Même lorsque le maître d’ouvrage a conclu un contrat de mandat de maîtrise d’ouvrage comprenant le versement de la rémunération au constructeur, il demeure responsable envers le constructeur lorsque celui-ci ne reçoit pas le paiement du solde du marché.
La commune des Abymes, par le biais de son mandataire, la société Icade Promotion, a attribué le lot n°2 d’un marché de travaux publics portant sur la reconstruction d’une école à la société GTM Guadeloupe. Le décompte général et définitif du lot n°2 du marché, établi le 15 juin 2021, fixe un solde créditeur de 273 164,14 euros TTC au profit de la société GTM Guadeloupe. Le 13 avril 2022, la société GTM Guadeloupe sollicite le mandataire du marché pour obtenir le paiement du reliquat lui étant dû. En l’absence de réponse, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe afin d’obtenir la condamnation de la commune des Abymes à lui verser les sommes dues majorées d’intérêts de retard.
Le tribunal administratif a fait droit à sa demande, mais la cour administrative d’appel de Bordeaux, sur appel de la commune des Abymes, a annulé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif et rejeté la demande de la société GTM Guadeloupe qui se pourvoit en cassation devant le Conseil d’État.
Le Conseil d’État rappelle que lorsque les constructeurs souhaitent obtenir la réparation de leur préjudice consécutif à une faute du mandataire du maître d’ouvrage lors de l’exécution d’un marché de travaux, il leur appartient de rechercher uniquement la responsabilité du maître de l’ouvrage. En effet, le mandataire du maître d’ouvrage agit au nom et pour le compte de ce dernier, et n’est pas partie contractante avec le titulaire du marché. Le cas échéant, « le maître d'ouvrage dont la responsabilité est susceptible d'être engagée à ce titre peut appeler en garantie son mandataire sur le fondement du contrat de mandat qu'il a conclu avec lui ». En revanche, les constructeurs ne peuvent pas rechercher la responsabilité du mandataire sur le terrain contractuel, y compris en raison de fautes résultant de la mauvaise exécution ou de l'inexécution de ce contrat.
Par conséquent, la société GTM Guadeloupe a pu valablement rechercher la responsabilité de la commune des Abymes, et uniquement celle-ci, afin d’obtenir le paiement restant dû pour l’exécution du marché public, car c’est bien à l’égard de la commune que la société possède une créance.
Or, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en considérant que la créance dont se prévalait la société GTM Guadeloupe sur la commune des Abymes ne pouvait être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable au motif que son paiement faisait partie des attributions du mandataire du maître de l’ouvrage, et que ce dernier avait reçu les fonds correspondants pour procéder au paiement. CE, 21 mai 2024, Société GTM Guadeloupe, n°490688.