Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Prix abusivement bas

L’offre de prix abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation de l’entreprise qui les propose, constitue une pratique anticoncurrentielle qui est interdite par le Code de commerce. Comment cette pratique est-elle encadrée ?

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L’essentiel

  • Un prix abusivement bas est considéré comme une pratique anticoncurrentielle lorsqu'il vise ou peut aboutir à évincer des concurrents compétitifs du marché ou à empêcher leur accès.
  • Pour qu’un prix soit qualifié d'abusivement bas, trois conditions doivent être remplies : il doit être destiné au consommateur final, être insuffisant pour couvrir les coûts de production, de transformation et de commercialisation, et démontrer une intention ou une possibilité d’éviction de concurrents.
  • Les prix abusivement bas sont évalués selon les mêmes critères que les prix prédateurs, mais ne nécessitent pas que l'entreprise en question soit en position dominante sur le marché.

Le prix abusivement bas selon l’article L.420-5 du Code de commerce constitue une pratique anticoncurrentielle lorsqu’elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'évincer ou d’empêcher d’accéder à un marché des opérateurs, au demeurant compétitifs, ou l’un de leurs produits ou services.

L'Autorité de la concurrence et la DGCCRF sont compétentes pour sanctionner cette pratique en vertu des dispositions de l’article L.462-5 et L.464-9 du Code de commerce.

Que précise l’article L.420-5 du Code de commerce ?

L’article L.420-5 du Code de commerce précise que les coûts de commercialisation comportent également et impérativement tous les frais résultant des obligations légales et réglementaires liées à la sécurité des produits. Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à l'exception des enregistrements sonores reproduits sur supports matériels et des vidéogrammes destinés à l'usage privé du public, et aux mesures prises suite à la loi du 28 février 2017 pour s’adapter aux spécificités ultra marine de la distribution alimentaire (voir page 4 infra).

Il ressort de la pratique décisionnelle l'Autorité de la concurrence (voir notamment la décision n° 06-D-23 du 26 juillet 2006 relative à la situation de la concurrence dans les secteurs de l'édition cartographique et de l'information touristique points 92 et suivants.) que trois conditions cumulatives doivent être réunies pour emporter une qualification de prix abusivement bas au sens des dispositions de l'article L.420-5 du Code de de commerce :

  • le prix en cause doit être un prix de vente destiné au consommateur final ;
  • le niveau de prix proposé doit être insuffisant pour couvrir les coûts de production, de transformation et de commercialisation du produit ou service (Les coûts étant évalués selon la méthode définie par la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt AKZO du 3 juillet 1991 voir infra) ;
  • le prix pratiqué doit traduire une volonté ou une potentialité d'éviction d’un concurrent ou d’un produit ou service concurrent.

La Cour d'appel de Paris a, dans un arrêt du 3 juillet 1998, Société moderne d'assainissement et de nettoiement, défini la notion de consommateur comme :

« La personne physique ou morale qui, sans expérience particulière dans le domaine où elle contracte, agit pour la satisfaction de ses besoins personnels et utilise dans ce seul but le produit ou le service acquis ».

Dans cette affaire, le syndicat intercommunal pour le traitement des ordures ménagères de Fréjus-Saint Raphaël (SITOM) avait organisé un appel public à la concurrence pour l'extension d'une décharge. Une société avait alors saisi le Conseil de la concurrence (devenu Autorité de la concurrence) en dénonçant les pratiques de prix abusivement bas qu'elle imputait à un concurrent.

Pour écarter l'application de l'article L.420-5 du Code de commerce, la Cour d'appel de Paris précise que le SITOM n'est pas un consommateur car il intervient pour satisfaire non ses propres besoins, mais ceux des habitants des communes appartenant au SITOM.

La Cour indique également qu'en matière de marchés publics, l'acheteur public a une obligation de contrôle des offres tarifaires suspectes qui nécessite des compétences techniques incompatibles avec la notion de consommateur.

La définition du consommateur, telle que donnée dans l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 3 juillet 1998 précité a été reprise par le Conseil de la concurrence au point 6 de sa décision n° 08-D-01 du 18 janvier 2008.

