Les marchés financiers

Depuis sa création, le ministère des finances assure la réglementation, l'organisation et le développement des marchés de capitaux à long terme. A travers les sources conservées par le Service des archives économiques et financières, cette synthèse présente ses différents domaines d'intervention pour la période 1800-1975 : emprunts publics, politique fiscale, transparence et sûreté des échanges financiers, surveillance des marchés boursiers. 

Organisation des marchés financiers

XVIe et XVIIIe siècles : réglementations et vicissitudes

En 1522, François Ier emprunte sous le couvert de l’Hôtel de Ville de Paris, qui crée des rentes garanties par des recettes royales remises en gage à la Ville de Paris. Il lance le premier emprunt public en 1535 sous la forme d'une rente perpétuelle. Dès 1549, un édit royal prévoit de prendre en charge la construction et la réglementation des bourses de commerce, qui se mettent progressivement en place : Lyon (1540), Toulouse (1556), Paris (Place commune des marchands de Paris, 1563), Bordeaux (1571), Marseille (avant 1598) et Nantes.

A la suite de la faillite de Law, la bourse de commerce de Paris est fermée le 25 octobre 1720. Un arrêt du Conseil du roi, le 24 septembre 1724, institue la Bourse de Paris, lui impose une réglementation et lui interdit les opérations à terme. Un autre arrêt du Conseil du 30 mars 1774 consacre la partition de la bourse du commerce en bourse des marchandises et en bourse des valeurs. Un décret du 17 juin 1793 de la Convention ferme toutes les bourses et interdit les sociétés de capitaux. Du 20 mai au 14 décembre 1794, la bourse de Paris est rétablie puis de nouveau fermée. Un règlement du 6 floréal an III (25 avril 1795) prononce l'ouverture d'un marché légal. Enfin, un décret-loi du 20 octobre 1795 autorise définitivement la réouverture de la bourse de Paris.

1801 – 1939 : un cadre réglementaire général stable

Le 19 mars 1801 paraît un décret fondamental sur l’organisation des marchés financiers : il attribue de nouveau aux agents de change le statut d'officiers ministériels, qu'ils avaient déjà eu avant 1791, ainsi que le monopole de la négociation des valeurs mobilières. Ils s'organisent en Compagnie des agents de change, que l'ordonnance du 29 mai 1816 place sous la tutelle de la direction du mouvement général des fonds (ministère des finances). Celle-ci, créée en 1814, règlemente les marchés financiers et a en charge la création et la négociation des valeurs ainsi que la préparation et l'émission des emprunts. Le syndicat des agents de change a travaillé aussi avec la direction de la dette inscrite (ministère des finances encore), pour l'exécution des règlements avec les préfets et les receveurs généraux des finances relativement à la tenue du Grand livre de la dette publique (inscription des rentes nouvelles et de celles qui résultent des mutations journalières par déclaration de transferts).

La loi du 28 mars 1885 décide l'autorisation de tous les marchés à terme sur les effets publics et autres. Le décret du 7 octobre 1890, qui porte règlement d'administration publique pour l'exécution de cette loi, édicte le premier statut officiel global de la Bourse de Paris.

Du 27 juillet 1914 à janvier 1920, le marché à terme est fermé, en raison de la Première Guerre mondiale.

 

1940 – 1967 : l’augmentation du nombre d’intervenants

Du fait de l'éclatement de la Seconde Guerre mondiale, la Bourse de Paris est fermée de nouveau le 10 mai 1940. Au ministère des finances, la direction du trésor reprend les attributions de la direction du mouvement général des fonds en matière de règlementation des marchés financiers, tandis que la direction de la dette publique succède à la direction de la dette inscrite. Les cotations reprennent officiellement sur les rentes et les obligations le 15 octobre 1940, sur les actions françaises le 3 mars 1941 pour le parquet et le 19 mars pour la coulisse. Seules les opérations au comptant sont autorisées.

Une loi du 18 juin 1941 prévoit la création de la Caisse centrale de dépôts et de virements de titres (CCDVT), création qui est officielle le 28 août 1941, pour une entrée en vigueur en avril 1942. Elle a pour actionnaire la Banque de France, les principales banques de Paris et de province et la compagnie des agents de change de Paris. Elle est placée sous le contrôle du ministère des Finances qui approuve ses statuts, tarifs et règlements. Ses opérations sont vérifiées par l'Inspection générale des Finances. Elle a plusieurs missions : recevoir tous les dépôts de valeurs mobilières pour le compte des agents de change et des banques dont elle aura accepté l'affiliation (les porteurs individuels restent en relation directe avec les établissements bancaires, financiers et boursiers de leur choix) ; faciliter, par des opérations de virement de compte à compte, la circulation matérielle de ces valeurs. Elle effectue trois opérations principales : dépôt, retrait et virement. Elle ne reçoit que les titres désignés par arrêté ministériel.

