Les objectifs de la valorisation des innovations

Les projets innovants du secteur public ont souvent un potentiel de valorisation au-delà de leur vocation initiale. Cette démarche de valorisation reste un exercice complexe qui doit être envisagé dans le cadre d'objectifs clairement identifiés et priorisés. Quels sont les enjeux de la valorisation d'une innovation ? Et comment identifier ses objectifs ? Démonstration par l'exemple.

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Quels sont les enjeux de valorisation d’une innovation ?

Voici quatre réalisations innovantes d’entités publiques, représentatives des projets accompagnés par la mission APIE, qui illustrent les quatre objectifs de valorisation les plus fréquemment rencontrés :

Partager ou mutualiser un outil

En janvier 2018, la Préfecture régionale d’Île-de-France (PRIF) a été lauréate de l'appel à projets du Programme d’investissement d’avenir "Développement de services publics innovants à l'intention des start-up de la French Tech". C’est dans ce cadre qu’un chatbot (agent conversationnel en ligne) a été développé avec pour mission de répondre aux questions des entrepreneurs sur leurs démarches administratives.

Aujourd’hui, l’outil intitulé NOA (Nous Orienter dans l’Administration) est présent sur les sites internet d’une dizaine d’entités publiques (PRIF, Préfecture de Police, French Tech, douanes, impôts, etc.) et il doit être déployé dans plusieurs villes labellisées « French Tech ».

La nécessité de développer un outil réutilisable par d’autres entités publiques était incluse dans les conditions de l’appel à projet initial porté par la Délégation interministérielle à la transformation publique (DITP). Cet objectif, clairement identifié dans le descriptif du projet, a permis de diriger l’équipe de la PRIF vers un prestataire qui s’est engagé à mettre la majorité des développements réalisés sous une licence libre, ce qui a permis la réutilisation du projet par d’autres.

Générer des ressources propres

Certaines entités publiques souhaitent valoriser leurs innovations en générant des ressources propres permettant de financer de futurs projets. Cela peut se traduire par le transfert d’un projet à un ou plusieurs tiers avec une contrepartie financière (redevances, vente d’actifs immatériels, etc).

La Direction générale de la Gendarmerie nationale valorise certains de ses projets innovants en les brevetant, puis en concédant une licence aux industriels souhaitant en faire usage. L’innovation GENDSAG, un écouvillon de collecte ADN permettant une analyse génétique directe selon le concept « Sample And Go » (SAG), en est un exemple parlant. Le brevet portant sur cette innovation a été déposé puis, en 2017, un partenariat a été signé avec un industriel pour organiser le transfert de technologies et la production de l’innovation par cette société.  En contrepartie, un système de redevance a été mis en place sur la vente des produits issus de ce brevet, générant ainsi des ressources propres.

Fédérer une communauté d’utilisateurs et faire évoluer l’innovation sur le long-terme

La volonté de construire une communauté d’utilisateurs autour d’une innovation est également un objectif de valorisation souvent rencontré dans les projets, notamment de projets numériques diffusés sous licences ouvertes. Une communauté autour d’un outil numérique permet ainsi d’envisager les évolutions de l’innovation (amélioration, correction de bugs, évolutions fonctionnelles, etc.) grâce à la contribution de tiers, et ainsi in fine améliorer le produit ou le service rendu par l’outil en question.

Le projet Vitam® d’archivage numérique est un programme interministériel lancé en 2013 avec le Comité interministériel aux Archives de France (CIAF) et la Direction interministérielle du numérique (DINUM) en pilote. Trois ministères ont co-dirigé le projet, quinze autres entités publiques étant partenaires. Le projet est aujourd’hui un succès tant au niveau de l’outil déployé que de la collaboration entre les acteurs du projet. La version 3 de Vitam a été lancée en 2020.  

Améliorer l’image de l’entité publique à l’initiative de l’innovation

Le bénéfice en termes d’image de marque ne doit pas être sous-estimé dans la valorisation d’une innovation publique. En effet, l’un des objectifs poursuivis par les entités publiques est l’amélioration de son image de marque à travers une communication sur sa capacité d’innovation. Ainsi, la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) s’efforce de communiquer le plus souvent possible sur les innovations qu’elle utilise et qu’elle a développées. Le but recherché est de placer l’entité dans un écosystème d’innovation autour de la lutte contre les incendies et de bénéficier en retour des meilleurs outils pour remplir sa mission.

 

Comment identifier les objectifs de valorisation d’une innovation ?

L’exercice d’identification des potentiels de valorisation d’une innovation peut être délicat, surtout en début de projet lorsqu’un grand nombre d’incertitudes existent. Lors des premières réflexions autour du projet, il convient d’analyser les quatre domaines suivants :

 


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La stratégie générale de l’entité permet de servir d’aiguillon dans la valorisation d’une innovation. En effet, certaines entités inscrivent dans leurs documents stratégiques (circulaire ministérielle ou contrat d’objectifs d’un établissement public) la nécessité d’améliorer son image de marque, de générer des ressources propres ou de se positionner au cœur des écosystèmes d’innovation de son domaine.

Par exemple, dans le contrat d’objectifs et performance de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), la valorisation des innovations est un des axes poursuivis afin d’améliorer la diffusion des messages de l’ANACT, en la positionnant au cœur d’un écosystème d’acteurs innovants dans le domaine de l’amélioration des conditions de travail.  

Ces objectifs stratégiques fixés au niveau d’une entité doivent être modulés par les facteurs spécifiques à chaque projet.

Il s’agira alors de...

  • déterminer la valeur ajoutée de la solution : où se trouve l’innovation dans le projet ? Quel est le problème auquel l’innovation répond ? 
  • identifier des solutions concurrentielles et alternatives :  quels produits ou services existants permettent de répondre même partiellement au besoin ? Quelles sont les alternatives ?
  • définir l’écosystème des parties prenantes aux projets : partenaires externes potentiels et publics internes à mobiliser. En effet, la capacité de développement interne d’une innovation va également influencer sa valorisation. Les compétences nécessaires pour un projet obligent parfois à se tourner vers des spécialistes externes, des partenaires académiques ou des prestataires privés. De plus, l’identification des parties prenantes internes est essentielle pour intégrer l’ensemble des paramètres inhérents au développement d’une innovation (direction, R&D, juristes, opérationnels, etc.)
  • réfléchir aux applications potentielles sur des marchés/secteurs différents : quels sont les acteurs privés ou publics qui peuvent avoir les mêmes besoins, en France ou à l’international ?
  • analyser la maturité technologique (effort à réaliser pour qu’une innovation soit industrialisée) : en fonctions des applications identifiées, quel est l’effort nécessaire pour arriver à une solution industrielle et/ou déployée à grande échelle ?

… afin d’orienter la stratégie de valorisation.

Cette priorisation des objectifs est un travail impliquant l’ensemble des parties prenantes. Certaines entités publiques ont ainsi instauré un comité en charge de suivre la valorisation des innovations. Cela permet de guider les actions de valorisation, orienter les négociations avec des partenaires et le cas échéant, trancher lorsque les multiples objectifs d’un projet innovant ne sont pas alignés.