Dans cette affaire, le plaignant, la société SEGARD, entendait soumissionner en réponse à un appel d'offres lancé par un centre hospitalier du Gard pour une mission d'assistance générale au maître d'ouvrage relative à la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées. Cette société dénonçait l'offre à un « prix anormalement bas » présentée par un autre soumissionnaire, la Direction départementale de l'équipement du Gard. Le plaignant soutenait que le centre hospitalier devait être considéré comme un consommateur car la prestation avait pour but de satisfaire ses propres besoins.

Mais le Conseil de la concurrence a écarté une telle qualification en estimant que pour mettre en place son appel d'offres, le centre hospitalier avait dû élaborer un dossier d'étude et un cahier des clauses administratives pour les mettre à la disposition des candidats. L'élaboration de ces documents démontrait que le centre hospitalier détenait une compétence technique ne permettant pas de l'assimiler à un consommateur qui par définition ne dispose d'aucune expérience dans ce domaine, peu important par ailleurs que l'appel d'offres vise à satisfaire ses propres besoins.

Dans un arrêt du 4 juin 2002, rendu sur un recours formé par le syndicat professionnel CFDT Radio télé contre une décision du Conseil de la concurrence n° 01-D-81 du 19 décembre 2001, la Cour d’appel de Paris a rappelé que les relations interentreprises ne sont pas visées par les dispositions de l’article L.420- 5 du Code de commerce qui interdit les seules offres de prix abusivement bas faites au consommateur.

Dans une décision n° 09-D-20 du 11 juin 2009 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des travaux de voirie et d’entretien routier en région Rhône-Alpes, l’Autorité de la concurrence, saisie d’offres de prix dénoncées comme abusivement basses en matière de marchés publics, a précisé qu’une collectivité locale ne pouvait être assimilée à un consommateur final. D’une part les collectivités publiques contractent avec des opérateurs afin de satisfaire les besoins collectifs de la population locale et non leurs besoins propres. Et d’autre part, comme cela a déjà été évoqué, l’obligation d’analyse des offres anormalement basses par l’acheteur public, suppose une compétence technique incompatible avec la notion de consommateur.

La notion de prix abusivement bas définie à l’article L.420-5 du code de commerce ne trouve donc pas à s’appliquer aux contrats régis par le droit de la commande publique.

Pour autant, l’Autorité de la concurrence rappelle toutefois qu’une pratique de prix excessivement bas peut être qualifiée de prix de prédateur prohibé par les articles L.420-1 et L.420-2 du Code de commerce.

Les conditions à réunir pour emporter une qualification de prix abusivement bas sont identiques à celles qui doivent être réunies pour qu’une pratique soit qualifiable de prix prédateurs. Dans son avis n° 97-A-18 du 8 juillet 1997, le Conseil de la concurrence a ainsi estimé que :

  • « Les dispositions envisagées qui définissent le prix abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation s'inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence communautaire et nationale sur les prix de prédation ».

En revanche, l'application des dispositions de l’article L.420-5 du Code de commerce relatives aux prix abusivement bas ne se limite pas aux pratiques des entreprises qui disposent d’une position dominante sur un marché contrairement aux pratiques de prix prédateurs qui appartiennent à la catégorie des abus de position dominante interdites par les dispositions de l'article L.420-2 du Code de commerce.

Dans le même avis, le Conseil de la concurrence a rappelé que la définition du prix prédateur telle qu'elle a été donnée par la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt AKZO du 3 juillet 1991, recouvre deux situations :

