[Direct vidéo] Les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone

La direction générale du Trésor présente son rapport final sur les enjeux économiques de la transition vers la neutralité carbone ce lundi 27 janvier à Bercy à partir de 14h. Ce document fait suite à la publication d’un rapport intermédiaire publié en décembre 2023.

Ce rapport, inspiré par la Net Zero Review du Trésor britannique, offre une analyse approfondie des principaux défis économiques liés à la transition vers la neutralité carbone en France. Il explore les enjeux à la fois macroéconomiques et sectoriels, en intégrant les impacts sur les entreprises, le marché du travail, le commerce extérieur, les ménages, et les finances publiques. Ce rapport s’inscrit par ailleurs dans un contexte d’absence d’efforts suffisants de décarbonation  au niveau mondial. Le réchauffement climatique pourrait ainsi atteindre, en moyenne, une hausse des températures de trois degrés d’ici la fin du siècle.

Outre les conséquences sur les écosystèmes et la santé humaine, le changement climatique aura des conséquences négatives sur le PIB de l’ordre de 11 points pour la France d’ici 2050 en l’absence d’une politique de décarbonation de son économie , selon le rapport de la direction générale du Trésor. La France se fixe toutefois des objectifs ambitieux en matière de transition de son économie, en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre de moitié d’ici 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Découvrez le rapport final sur les enjeux de la transition vers la neutralité carbone

Les effets macro-économiques de la transition vers la neutralité carbone

La transition écologique induit un renchérissement du coût relatif des émissions de gaz à effet de serre pour déclencher les investissements nécessaires à la décarbonation tout en réduisant les investissements dans les activités polluantes. À court et à moyen terme, la transition pourrait entraîner un ralentissement de l’activité économique liée à la hausse des coûts qu’elle implique.

La disponibilité abondante d’énergie bas carbone à des prix compétitifs et un environnement favorable à l’innovation verte favoriseraient le développement des activités bas carbone tout en modérant les coûts.

Le prix du carbone : un outil puissant pour décarboner les activités

La littérature économique montre que donner un prix au carbone à travers la fiscalité ou des systèmes de quotas d’émissions échangeables, permet de déclencher une décarbonation à un coût efficace tout en encourageant l’innovation bas-carbone. La France tarifie déjà à un niveau supérieur à la moyenne mondiale les émissions de gaz à effet de serre mais la tarification carbone reste insuffisante pour atteindre les objectifs 2030 et 2050.

Le coût carbone doit être accompagné de mesures complémentaires pour corriger des effets potentiellement régressifs, qui peuvent prendre la forme de subventions ciblées et de réglementations proportionnées, selon le rapport de la direction générale du Trésor.

Penser la transition dans un contexte mondial

La réduction des émissions de gaz à effet de serre nécessite une réponse coordonnée au niveau international. C’est l’objectif de l’Accord de Paris qui offre une liberté aux pays pour déterminer leur politique de transition tout en se fixant l’objectif de limiter le réchauffement sous les deux degrés.

La France est mobilisée au niveau international en fournissant, notamment, des financements auprès des pays en développement pour décarboner leurs activités et pour s’adapter au changement climatique.L’intégration des économies à des effets sur la décarbonation. D’une part, le commerce mondial facilite l’accès aux technologies décarbonées et d’autre part, il contribue à la pollution. Enfin, les écarts d’ambition climatique entre les pays peuvent générer des fuites de carbone en substituant la production locale par des importations. L’absence de coordination internationale serait préjudiciable à une transition ordonnée. Pour lutter contre les fuites de carbone, des prix différenciés par pays ou zones géographiques couplés à des mécanismes d’ajustement carbone aux frontières (MACF) se révèlent être instruments pertinents.

Les pratiques de dumping ou des subventions appliquées par certains payssur des biens essentiels à la transition font également peser un risque sérieux sur l’industrie européenne et sur ses emplois. Pour y faire face, il est nécessaire de défendre les règles du commerce internationale et de lutter contre des mesures protectionnistes en établissant des conditions de concurrence équitable.

