Dans quelles conditions vos fournisseurs peuvent-ils utiliser votre dénomination/logo comme référence, notamment sur leur site internet ? Conseils et état du droit.
- Un ou plusieurs de vos fournisseurs ou prestataires souhaitent mentionner le nom de votre entité, voire utiliser votre logo, parmi leurs "références clients" ou au sein de leur rubrique "Ils nous ont fait confiance" ? Que lui répondre ? Et comment encadrer ces usages ?
- Vous souhaitez que vos fournisseurs ou prestataires puissent vous citer parmi leurs "références client" ? Comment procéder ?
- L’un de vos fournisseurs ou prestataires vous a répertorié au sein de ses "références clients" sans vous demander d’autorisation ? Est-il dans son droit ? Quelles sont vos voies de recours éventuels ?
Ces quelques exemples constituent autant de situations qui vous conduiront à vous demander quels sont les règles et usages applicables en matière de citation de "marque" dans le cadre d’une "référence client".
Règles et usages
Le principe, issu de la jurisprudence1, est le suivant : vos fournisseurs/prestataires ont la possibilité, sous certaines conditions, de faire mention de votre dénomination/logotype au sein de leurs "références clients", pour informer les tiers du nom de ses clients et ce en dehors de toute autorisation de votre part. Il est en effet d’usage dans la vie des affaires pour un prestataire de citer ses clients sur son site internet et/ou dans ses brochures de présentation destinées au public.
Ainsi, si les conditions suivantes sont réunies, vous ne pouvez pas vous opposer à la reprise de votre nom/logo en tant que "référence client" par l’un de vos fournisseurs/prestataires :
- absence d’usage de votre nom/logo "à titre de marque" (c’est-à-dire pour identifier des produits/services) mais exclusivement à titre informatif : cela signifie que le fournisseur ne doit pas reprendre votre nom/logo pour identifier leurs propres produits/services mais uniquement pour informer ses autres clients/le public qu’il fournit ou a fourni à votre entité publique certains de ses produits/services ;
- respect des usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale (c’est-à-dire absence d’usages abusifs de votre dénomination/logo) : à cet égard, s’il est possible pour un fournisseur de citer dans sa rubrique "références clients" ou "Ils nous font confiance" une entité publique avec laquelle il a effectivement conclu un contrat, cela ne l’autorise aucunement à laisser croire que les produits/services qu’il propose bénéficient d’une reconnaissance particulière quant à leur qualité (ou tout autre caractéristique) ;
- relation contractuelle entre les parties en vigueur au moment de la citation.
Si l’une de ces conditions n’est pas respectée, la reprise de votre nom/logo pourrait être sanctionnée sur le fondement du droit des marques2, du droit de la responsabilité civile (concurrence déloyale/parasitaire) ou encore du droit de la consommation (pratique commerciale trompeuse), sous réserve que les conditions propres à ces différents fondements soient réunies, ce qui nécessitera une analyse au cas par cas.
Dans ce contexte où le principe est celui de l’autorisation, il paraît utile d’encadrer a priori la reprise de votre nom/logo en tant que "référence client" en définissant les règles à respecter. Cela présente en effet le double avantage d’harmoniser les citations réalisées par vos différents prestataires, en maîtrisant ainsi la communication autour de votre nom/logo et donc en préservant l’image de votre entité publique, et de vous permettre d’agir sur le fondement contractuel, en plus des fondements délictuels précités (contrefaçon,concurrence déloyale/parasitaire, pratique commerciale trompeuse), en cas de non-respect des règles qui auront été contractualisées entre vous et le prestataire.