La loi du 14 février 1942 crée le comité des bourses de valeurs, auprès duquel le directeur du trésor est commissaire du gouvernement. Il décide de l'admission ou de la radiation des titres à la cote officielle, et intervient sur toute question de caractère général intéressant les bourses de valeurs : propositions de modifications sur leur fonctionnement et leur mode de cotation, prises de décisions de caractère individuel, règlements des conflits entre les chambres syndicales. Il a la tutelle du contrôle de l'activité des agents de change et des courtiers en valeurs mobilières.

La cotation des valeurs mobilières reprend le 10 octobre 1945, le marché à terme est rouvert en 1949. Un décret du 4 août 1949 prononce la suppression de la CCDVT, remplacée en décembre par la Société interprofessionnelle de compensation des valeurs mobilières (SICOVAM). Cet organisme reçoit les actions en dépôt et les porte dans des comptes courants, facilitant leur circulation entre les établissements qui lui sont affiliés (banques, agents de change, courtiers en valeurs mobilières, établissements financiers).

Une loi du 28 décembre 1966 réforme l’organisation des marchés financiers. Un décret du 27 juillet 1967 décide la fermeture de la Bourse de Toulouse. L'ordonnance du 28 septembre 1967 crée la commission des opérations de bourse (COB), qui remplace le comité des bourses de valeurs.

 

Fiscalité des produits boursiers

Les prémices dans la seconde moitié du XIXe siècle

Deux lois de 1850 commencent à établir une fiscalité des valeurs mobilières, et élargissent du même coup les attributions de la direction générale de l'enregistrement, des domaines et du timbre (ministère des finances) à la législation et à la réglementation en matière de fiscalité sur les opérations de bourse et au suivi de leur application. Le 18 mai, l'une soumet la rente sur l’État aux droits de mutation (entre vifs et par décès) et établit l’égalité des taux entre valeurs foncières et mobilières. Le 5 juin, l'autre institue un droit de timbre sur toute valeur mobilière négociable en bourse. En 1856, la Ville de Paris impose une taxe de un franc pour chaque entrée à la bourse. Une loi du 23 juin 1857, mise en application par un décret du 17 juillet 1857, institue un impôt sur la transmission des titres négociables nominatifs au moment de leur transfert et une taxe annuelle sur les titres au porteur.

Une loi du 30 mars 1872 impose le revenu tiré des valeurs mobilières et stipule qu’un titre étranger ne peut être admis en bourse qu’après avis favorable des ministres des finances et des affaires étrangères. Les titres émis par les villes, provinces et corporations étrangères et par tout établissement public étranger doivent être soumis à des droits équivalents à ceux qui sont établis par cette loi et celle du 5 juin 1850. Un décret d'application du 24 mai 1872 crée la commission des valeurs mobilières, chargée de donner au ministre des finances un avis préalable sur le nombre de titres qui doit, en vertu de l'article 10 du décret du 17 juillet 1857, servir de base à la perception du droit de timbre et de transmission établis sur les actions et obligations des sociétés étrangères. Elle se compose du président de la section des finances au Conseil d'Etat, qui préside, du directeur général de l'enregistrement, des domaines et du timbre, du directeur du mouvement général des fonds, d'un régent de la Banque de France et du syndic des agents de change de Paris.

Une loi du 29 juin 1872 instaure une taxe annuelle sur le revenu tiré des valeurs mobilières. Jusqu’à son intégration en qualité de cédule dans l’imposition générale sur le revenu en 1917, elle est acquittée par le service de l’Enregistrement.

Enfin, une loi très importante du 28 avril 1893 impose un droit de timbre sur toute opération au comptant ou à terme, et crée l’impôt sur les opérations de bourse.

 

Les aléas du XXe siècle : l'impact des deux guerres

Comme pour l'organisation des marchés financiers, les deux guerres ont des conséquences immédiates. Une loi du 31 mai 1916, modifiée par une loi du 31 décembre 1920, formule une interdiction de principe pour l’inscription à la cote d’actions de sociétés étrangères. Une loi du 15 mars 1942 instaure un impôt de 33 %, ramené à 20 % en juillet, sur les plus-values sur les actions françaises et les titres libellés en monnaie étrangère achetés et revendus dans un court délai. La taxe exceptionnelle sur les plus-values de valeurs mobilières est abolie le 15 août 1945. Une loi du 27 mars 1947 réduit les droits d’enregistrement sur les valeurs mobilières.

