Un opérateur qui fournit un bien conçu spécifiquement pour l’exécution d’un marché peut être qualifié de sous-traitant et bénéficier, à ce titre, du paiement direct par le maître d’ouvrage.
Le code de la commande publique[1] et la loi du 31 décembre 1975[2] qualifient de sous-traitant l’opérateur économique à qui le titulaire d’un marché public délègue « l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage ». À l’inverse, une entreprise chargée de remettre au titulaire des biens nécessaires à la bonne exécution du marché sans en exécuter elle-même une partie est un simple fournisseur. Seul le sous-traitant peut bénéficier du paiement direct par le maître d’ouvrage[3].
Dans sa décision du 17 octobre 2023 Commune de Viry-Châtillon, le Conseil d’État reprend un critère emportant la qualification de sous-traitant pour un fournisseur en s’inspirant de la jurisprudence judiciaire. Un fournisseur qui ne livre pas seulement des biens standards au titulaire d’un marché mais qui confectionne des biens spécifiques pour l’exécution de ce marché a la qualité de sous-traitant. En l’espèce, l’entreprise qui fournit des menuiseries fabriquées pour répondre aux spécifications techniques de l’ouvrage revêt cette qualité.
Dans la jurisprudence judiciaire, un fournisseur qui ne procède pas à l’installation ou à la mise en place d’un bien néanmoins fabriqué spécialement pour un marché peut être qualifié de sous-traitant[4]. Le Conseil d’État adopte donc la même approche en considérant que « des biens présentant des spécificités destinées à satisfaire des exigences particulières d'un marché déterminé ne peuvent être regardés comme de simples fournitures » sans préciser qu’il soit nécessaire de poser ou d’installer ces biens.
Enfin, la décision ne précise pas si les biens spécifiques fournis doivent être à l’usage exclusif du marché. Dans ses conclusions sur cette décision, le rapporteur public Nicolas Labrune fait l’analogie entre la distinction entre fabricant et fournisseur en matière de garantie décennale et celle entre sous-traitant et fournisseur. Le Conseil d’État a déjà considéré que le fait qu’un bien livré au titulaire spécifiquement pour un marché puisse être ensuite revendu ou réutilisé auprès d’autres clients écarte la qualification de fabricant[5]. Selon la comparaison faite par le rapporteur public, il serait envisageable qu’un bien spécifiquement fourni pour un marché ne suffise pas à caractériser une sous-traitance si ce bien est commercialisable pour d’autres clients du fournisseur.
CE, 17 octobre 2023, commune de Viry-Châtillon, n° 465913.
[3] CE, 26 septembre 2007, Département du Gard et Société d'aménagement et
d'équipement du Département du Gard, n°255993. ; Article L. 2193-11 du code de la commande publique
[5] CE, 4 avril 2016, Société Unibéton, n° 394196 : à propos d’un ciment dont les caractéristiques ont été définies préalablement dans le contrat, mais qui est ensuite commercialisé pour d’autres sociétés