Laurent Martel, directeur de la direction de la Législation fiscale (DLF), rappelle les missions de cette direction et revient sur les chantiers et réformes en cours, notamment le niveau minimum d’imposition du bénéfice pour les multinationales et la fiscalité incitative à la transition écologique.
La direction de la Législation fiscale (DLF) est une direction d’état-major, composée de 200 personnes, chargée de concevoir la politique fiscale et d’élaborer les textes législatifs et réglementaires relatifs à la fiscalité, sous l’autorité du ministre de l’économie et des finances. La construction et le suivi au Parlement du projet de loi de finances (PLF) est la séquence la plus intense pour ses équipes mais la DLF est chargée de plusieurs autres missions.
Elle négocie les textes européens et les conventions internationales en matière fiscale, étant rappelé que la France est le pays qui dispose du plus large réseau conventionnel fiscal au monde et aspire à le rester, malgré la vague de dénonciations unilatérales récemment déclenchée par certains pays d’Afrique.
Par son action, la DLF contribue également à la clarté du droit fiscal. Elle produit les textes réglementaires, une partie des réponses de l’administration fiscale aux questions de droit posées par des contribuables (les « rescrits ») et les commentaires sur le droit en vigueur (la « doctrine », publiée au bulletin officiel des finances publiques). Le droit fiscal est le seul à donner lieu à une telle abondance de commentaires par l’administration, qui plus est des commentaires engageants, opposables. La clarté de cette doctrine constitue un enjeu essentiel pour les contribuables, leurs conseils et les agents de la DGFiP chargés d’appliquer les règles de manière uniforme.
Les règles fiscales n’étaient pas directement concernées par le vaste plan de simplification voulu par le gouvernement - c’était la règle fixée - mais la direction a recueilli, de la part de différents représentants des usagers, la liste des principaux irritants dans la doctrine, c’est-à-dire les obscurités, les obsolescences, les laconismes ambigus ou les précisions excessives qui peuvent gêner la réalisation d’opérations économiques utiles. Cela donnera lieu à un important travail de clarification, en 2024 et 2025.
Sur le plan de la législation fiscale, l’actualité de la DLF, c’est le parachèvement des grandes réformes fiscales, l’engagement d’un nouvel élan réformateur et la prise en compte toujours plus poussée d’enjeux montants qui traversent la société.
Des réformes d’ampleur doivent encore être parachevées. D’une part, la réduction progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) jusqu’à sa suppression en janvier 2027 doit permettre de supprimer un des plus lourds impôts de production, dans la continuité des allègements d’impôts fonciers accordés dans le cadre du plan de relance. La moitié des redevables de la CVAE ne le paie d’ailleurs déjà plus depuis cette année. D’autre part, l’accord international historique qui a conduit à définir un niveau minimum d’imposition du bénéfice pour les multinationales (à 15 %) constitue une avancée majeure, ardemment voulue par la France, en même temps qu’un bouleversement juridique dont l’intégration au droit national et le commentaire sont très exigeants (de même que l’application de ces règles nouvelles sera exigeante pour les grandes entreprises concernées). Le texte du PLF 2024 portant cette imposition minimale est sans doute l’un des articles les plus longs ayant jamais figuré dans une loi de finances…
L’atterrissage de ces réformes s’accompagne d’un nouvel élan réformateur impulsé par le gouvernement, sur différents fronts notamment : la fiscalité du logement, seul pan de la fiscalité du patrimoine non affecté par les réformes mises en œuvre depuis 2017, sur laquelle une mission parlementaire est en cours ; le renouveau de la décentralisation, thème sur lequel une mission a été confiée à Éric Woerth et dont la fiscalité ne peut être absente ; le soutien au pouvoir d’achat des actifs de la classe moyenne, dans la logique de « désmicardisation » posée par le Premier ministre.
Les travaux de la DLF consistent enfin à poursuivre la prise en compte, de plus en plus profonde, dans la fiscalité de la transition écologique. La DLF participe ainsi activement à l’élaboration du « budget vert », désormais annexé au PLF chaque année. De plus, les réformes en cours au niveau européen, en particulier celle sur l’extension du système de permis d’émissions négociables (ETS 2), imposent de repenser l’articulation entre la fiscalité énergétique et les systèmes de marché des droits d’émission. L’égalité entre les femmes et les hommes est un autre thème qui s’installe dans le débat fiscal d’une manière assez inédite - et heureuse ! L’individualisation du taux de prélèvement à la source de l’IR et l’élargissement des cas dans lesquels l’ex-épouse pourra être déchargée du paiement des dettes fiscales contractées pendant le mariage sont deux illustrations récentes d’évolutions en ce sens.
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