Lettre de la DAJ – Rapport de la Cour des comptes sur le Centre national d’études spatiales (CNES)

Le domaine spatial étant en pleine mutation, du fait notamment de l’émergence, à l’échelle mondiale, de nouveaux acteurs privés rivalisant avec les agences spatiales publiques, le CNES est au cœur des mutations de la politique spatiale française.

La Cour a examiné les comptes et la gestion du CNES, pour les exercices 2018 et suivants et formulé des recommandations.

La France s’est dotée en 1961 du Centre national d’études spatiales (CNES) qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) sous la tutelle des ministres chargés de l’Espace, de la Recherche et de la Défense. Depuis 2020, l’Espace relève des attributions du ministre chargé de l’Economie, qui exerce la tutelle du CNES, via la direction générale des Entreprises (DGE), ce rattachement traduisant la volonté du Gouvernement de renforcer la compétitivité du secteur spatial et d'accompagner les filières spatiales industrielles françaises dans un contexte de concurrence accrue.

La Cour des comptes vient de rendre public un rapport sur le CNES qui a permis à la France de disposer d’une industrie spatiale autonome ainsi que de capacités de lancement en orbite, de communication et d’observation de la Terre. Le domaine spatial étant en pleine mutation, du fait notamment de l’émergence, à l’échelle mondiale, de nouveaux acteurs privés rivalisant avec les agences spatiales publiques, le CNES est au cœur des mutations de la politique spatiale française. L’Agence spatiale française intervient dans six domaines principaux : innovation, lanceurs, sciences de l’univers, observations de la terre, télécommunications, défense.

L’organisation du CNES s’inscrit dans un contrat d’objectifs et de performance qui consacre une progression de ses ressources 

Le CNES bénéficie de ressources importantes (de l’ordre de 2,5 milliards d’euros pour 2022) qui sont avant tout budgétaires ; il bénéficie également de crédits issus du programme d’investissement d’avenir (PIA) et du plan de relance. L’augmentation des ressources du CNES s’inscrit dans le cadre plus général de la loi de 2020 de programmation de la recherche 2021-2030 qui prévoit une augmentation progressive des crédits alloués au programme 193 – Recherche spatiale.

Objectif a été donné au CNES de favoriser l’écosystème du NewSpace

L’attribution, en 2020, de la politique de l’espace au ministre chargé de l’Economie a contribué à l’émergence d’une nouvelle priorité stratégique pour le CNES. Cette dernière se caractérise par un rééquilibrage de la stratégie spatiale française vers l’industrie et les acteurs du NewSpace[1]. Le contrat d’objectifs et de performance (COP) 2022-2025 du CNES tient donc compte des modalités d’intervention des acteurs privés dans le domaine spatial et prévoit d’intensifier le soutien à ces nouveaux acteurs, notamment aux start-ups et aux petites et moyennes entreprises. Le CNES est également invité à recentrer son activité sur les activités à forte valeur ajoutée à savoir la maîtrise d’ouvrage, le soutien à la science, la technologie et la compétitivité de la filière.

Cette évolution de la stratégie du CNES repose sur des dispositifs préexistants à l’instar de la plateforme d’accompagnement Connect by CNES qui met en relation les équipes techniques du Centre avec les entreprises recherchant un appui dans ses domaines de compétences. Pour l’heure, la Cour relève que cet appui aux acteurs privés n’est pas encore formalisé, notamment sur le plan financier. Par ailleurs, le CNES apporte son soutien financier aux différents acteurs du milieu spatial, par l’intermédiaire du fonds d’investissement Cosmicapital et le fonds d’accélération Spacefounder. Toutefois, ces deux fonds demeurent relativement peu attractifs pour les investisseurs du secteur spatial.

Cette logique d’accompagnement des entreprises vers laquelle tend le CNES pose également la question du positionnement du Centre dans un écosystème concurrentiel et du maintien des compétences en son sein.

Le centre spatial guyanais est engagé dans un programme de modernisation et ce, dans un contexte difficile

La base spatiale de Kourou est l’unique port spatial de l’Europe pour les lanceurs lourds. Elle est donc un enjeu majeur de la souveraineté européenne en matière d’accès à l’espace. En outre, la base est un acteur économique majeur de la Guyane, cette dernière représentant à elle seule un tiers du chiffre d’affaires des industries et services de la Guyane.

Le centre spatial guyanais pâtit notamment de la crise ukrainienne et de l’arrêt des lancements Soyouz qui catalysent l’effet de baisse des cadences de lancement déjà constatée antérieurement. La réduction des cadences de lancement impacte le CNES, qui fournit à Arianespace des prestations contractuelles de support aux opérations de lancement. De plus, la transition entre Ariane 5 et Ariane 6 ne devrait faire qu’accentuer la réduction de l’activité de la base.

La base guyanaise doit en outre faire l’objet de travaux de modernisation afin d’atteindre les objectifs fixés par le COP notamment en termes d’amélioration de la disponibilité et de la compétitivité de la base ou de développement des énergies renouvelables. Ce surcoût devrait être en partie absorbé par un abondement du CNES.

Enfin, le CNES apporte des aides à la Guyane dans le cadre notamment d’une convention tripartite CNES-Etat-Collectivité territoriale de Guyane qui ont augmenté au cours des dernières années. Toutefois, le CNES n’est pas en mesure d’évaluer, pour chaque nouvelle opération d’investissement du centre spatial de Guyane, l’impact économique sur la collectivité territoriale de Guyane.

Dans son rapport, publié le 4 mai 2023, la Cour des comptes formule cinq recommandations à destination du CNES, en sus de trois recommandations figurant dans un référé du Premier président à la Première ministre en date du 13 février 2023 : elle  recommande notamment au CNES de formaliser un plan d’accompagnement du changement, de se montrer plus vigilant pour recouvrer les pénalités de retard en cas de non-exécution des contrats, de définir une doctrine d’intervention du Centre, de mettre au point un montage contractuel pour partager les risques liés aux activités de lancement et de flécher sa contribution à des projets structurants en lien avec le secteur spatial dans le contrat Etat/Collectivité territoriale de Guyane.

[1] L’expression NewSpace désigne notamment un phénomène se caractérisant par l’émergence d’acteurs privés dans l’industrie et le commerce de l’espace.