Déflation, le sommaire
Les statistiques d'inflation publiées mensuellement par Eurostat, l'office européen des statistiques, font état depuis plusieurs mois d'une désinflation importante en zone euro.
Entre octobre 2012 et juillet 2014, le taux d'inflation annuel est passé de 2,5 % à seulement 0,4 %. La chute du niveau annuel de l'inflation est en outre quasi-ininterrompue depuis juillet 2013 et certains pays comme la Grèce connaissent déjà une période prolongée de baisse du niveau général des prix.
Par ailleurs, le rythme mensuel de l'inflation est déjà entré en territoire négatif dans plusieurs grands pays européens, comme l'Espagne ou l'Italie.
Il y a donc clairement un risque que la déflation s'installe en zone euro. Pour autant, il semble que la probabilité de réalisation d'un tel évènement soit assez faible. En effet, plusieurs éléments montrent qu'un processus déflationniste n'est pas encore à l'œuvre dans la zone euro dans son ensemble et que les taux d'inflation devraient rester positifs à court et moyen terme.
L'énergie facturée en dollars
En premier lieu, il convient de souligner que si l'indice général des prix en zone euro s'inscrit en baisse quasi-continue depuis de nombreux mois, c'est notamment en raison de la chute des prix de l'énergie (ceux-ci diminuent de 2 % en rythme annuel en août 2014, après -1 % en juillet, -1,2 % en avril et encore -2,1 % en mars). Or ces produits sont dans leur grande majorité importés et sont facturés en dollars. La hausse de l'euro par rapport à la devise américaine en 2013 et jusqu'au premier trimestre 2014 a beaucoup joué dans le processus de baisse des prix de l'énergie. Mais depuis, le dollar a commencé à s'apprécier par rapport à l'euro et ce mouvement pourrait se poursuivre. Ainsi, il est probable qu'à l'avenir les prix de l'énergie n'impactent plus de façon aussi négative le taux d'inflation de la zone euro.
En second lieu, il convient également de mentionner que l'inflation sous-jacente (voir l'encadré ci-dessous) accélère légèrement depuis le mois de mai 2014, ce qui laisse supposer que le seuil de déclenchement d'une spirale déflationniste n'est pas imminent.
Les anticipations positives de la Banque centrale européenne
Enfin, les anticipations d'inflation restent encore ancrées en territoire positif. Les anticipations d'inflation sont mesurées par la Banque centrale européenne (BCE) à travers deux instruments : une enquête auprès de prévisionnistes, et les informations que fournit le marché des produits dérivés traitant des titres sensibles à l'évolution de l'inflation en zone euro (essentiellement les obligations souveraines en euro indexées sur l'inflation).
Or, ces deux indicateurs ne montrent pas un revirement brutal des anticipations d'inflation en zone euro, même s'ils indiquent une certaine érosion. En tout état de cause, ces anticipations restent positives.
Bien que la probabilité du déclenchement d'une spirale déflationniste en zone euro puisse être considérée comme faible, la BCE a estimé que compte tenu de l'expérience japonaise, il était important de prendre des mesures de lutte contre les pressions déflationnistes. C'est la raison pour laquelle la BCE a réduit ses taux d'intérêt directeurs au niveau le plus bas possible et qu'elle s'est en outre lancée dans un vaste programme de rachat d'actifs sécurisés auprès des institutions financières afin que celles-ci puisent aisément se procurer des liquidités et qu'elles puissent distribuer des crédits aux entreprises et aux ménages à très faible coût. Au cas où ces mesures se révéleraient insuffisantes pour remonter le taux d'inflation en zone euro à des niveaux plus en adéquation avec les objectifs de la BCE (aux alentours de 2% par an), cette dernière a clairement indiqué qu'elle mettrait en œuvre une politique d'assouplissement quantitatif qui passerait par un vaste programme d'achat d'actifs financiers, comme les obligations souveraines émises par les Etats membres de la zone euro. Cette mesure permettrait à la fois de faire baisser les taux d'intérêt à moyen et long terme à des niveaux très faibles, ce qui serait favorable à la croissance économique, et d'alimenter la hausse des prix en zone euro en raison du caractère potentiellement inflationniste des injections de liquidités par la Banque centrale.
L'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) est un indice composite intégrant de nombreux éléments (services, transport, loyers...), qui s'inscrit en baisse depuis de nombreux mois et se rapproche de zéro. Mais si l'on exclut du calcul les prix de l'énergie et de l'alimentation, alcool et tabac (deux postes traditionnellement volatils car dépendants des cours mondiaux et/ou du niveau du dollar), l'inflation en zone euro reste plutôt proche de 1 %.
A savoir
L'inflation sous-jacente
L'indice d'inflation sous-jacente est un indice désaisonnalisé qui permet de dégager une tendance de fond de l'évolution des prix. Il traduit l'évolution profonde des coûts de production et la confrontation de l'offre et de la demande. Il exclut les prix soumis à l'intervention de l'État (électricité, gaz, tabac...) et les produits à prix volatils (produits pétroliers, produits frais, produits laitiers, viandes, fleurs et plantes,...) qui subissent des mouvements très variables dus à des facteurs climatiques ou à des tensions sur les marchés mondiaux.
L'indice d'inflation sous-jacente est corrigé des mesures fiscales (hausse ou baisse de la TVA, mesures spécifiques sur les produits...) de façon à neutraliser les effets sur l'indice des prix de la variation de la fiscalité indirecte ou des mesures gouvernementales affectant directement les prix à la consommation. L'inflation sous-jacente est ainsi plus adaptée à une analyse des tensions inflationnistes, car moins perturbée par des phénomènes exogènes.
Source : Insee
Article précédent : Les effets néfastes de la déflation
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