Lettre de la DAJ - Le Tribunal des conflits explicite la nature juridique des marchés de services immobiliers

Un bail conclu entre une commune et une personne physique n’est pas un contrat administratif par détermination de la loi. En l’absence de clause impliquant, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs et dès lors qu’il n’a pas pour objet de confier à la cocontractante l’exécution d’un service public dont la commune a la charge, le contrat ne revêt pas non plus un caractère administratif par application des critères jurisprudentiels.

TC, 3 juillet 2023, Commune de Baie-Mahault, n°4278

Un contrat a été conclu le 9 juin 2017 entre une propriétaire, Mme C., et la commune de Baie-Mahault, donnant à bail à cette commune un local appartenant à Mme C., pour une durée d’un an renouvelable une fois, moyennant un loyer mensuel de 1 211 euros fixé conformément à l’avis de France Domaines. Ce bail avait pour destination le redéploiement des services publics de la ville, à l’exclusion de toute autre activité commerciale, industrielle ou artisanale.

A la suite d’un différend survenu entre les parties, Mme C. a assigné la commune devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre qui, par ordonnance du 19 février 2021, s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de l’intéressée au motif que le contrat devait être qualifié d’administratif.

Saisi des mêmes demandes de Mme C. et s’estimant également incompétent pour en connaître, le tribunal administratif de la Guadeloupe a renvoyé au Tribunal des conflits, par un jugement du 16 mars 2023, le soin de se prononcer sur la question de compétence juridictionnelle soulevée en application de l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

Le Tribunal des conflits s’est prononcé succinctement sur la qualification légale de contrat administratif en estimant que le contrat litigieux « n’a pas le caractère d’un marché public »[1].

La décision reste cependant sibylline sur le raisonnement ayant conduit en l’espèce au constat d’une absence de qualification légale du contrat en litige en marché public.

Toutefois, les conclusions de la rapporteure publique indiquent que le bail de location « n’entre pas dans le champ d’application du code des marchés publics », faisant ainsi implicitement mais nécessairement application des dispositions du code des marchés publics.

A cet égard, l’article 2 de la loi du 11 décembre 2001, dite loi « Murcef », qualifiait de contrats administratifs « les marchés passés en application du code des marchés publics ». Or, le 3° de l’article 3 du code des marchés publics de 2006 disposait que le code n’était pas applicable aux marchés de services ayant pour objet la location immobilière, ce qui signifie implicitement mais nécessairement que ces marchés de services ne sont pas des marchés publics passés en application du code et, par extension, des contrats administratifs.

Le même raisonnement est également transposable aux nouvelles dispositions de l’article L. 6 du code de la commande publique qui dispose que « s'ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs, sous réserve de ceux mentionnés au livre V de la deuxième partie et au livre II de la troisième partie », tout en ajoutant que « les contrats mentionnés dans ces livres, conclus par des personnes morales de droit public, peuvent être des contrats administratifs en raison de leur objet ou de leurs clauses ». Or, parmi les marchés mentionnés au livre V de la deuxième partie du code, figurent les marchés de services de location du 1° de l’article L. 2512-5 qui, s’ils sont désormais qualifiés de marchés publics, ne sont toujours pas des contrats administratifs.

Poursuivant son raisonnement sur la qualification du contrat, le Tribunal des conflits se prononce ensuite sur les critères jurisprudentiels d’un contrat administratif.

Pour rappel, un contrat est qualifié de contrat administratif dès lors qu’il est conclu par une personne publique et a pour objet l’exécution même d’un service public ou comporte une clause qui, dans l’intérêt général, est exorbitante du droit commun.

Ne s’attardant pas sur le critère organique qui ne pose pas de difficultés, le Tribunal rejette les deux autres critères alternatifs eu égard à l’objet du contrat et à son contenu.

Par voie de conséquence, le Tribunal en déduit que le contrat de location litigieux « ne revêt pas un caractère administratif » et qu’il « appartient en conséquence à la juridiction judiciaire de connaitre du litige opposant Mme C. à la commune de Baie-Mahault ».

A consulter

Conclusions de Madame Bokdam-Tognetti sur la décision n° 4278