La naissance de l’intelligence artificielle générative en 2022 constitue un tournant technologique considérable pour les professionnels du droit. Si son potentiel est d’ores et déjà avéré, l’utilisation de l’intelligence artificielle générative impose une réflexion sur les transformations qu’elle engendrera pour les professionnels et les justiciables afin de tirer parti de cette avancée technologique.
Le Sénat a rendu public un rapport d’information sur l’intelligence artificielle et les professions du droit en décembre 2024.
L’intelligence artificielle (IA) générative est apparue à la fin de l’année 2022 ; elle produit de nouvelles données qui ressemblent à celles que peuvent créer les humains. Elle diffère de l’IA « classique » qui se concentre sur l’accomplissement de tâches spécifiques (résolution de problème, prédiction…).
- L’essor des outils d’IA dans le domaine juridique
L’IA générative apparaît particulièrement intéressante dans le domaine du droit dans la mesure où elle est capable, si elle est adossée à un panel de données suffisamment large et qualitatif, d’imiter le raisonnement des juristes en analysant les bases de données. L’IA générative permet en outre de réaliser plus rapidement des recherches juridiques ou de rédiger des documents standardisés. Cependant, l’IA étant fondée sur un modèle probabiliste, elle n’est pas en mesure d’évaluer la pertinence de sa réponse.
Actuellement, une trentaine d’entreprises proposent des services dans le domaine du numérique appliqué au droit (legaltech). Les principaux éditeurs juridiques français ont également lancé en 2024 des outils similaires.
Le rapport sénatorial note que l’intelligence artificielle, tout comme l’avait été la naissance des moteurs de recherche sur internet, constitue un facteur d’accessibilité et d’intelligibilité du droit. Il faut cependant veiller à ce que les citoyens utilisant l’IA générative dans le domaine du droit n’imaginent pas que celle-ci peut remplacer une consultation juridique réalisée par un professionnel ; or, des intitulés ambigus « d’aide ou d’assistance juridique », utilisés par certaines plateformes, peuvent prêter à confusion et laisser supposer que la consultation d’un professionnel n’est pas nécessaire.
Les auteurs du rapport recommandent donc d’inscrire dans la loi une définition de la consultation juridique.
- Une transformation des métiers du droit entraîné par le développement de l’IA
Les outils d’IA générative peuvent engendrer des opportunités pour les professionnels du droit en ce qu’ils permettent des gains de temps ; en effet, un juriste exploitant un outil d’IA générative peut se consacrer sur les tâches à haute valeur ajoutée tout en confiant à l’IA le soin de réaliser trois grandes catégories de tâches chronophages : la recherche, l’analyse d’un corpus de documents et la rédaction de contenus simples.
Ainsi que le souligne le rapport sénatorial, le développement de l’IA générative modifiera probablement les attentes des futurs clients des professionnels du droit. En effet, il sera attendu une expertise plus poussée de la part du professionnel.
Si l’apparition de l’IA générative a pu générer des craintes de disparition ou de réduction des effectifs des professionnels du droit (avocats notamment), le rapport sénatorial indique que ces inquiétudes sont à nuancer. En effet, l’IA générative étant source d’erreurs, l’expertise d’un professionnel du droit demeurera indispensable. En outre, l’IA générative ne peut faire preuve de créativité et n’est pas sensible aux interactions interpersonnelles, lesquelles demeurent centrales dans le domaine de la justice. En outre, la vulgarisation du droit peut également renforcer la judiciarisation de la société et donc l’activité juridictionnelle.
Le rapport sénatorial concède en revanche que la réduction des besoins de personnels pour les tâches d’assistance est davantage probable. Il sera alors nécessaire de faire monter en compétences ces professionnels en leur demandant notamment de contrôler les résultats obtenus via l’utilisation de l’IA générative.
Selon les rapporteurs, l’enjeu principal de l’utilisation de l’IA générative est son emploi. Il est tout d’abord question du coût des outils d’IA générative : chaque professionnel du droit n’aura pas nécessairement les moyens de se doter d’outils performants. Un risque de fracture entre professionnels du droit est donc possible, entrainant ainsi une inégalité des parties devant la justice.
Enfin, le rapport sénatorial s’intéresse également aux autorités juridictionnelles qui connaissent une situation détériorée de leur environnement numérique de travail. Le décalage entre ces professions juridictionnelles et les autres métiers du droit est ainsi d’autant plus criant. Les auteurs du rapport recommandent donc vivement d’achever le rattrapage numérique des juridictions car le développement de l’IA générative peut entraîner des conséquences défavorables pour la fonction juridictionnelle (augmentation des entrées contentieuses, croissance de la complexité et du volume des écrits).