Neutralité carbone : quels enjeux économiques ?

L’atteinte des objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050 implique la mise en place de politiques ambitieuses. Dans ce cadre, la direction générale du Trésor a publié un rapport, sous la responsabilité de la nouvelle sous-direction « Treco ». Ce document présente les instruments de politique publique à disposition pour mettre en œuvre la transition écologique et ses conséquences.

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Inspiré par la Net Zero Review (émissions nettes de CO2 égales à zéro) du Trésor britannique, ce rapport intermédiaire conduit par la sous-direction « Treco »  sur la demande de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, réalise un travail prospectif et d’analyse des grands enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone. Il en ressort une nécessaire transformation des modes de production et de consommation de l’économie française.

Cette transition rapide et profonde nécessite notamment des investissements annuels estimés à environ 110 milliards d’euros en 2030 par rapport aux investissements déjà réalisés pour la décarbonation.

La mise en place de politiques publiques pour décarboner l’économie

L’atteinte de la neutralité carbone nécessite une planification de long terme avec des politiques climatiques pensées dans le contexte européen et mondial.

Le projet « France Nation Verte », élaboré sous l’autorité de la Première ministre, constitue la feuille de route française pour réaliser ces objectifs climatiques, énergétiques et environnementaux et accélérer les efforts. La future Stratégie Française Énergie-Climat (SFEC) sera la feuille de route actualisée de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), atteindre la neutralité climatique en 2050 et assurer l’adaptation au changement climatique.

La France s’appuie sur une stratégie nationale bas-carbone (qui sera actualisée en 2024) qui se structure sur cinq leviers :

  • la décarbonation des vecteurs énergétiques,  
  • l’efficacité et la sobriété énergétique des usages,   
  • l’efficacité carbone des procédés industriels et agricoles,   
  • les changements des modes de consommation,   
  • la séquestration de carbone via les puits de carbone naturel ou des procédés industriels.

Le programme France 2030 et la récente loi industrie verte participent à la transformation de l’économie. La mise en œuvre du plan d'avenir pour les transports, avec la loi d'orientation des mobilités, facilitera la modernisation des transports en commun. La poursuite du Plan Vélo permettra d’augmenter le nombre de cyclistes, avec d’importants bénéfices en termes de réduction des émissions mais aussi de santé pour la population.

La littérature économique montre que donner un prix au carbone permet de déclencher les actions de décarbonation les plus coût-efficaces, et encourage l’innovation bas-carbone par les entreprises.

La planification écologique de long terme doit permettre de :

  • développer les infrastructures indispensables à une économie bas-carbone,   
  • prioriser les usages des ressources essentielles à la transition,   
  • former la main d’œuvre et les compétences,   
  • encourager l’innovation bas-carbone.

L’efficacité des politiques climatiques doit prendre en compte les émissions nationales mais aussi l’empreinte carbone des biens importés. En cela, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières  permet de lutter contre les fuites de carbone en réduisant les divergences de tarification du carbone entre les biens produits dans l’Union européenne et ceux importés.

Exemple d’analyse sectorielle, la décarbonation du parc de logements privés devra combiner différents instruments. Les travaux d’isolation pourront être ciblés prioritairement sur les passoires thermiques et les modes de chauffage (pompes à chaleur, réseaux de chaleur) devront être décarbonés.

Des impacts sur les finances publiques

Le rapport de la sous-direction « Treco » analyse les multiples incidences de la transition sur l’économie française. À moyen terme, la transition pourrait entraîner un ralentissement de la croissance économique.

En effet, la décarbonation de l’économie induit un coût pendant la période de transition. Les alternatives bas-carbone nécessitent d’importants investissements privés et publics. Ce processus participe aussi à un déclassement accéléré des installations à forte intensité carbone et à une nécessaire réallocation des emplois et des capitaux vers les activités bas-carbone.

À lire aussi : Quels besoins d'investissements pour les objectifs français de décarbonation en 2030 ?

La France peut s’appuyer sur la disponibilité d’énergie bas-carbone à des prix compétitifs et sur un environnement favorable à l’innovation verte. À moyen et à long terme, la transition écologique pourrait générer des bénéfices pour l’économie :   

  • des gains de productivité grâce aux technologies bas-carbone,   
  • un allègement de la facture énergétique avec la baisse des importations de combustibles fossiles,   
  • une amélioration du bien-être, dont la santé.

Autre conséquence, la transition écologique implique une érosion des recettes fiscales sur les énergies fossiles. Le rapport de la direction générale du Trésor estime que la sortie progressive des énergies fossiles (nécessaire pour la transition) conduit, à fiscalité inchangée, à une baisse des recettes fiscales de 13 milliards d’euros en 2030 et 30 milliards d’euros vers 2050.