Une loi du 17 août 1948 supprime le droit de timbre, le droit de transmission et l’impôt sur les opérations de bourse sur les rentes. Le décret du 9 décembre fixe les conditions de l'imposition des revenus mobiliers au nouvel impôt sur le revenu des personnes physiques, avec l'instauration de revenue à la source. Au ministère des finances, 1948 est aussi l'année du regroupement des régies financières dans une nouvelle entité, la direction générale des impôts, qui reprend donc dans ses attributions la réglementation fiscale sur les valeurs mobilières. Le décret n°55-1603 du 7 décembre 1955 confie d'ailleurs à l'un de ses fonctionnaires le secrétariat de la commission des valeurs mobilières.

En décembre 1964, la taxe complémentaire sur les revenus des valeurs mobilières est supprimée. Est instauré un abattement sur le revenu imposable des intérêts d’obligations françaises inscrites à une cote officielle. Enfin, depuis 1973, l’impôt de bourse n’est plus perçu sur les obligations non indexées qui ont moins de sept ans d’échéance.

Glossaire

  • Action créées au XVIIe siècle (vers 1665), les actions sont des titres négociables émis par une société par actions et qui constatent le droit de l'associé dans cette société. L'action a une valeur à revenu variable qui représente une fraction du capital social.
  • Action au porteur : ce type d'action ne porte pas le nom du propriétaire et se transmet de la main à la main. Le détenteur est présumé possesseur du titre.
  • Action au porteur entièrement libérée : action dont le montant a été intégralement souscrit.
  • Action privilégiée ou action de priorité : ce type d'action, qui peut être de capital ou d'apport, bénéficie d'avantages particuliers, tels un dividende supplémentaire avant toute autre distribution aux actions en général ou un droit de priorité dans la répartition de l'actif en cas de liquidation.
  • Action de jouissance elles sont remises aux propriétaires d'actions de capital ou d'apport, en échange du même nombre de titres remboursés par voie de tirage au sort, c'est-à-dire amortis. Le dividende qu'elles reçoivent est inférieur à celui des actions non amorties. La différence correspond à l'intérêt du capital nominal du titre primitif. Lors de la dissolution de la société, après que les actions de capital ont été remboursées, les actions de jouissance participent au partage de l'excédent d'actif s'il en existe un.
  • FCP (Fonds communs de placement) créé par un décret du 28 décembre 1957, il s'agit d'une copropriété de valeurs mobilières, sans personnalité juridique, constituée à l'initiative conjointe d'une société de gestion et d'un établissement dépositaire. Son actif est divisé en parts qui sont émises et rachetées à leur valeur liquidative sur simple demande des porteurs de parts. Le décret de 1957 est resté lettre morte ; c'est avec un décret du 20 septembre 1963 que les FCP commencent à voir le jour en pratique. Un FCP appartient à la catégorie des OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs mobilières). Le décret de 1957 est resté lettre morte ; c' est avec le décret du 20 septembre 1963 qu'elles commencent à voir le jour.
  • Obligation : lien de droit entre un débiteur et son créancier. Titre négociable émis par une société ou une collectivité publique lors d'un emprunt et remis au prêteur en représentation de sa créance. Elle est désignée par le nom de l'émetteur, le taux d' intérêt et l'année de l'émission. Son revenu est fixe ou garanti.
  • Obligation au porteur : elle ne porte pas le nom du propriétaire et se transmet de la main à la main. Le détenteur est présumé possesseur du titre.
  • Obligation échangeable : ces obligations comportent le droit pour l'obligataire d'en demander l'échange contre des actions qui avaient été émises simultanément par une augmentation de capital et souscrites par un établissement de crédit appelé le tiers souscripteur. La loi du 24 décembre 1969 les a remplacées par des obligations convertibles à tout moment.
  • Part de fondateur (action d'apport ou de fondation) : ces actions sont remises en échange d'apports en nature faits par certains fondateurs de la société, et après approbation, par l'assemblée constitutive, du rapport favorable présenté par un commissaire. Ce rapport constate l'existence et la remise de ces apports, leur évaluation et la légitimité de leur échange contre un nombre d'actions déterminé. Les actions d'apport doivent donc être entièrement libérées. Elles restent attachées à la souche des registres pendant deux ans, et sont frappées d'un timbre indiquant la date et la nature de cette constitution. Elles ne peuvent être négociées que passé le délai d'immobilisation à la souche.
  • SICAV (Société d'investissement à capital variable) : créé par le décret du 28 décembre 1957, il s'agit d'une société anonyme dont l'objet est la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières. Ses actions sont émises et rachetées à tout moment à la demande des actionnaires et à leur valeur liquidative. Une SICAV doit détenir 30 % d'obligations quel que soit son objectif. Le décret de 1957 est resté lettre morte ; c'est avec le décret du 20 septembre 1963 que les SICAV commencent à voir le jour en pratique. Une SICAV appartient à la catégorie des OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs mobilières).