Un financement de la transition partagé entre le public et le privé

La décarbonation impose de lourds investissements publics et privés qui s’élèvent à environ 110 milliards d’euros par an en 2030 en plus par rapport à 2021. Le Gouvernement a présenté en 2024 sa stratégie pluriannuelle de financement de la transition écologique (SPAFTE) qui décrit les financements dédiés à la transition et à la politique énergétique de la France.

La décarbonation aura un impact sur le solde public avec une répercussion sur les comptes publics. De fait, la sortie progressive des énergies fossiles induit une baisse des recettes d’accises sur ces énergies de 10 milliards en 2030 et 30 milliards d’euros en 2050. Une transition menée avec une combinaison d’instruments diversifiés mobilisant la tarification carbone pourrait avoir un effet limité sur l’endettement.

Pour réussir la transition, la mobilisation de la finance privée est essentielle. Mais la prise en compte des risques de transition par le secteur financier reste encore limitée. Le développement de la finance durable (réglementation des activités financières, rapportage extra-financier) doit continuer à être mis en œuvre pour améliorer la transparence. Condition nécessaire pour donner de la confiance aux investisseurs sur les actifs durables.

Une réallocation des emplois vers les activités vertes

La transition aboutira à moins d’emplois bruns et à plus d’emplois verts ce qui nécessite des politiques d’accompagnement. Les activités carbonées représentaient, en 2021, 8 % de l’emploi salarié. Il importe de s’assurer que les politiques d’emploi et de formation anticipent ces transformations. Ainsi, l’attractivité des emplois verts, qui représentent déjà 12 % de l’emploi salarié en 2021, est une condition de la réussite de la transition. La croissance de l’emploi vert est rapide avec 300 000 créations entre 2016 et 2021. L’attractivité des emplois verts a longtemps reposé sur une « prime » sur la rémunération par rapport aux emplois bruns. Cet atout est en baisse et inégal. En effet, le manque d’attractivité de certains emplois verts est induit par une trop faible rémunération et par certains facteurs de pénibilité.

Au-delà de l’emploi, l’impact de la transition sur les ménages dépend de leur empreinte carbone et de leur capital brun (voiture thermique, par exemple). Les ménages ruraux et modestes sont plus exposés à l’augmentation des prix du carbone. Pour réduire ces inégalités, la France a mis en place des dispositifs pour réduire le surcoût lié aux investissements bas-carbone avec des dispositifs comme MaPrimeRénov’  ou encore le leasing social.

La décarbonation des secteurs économiques

L’intensité carbone de l’industrie française a fortement baissé et se positionne parmi les moins carbonée dans le monde. Cette tendance devrait se poursuivre grâce au marché carbone européen et au MACF pour limiter les fuites de carbone.

L’innovation est au cœur du processus de décarbonation de l’industrie et nécessite un soutien public, à l’image de France 2030  et du fonds pour l’innovation européen. La transition de l’industrie repose aussi sur une énergie abondante, décarbonée. La production d’électricité doit fortement croître pour permettre la décarbonation de l’économie via l’électrification des procédés industriels.

La production d’énergie bas-carbone (nucléaire et renouvelable) nécessite de surmonter des défis technologiques, industriels et sociétaux. La fiscalité et la réglementation sur les prix de l’énergie joueront un rôle majeur pour inciter à l’électrification.

Le transport est un secteur fortement émetteur. Toutefois, la rentabilité privée des véhicules électriques s’améliore alors que la décarbonation dans le secteur aérien reste très difficile par son coût ainsi que d’autres risques environnementaux et des conflits d’usage (utilisation des terres agricoles pour produire des éco-carburants).

La décarbonation du logement privé doit s’appuyer sur une prise en compte progressive de la performance énergétique des logements dans leur prix d’achat et dans les loyers. Il faut prioriser l’action sur les logements les moins performants énergétiquement en ayant recours au DPE  et à une obligation de rénovation des logements à la location.

Ce rapport a été élaboré sous la responsabilité de la direction générale du Trésor et ne reflète pas nécessairement la position du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.