Nos conseils
Compte tenu du principe de l’autorisation de l’usage de votre dénomination/logotype, sur la base duquel il vous appartient de construire librement les règles supplémentaires que vous souhaitez voir respecter, voici quelques conseils :
- sur le signe à reproduire (votre dénomination - sous forme verbale - ou votre logo) : l’important est d’harmoniser au maximum les usages. A ce titre, l’usage en matière de "référence client" semble être de reproduire le logo des entités. Vous pouvez donc prévoir que seul l’usage du logo en couleurs est autorisé, sauf lorsque les circonstances de la publication ne le permettent pas. Afin d’encadrer et d’harmoniser au maximum les pratiques, il peut être utile d’établir un document synthétique et pédagogique illustrant comment votre logo doit être reproduit graphiquement (sur le modèle d’une charte graphique) ;
- sur les usages autorisés :
- autoriser la citation exclusivement sur la page web ou sur les documents commerciaux dédiés aux "références clients" du fournisseur et limitée à une seule reproduction du logo sur une même page/un même support,
- interdire toute mise en avant du logo qui le distinguerait au sein des références citées : il devra apparaître au même niveau que les autres citations,
- interdire toute modification de votre logo et/ou tout ajout de texte d’accompagnement, sauf autorisation expresse, écrite et préalable de votre part. Il peut en effet être envisagé qu’un fournisseur souhaite ajouter un paragraphe ou créer une page dédiée expliquant sa collaboration avec votre entité ou un lien vers votre site Internet. Il conviendra alors à votre entité d’accepter ou non,
- interdire tout autre usage de votre logo (notamment l’apposition sur des produits) ou référence à votre entité, sauf autorisation expresse, écrite et préalable de votre part,
- veiller à ce que la référence à votre nom/logo ne puisse pas être perçue comme exprimant autre chose qu’une mention des relations contractuelles entre vous et l’un de vos fournisseurs. Cet exercice peut s’avérer délicat notamment pour les fournisseurs de produits/services relevant de votre cœur d’activité. En effet, il faut éviter que la citation de votre nom/logo puisse être interprétée comme garantissant un niveau de qualité des produits/services du fournisseur ou laissant croire que ces derniers ont été validés/avalisés/co-conçus par votre entité. Ce risque, en revanche, n’est pas présent pour les fournisseurs de produits hors de votre cœur d’activité.
- sur la durée de l’autorisation : systématiser l’alignement de la durée de l’autorisation à celle du marché public conclu avec le fournisseur/prestataire, apparaît trop général (même si cela correspond à la pratique communément admise par la jurisprudence). Il faut pouvoir tenir compte de la spécificité de certains fournisseurs (ex : fournisseurs de campagne de publicité, etc.) pour lesquels une durée plus longue pourrait être envisagée. Ainsi, la durée du marché pourrait être la durée minimale accordée, avec la possibilité dans certaines situations de prévoir une durée plus longue pour la "référence client", sous réserve cependant de se baser sur des éléments objectifs afin d’éviter toute discrimination.
Pour les systématiser et les rendre contraignantes, ces règles peuvent être directement insérées au sein des documents du marché (CCAP ou CCTP) avec vos futurs fournisseurs.
Pour les marchés déjà en cours, vous pouvez envisager une communication auprès de vos fournisseurs afin de les inciter à respecter les règles fixées, qui ne seront donc pas contraignantes sauf amendement du marché en cours (par exemple, par voie d’avenant) ou négociation d’un contrat de gré à gré (sous réserve de la conformité avec les règles de la commande publique).
Si vous envisagez de ne prévoir cet encadrement contractuel que pour certains de vos fournisseurs, votre attention est attirée sur le fait qu’au regard du principe d’égalité et du droit de la concurrence, cette sélection doit être opérée sur la base de critères "objectifs".
(1)TGI Paris, 3e chambre, 1er section, 29 janvier 2015, n°13/05412, Association Office du Tourisme et des Congrès de Paris (OTCP) c/ Sarl Constellation France.
(2)TGI Paris, 3e chambre, 3e section, 25/02/2003, société Logidee c/ société Mandrakesoft ; Cour de cassation, Chambre commerciale économique et financière, 5 juin 2019, RG n°17-25.665, MHCS, JAS Hennessy & Co., Polmos Zyrardow, Macdonald & Co. c/ M. Patrick L. de G.