par l’EFSA à partir de la plus faible dose à effet thérapeutique connu (27 µg/kg pour une personne de70 kg), divisée à titre prudentiel par un facteur 3.
Un signalement du Centre antipoison de Paris, relayé par l’Anses en mars 2019, a mis en évidence une teneur préoccupante en alcaloïdes opiacés dans une baguette au pavot. À la suite de ce signalement, la DGCCRF a réalisé une enquête pour déterminer si, au-delà des produits concernés par cette alerte, d’autres denrées mises sur le marché pouvaient contenir des teneurs en alcaloïdes opioïdes susceptibles de présenter un risque sanitaire. L’enquête a également porté sur la prise en compte de ce risque par les opérateurs.
Une réglementation européenne en cours d’évolution suite à l’avis de l’EFSA
La recommandation de la Commission 2014/662/UE du 10 septembre 2014 décrit les bonnes pratiques permettant de réduire la présence d’alcaloïdes opioïdes dans les graines de pavot et les denrées en contenant. Elle comprend aussi des mentions d’étiquetage particulières pour les graines, qui doivent faire l’objet d’un traitement physique complémentaire pour réduire la présence d’alcaloïdes opioïdes.
En novembre 2016, dans l’attente de disposer d’un avis actualisé de l’EFSA permettant de définir des teneurs maximales réglementaires, la Commission européenne et les autorités compétentes des Etats membres se sont mises d’accord sur la définition d’une teneur cible en morphine (objectif à atteindre grâce aux bonnes pratiques définies dans la recommandation). Celle-ci s’élève à 10 mg par kilo de graines de pavot. Elle concerne à la fois les graines de pavot destinées à être vendues au consommateur final et celles vendues aux opérateurs du secteur alimentaire, dès lors que ces dernières ne portent pas de mention indiquant la nécessité de les soumettre à un traitement physique supplémentaire pour réduire la présence d’alcaloïdes opioïdes.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments a depuis actualisé son évaluation des risques liés à la présence d’alcaloïdes opioïdes en mars 2018 et a fixé une dose de référence aiguë (ARfD) de 10 µg/kg de poids corporel, en équivalent morphine (voir encadré). Des discussions sont dès lors en cours au niveau européen pour s’accorder sur des teneurs maximales réglementaires, contraignantes pour les opérateurs exprimées aussi en équivalent morphine. Celles-ci devraient s’appliquer aux graines de pavot destinées à être vendues au consommateur final et aux produits de boulangerie contenant des graines de pavot.
La DGCCRF sensibilise les opérateurs de la filière à ce risque sanitaire
Sans attendre cette nouvelle réglementation européenne, la DGCCRF a diligenté une enquête sur les teneurs en alcaloïdes d’opium des produits de boulangerie contenant des graines de pavot. 8 régions (15 départements) y ont participé et 31 échantillons ont été prélevés et analysés dans ce cadre par le laboratoire du SCL de Strasbourg. Les produits prélevés étaient des graines de pavot destinées à être vendues au consommateur final et des biscuits, crackers, pains ou baguettes, bagels et brioche contenant des graines de pavot.
Les teneurs en équivalent morphine dosées dans les pains et les baguettes prélevés dans le cadre de cette enquête étaient bien plus faibles et bien moins préoccupantes que celle signalée par le Centre Antipoison de Paris. Toutefois, l’enquête a mis en évidence une faible prise en compte de ce risque sanitaire par les opérateurs de la filière, associée parfois à des risques de dépassements de la dose de référence aiguë (cf.encart), le plus souvent modérés, au moins pour certaines catégories de la population susceptibles de consommer des produits de boulangerie contenant du pavot.
7 échantillons de denrées contenant des graines de pavot (1 brioche, 2 bagels et 4 pains) ont ainsi été déclarés « impropres à la consommation ». 1 échantillon de graines de pavot destinées au consommateur final a été déclaré « non satisfaisant » en raison d’un léger dépassement de la valeur cible en morphine.
La DGCCRF rappelle qu’il est indispensable que des actions soient menées tout au long de la filière pour faire en sorte que la teneur en équivalent morphine dans les pains et les produits de boulangerie fine ne conduise pas à un risque de dépassement de la dose de référence aiguë. Ces actions comprennent l’utilisation de procédés permettant de réduire la teneur en alcaloïdes des graines, la maîtrise de la recette et du procédé de fabrication et la réalisation d’autocontrôles.
Les résultats de l’enquête ont été transmis par la DGCCRF aux fédérations professionnelles, afin de les sensibiliser à cette question du risque sanitaire. Une nouvelle enquête sera réalisée en 2020 pour vérifier l’efficacité des actions qui auront été mises en place par les acteurs de la filière.
Cible
31 échantillons
Résultats
7 échantillons de produits de boulangerie impropres à la consommation
1 échantillon de graines de pavot non satisfaisant