  • les prix inférieurs à la moyenne des coûts variables [...] par lesquels une entreprise dominante cherche à éliminer un concurrent doivent être considérés comme abusifs (le Conseil de la concurrence a estimé, dans sa décision n°00-D-50 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Française des Jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir, que si « la vente au-dessous des coûts variables suffit à caractériser une stratégie prédatrice, ce critère ne peut être appliqué lorsqu'un prix n'est inférieur au coût variable moyen que de façon épisodique ») ;
  • les prix inférieurs à la moyenne des coûts totaux, qui comprennent les coûts fixes et les coûts variables, mais supérieurs à la moyenne des coûts variables, doivent être considérés comme abusifs lorsqu'ils sont fixés dans le cadre d'un plan ayant pour but d'éliminer un concurrent. Concernant cette deuxième situation, Le Conseil de la concurrence a précisé dans son avis n° 97-A-18, que «seront pris en considération les coûts variables qui permettent de présumer un effet d'éviction ; la référence aux coûts moyens totaux ne peut être effectuée que si la pratique des prix bas est accompagnée d'indices suffisamment sérieux, probants et concordants d'une volonté de capter la clientèle au détriment du concurrent. Cette volonté peut résulter des conditions dans lesquelles la pratique a été mise en œuvre, notamment lorsqu'elle relève d'un comportement qui s'écarte de la politique commerciale habituelle du distributeur et/ou parce qu'elle est clairement dirigée contre un concurrent ».

Sur ce point, la pratique décisionnelle du Conseil puis de l'Autorité de la concurrence s'appuie sur une méthode d'analyse identique pour les prix abusivement bas et les prix prédateurs. Ainsi, dans sa décision n° 04-D-10 du 1er avril 2004 relative à des pratiques de la société UGC-Ciné cité, le Conseil de la concurrence considère que pour qu'une stratégie de prédation puisse se développer, il faut qu'elle soit pratiquée pendant un temps suffisamment long « pour évincer les concurrents, dans l'espoir de récupérer les pertes subies en pratiquant des prix élevés une fois les concurrents sortis du marché ».

Le Conseil de la concurrence a ajouté que « pour qu'une telle stratégie ait une chance d'être profitable, il faut, d'une part, que les concurrents ne puissent pas résister trop longtemps aux prix bas et décident de sortir assez vite du marché et d'autre part, qu'il existe des barrières à l'entrée substantielles sur le marché considéré, de manière à ce que les prix élevés pratiqués dans le futur n'induisent pas le retour des concurrents évincés ou l'entrée de nouveaux opérateurs ».

L'Autorité de la concurrence a été saisie à plusieurs reprises sur le fondement de l'article L.420-5 du Code de commerce, mais aucune sanction n'a été prononcée jusqu’ici à ce titre, le plus souvent parce que les faits dénoncés ne visaient pas le consommateur final. Les éléments ci-dessus sont donnés à titre d'information. Ils ne sont pas forcément exhaustifs et ne sauraient se substituer à la réglementation applicable.

La loi n° 2017-256 du 28 février 2017 « de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer » est venue modifier l’article L.420-5 du Code de commerce, pour prendre en compte les spécificités locales en matière de distribution alimentaire de ces territoires. Il a ainsi été ajouté un alinéa spécifique reproduit ci-après :

« En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et dans le Département de Mayotte, lorsque des denrées alimentaires identiques ou similaires à celles qui sont produites et commercialisées localement sont proposées aux consommateurs à des prix manifestement inférieurs à ceux pratiqués dans l'hexagone, la conclusion d'un accord entre les acteurs de l'importation et de la distribution, d'une part, et ceux de la production et de la transformation locales, d'autre part, peut être rendue obligatoire par le représentant de l'Etat dans le territoire. Celui-ci prend en compte les volumes de produits concernés, la situation économique des producteurs locaux et l'intérêt des consommateurs à très faibles revenus. Cet accord, dont la négociation est conduite sous l'égide de l'Etat et des collectivités compétentes en matière de développement économique, doit mentionner les opérations continues menées par la distribution afin d'offrir au consommateur des denrées produites localement ainsi que la politique menée par les producteurs locaux afin de satisfaire au mieux les besoins des consommateurs. L'accord est rendu public par arrêté préfectoral. En l'absence d'accord dans le délai de dix jours ouvrables à compter de l'ouverture des négociations, le représentant de l'Etat dans le territoire prend par arrêté toute mesure relevant de sa compétence et permettant de répondre aux objectifs précités. ».

Ce que dit la loi :

Pour en savoir plus :

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