La Lettre de la DAJ n°385 est en ligne !

Dans son étude annuelle 2024 « La souveraineté », le Conseil d’État formule trois séries de propositions, au plan national (I), européen (II) et global (II), à Constitution et traités constants, pour répondre aux défis auxquels son exercice est confronté. Par Martine de Boisdeffre, présidente de la section des études, de la prospective et de la coopération du Conseil d’Etat.

Portrait de Martine de Boisdeffre
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Au plan national : développer une citoyenneté active pour un plein exercice de la souveraineté (I)

En démocratie, celui qui est souverain c'est le peuple, celui qui a toujours le dernier mot, donc exercer la souveraineté c'est d'abord exercer la citoyenneté. Pour répondre au défi politique que pose la crise de la démocratie représentative classique, l’étude formule ainsi des propositions concrètes visant à restaurer la confiance des citoyens et à les rendre pleinement acteurs de la souveraineté, d’une part, en renforçant les modes d’expression traditionnels de la démocratie, notamment représentative, mais également en ayant davantage recours aux instruments de la démocratie directe au niveau local ainsi qu’aux nouvelles formes de participation des citoyens à la décision publique.

Au plan européen : améliorer la coordination entre les Etats souverains et l’Union européenne (II)

Si l’Union européenne est d’abord un catalyseur de puissance pour ses Etats membres, les institutions européennes font aussi peser sur ces derniers des contraintes qui, pour avoir été consenties, n’en sont pas moins souvent mal admises, du fait notamment de divergences d’appréciation entre États. Une deuxième série de propositions vise à répondre au défi de l’articulation entre le niveau national et le niveau européen en favorisant la coordination de l'action des uns et des autres au service de priorités définies ensemble et en veillant à un respect plus effectif du principe de subsidiarité.

Au plan global : élaborer une « doctrine de la souveraineté » (III)

Dans un monde interdépendant et conflictuel, la capacité de chaque Etat à exercer sa souveraineté dépend de sa puissance et de ses dépendances, sans oublier son histoire, sa géographie, ses institutions, au fond, d'une équation singulière qui reflète son génie propre. La dernière série de propositions vise à développer la capacité de choix et d’action de l’Etat pour maîtriser ses dépendances et faire face aux défis globaux. Pour répondre à cet objectif, l’étude appelle l’Etat à se doter d’une « doctrine de souveraineté » qui consisterait à cartographier ses dépendances et interdépendances puis à se fixer des priorités durables et à se doter des moyens, notamment scientifiques et techniques, indispensables pour un exercice effectif de la souveraineté dans un nombre croissant de domaines. Enfin, s’agissant des enjeux globaux qui concernent la planète dans son ensemble, il s’agit de favoriser un exercice coopératif des souverainetés nationales dans un cadre défini en commun, comme les accords de Paris pour la lutte contre le changement climatique.

L'étude conclut en soulignant que la souveraineté n'est au fond qu'un moyen : au service de quel projet commun voulons-nous mettre notre souveraineté ? C'est une question essentielle, éminemment politique, dont la réponse revient au peuple souverain lui-même.