Lettre de la DAJ – Biocides : pratiques commerciales et liberté de circulation

Un Etat membre peut adopter, dans l’intérêt de la santé publique et de l’environnement, des règles restrictives en matière de pratiques commerciales et de publicité portant sur certains produits biocides si celles-ci sont appropriées pour atteindre ces objectifs et si elles ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à cet effet (interprétation de la CJUE sur une question préjudicielle française dans l’affaire C-147/21).

La Cour de justice de l’Union européenne  (CJUE) s’est prononcée sur renvoi préjudiciel du Conseil d’Etat dans l’affaire C-147/21 du 19 janvier 2023 portant sur la mise sur le marché et l’utilisation de produits biocides.

Des sociétés commercialisant des huiles essentielles demandaient l’annulation, d’une part, d’un décret relatif aux pratiques commerciales prohibées pour certaines catégories de produits biocides et, d’autre part, d’un décret relatif à la publicité commerciale portant sur ces mêmes produits.

Les sociétés requérantes estimaient que les dispositions attaquées méconnaissaient le droit de l’Union et notamment les dispositions du règlement (UE) n° 528/2012 du 22 mai 2012 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides.

En application des dispositions attaquées, sont interdites pour certaines catégories de produits biocides i) les pratiques commerciales telles que les remises, les rabais, les ristournes ; ii) la publicité commerciale.

Les sociétés requérantes estimaient que ces interdictions étaient dépourvues de base légale dès lors qu’elles n’étaient pas elles-mêmes prévues par le règlement européen.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a saisi la CJUE pour savoir si le règlement n° 528/2012 s’oppose à ce qu’un Etat membre adopte, dans l’intérêt de la santé publique et de l’environnement, des règles restrictives en matière de pratiques commerciales et de publicité portant sur certains produits biocides et le cas échéant, sous quelles conditions.

La Cour précise qu’avant de répondre à cette question, il est nécessaire de vérifier si la réglementation nationale en cause porte sur un domaine harmonisé par le droit de l’Union.

Selon la Cour, le règlement n° 528/2012 vise à mettre en place un régime d’autorisation préalable permettant la mise à disposition sur le marché de produits biocides et ne tend pas à harmoniser les règles relatives aux pratiques commerciales liées à la vente de produits biocides, il ne s’oppose donc pas à une réglementation nationale interdisant certaines pratiques commerciales lors de la vente de produits biocides tels que les rodenticides, insecticides, acaricides et produits utilisés pour lutter contre les autres arthropodes.

Cependant, la CJUE renvoie à la juridiction nationale le soin de vérifier que la réglementation nationale en cause ne constitue pas une entrave directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, à la libre circulation et au commerce au sein de l’Union (pratique interdite par l’article 34 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)) qui affecterait davantage l’accès au marché français des produits biocides concernés provenant d’autres Etats membres que celui de tels produits provenant de France.

Partant, une telle règlementation ne pourrait être conforme que si elle est justifiée par une ou plusieurs des raisons d’intérêt général telles que la protection de l’environnement (menacée par un usage excessif de certains produits biocides acquis à rabais).

Il reviendra également à la juridiction nationale de vérifier si la règlementation nationale en cause est, d’une part, capable d’atteindre les objectifs de protection poursuivis et, d’autre part, nécessaire et proportionnée.

S’agissant de la publicité portant sur ces produits biocides, la Cour applique le même raisonnement et relève que le droit européen s’oppose à une réglementation nationale qui exige l’apposition d’une mention, en plus de celle prévue par le règlement, sur la publicité à destination des professionnels en faveur des produits biocides (rodenticides, insecticides, acaricides et produits utilisés pour lutter contre les autres arthropodes, les désinfectants et produits algicides non destinés à l’application directe sur des êtres humains ou des animaux et les surfaces en contact avec les denrées alimentaires et les aliments pour animaux) mais ne s’oppose pas à celle qui interdit la publicité à destination du grand public dès lors que cette réglementation est justifiée par des objectifs de protection de la santé et de la vie des personnes ainsi que de l’environnement, qu’elle est propre à garantir la réalisation de ces objectifs et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre.

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