Les banques françaises ont-elles mieux résisté en 2009 ?

Incontestablement, la crise financière a moins touché les banques françaises que les autres banques européennes et mondiales.



Les pertes des banques françaises

Selon une étude du FMI, les pertes et dépréciations d’actifs des banques françaises représentent 3 % du total mondial (comptabilisé à la mi 2009), alors que les banques françaises pèsent 10 % du système bancaire mondial.

Début 2010, les données publiées par Bloomberg ne modifient pas substantiellement ces évaluations. Près de 1260 milliards de dollars de pertes et de dépréciations ont dû être enregistrées par les banques au niveau mondial depuis le début de la crise en 2007, dont 700 pour l’Amérique du Nord, 515 pour l’Europe et 41 pour l’Asie. Sur ce total, les pertes et dépréciations des banques françaises sont évaluées à 64,5 milliards de dollars (taux de change au 26/01/2010) soit 5% du total.

Les pertes et dépréciations des banques françaises se répartissaient de la façon suivante :

Banques Pertes/Dépréciations depuis 2007 (taux de change du 26/01/10 en milliards de dollars)
Société Générale 19,8
BNP Paribas 19,7
Crédit Agricole SA 9,2
Natixis 8,9
Dexia 6,7
Groupe Caisse d’Epargne 1,1
Total pour les Banques françaises 65,4
Source : Bloomberg et Banques au 26/01/2010



En 2008, malgré ces dépréciations, les principales banques françaises (à l’exception des Caisses d’épargne et des Banques Populaires) ont affiché un résultat positif, bien qu’en baisse par rapport à 2007, avec toutefois d’importantes disparités entre les principaux groupes bancaires. En 2009 et 2010, les banques françaises ont continué de remonter la pente. En 2010, elles avaient quasiment toutes remboursé leur dette à l’Etat et réalisé des profits importants, 24 milliards en cumulé pour les cinq principaux groupes (BNPP, CA, SG, BPCE, Crédit mutuel).

 

Le palmarès des banques mondiales

Le TOP 25 des pertes et dépréciations parmi les 25 plus grandes banques est instructif : 11 banques des USA figurent dans le palmarès dont les 4 de tête (Citigroup, Wachovi, Bank of America, JP Morgan Chase) pour un total de 600 milliards de dollars. Elles sont accompagnées par 4 banques du Royaume-Uni (166 milliards de dollars au total), 2 banques suisses (UBS et Crédit Suisse), 3 banques allemandes, 2 banques des Pays-Bas, 1 banque espagnole et 2 banques françaises (Société Générale et BNP Paribas qui totalisent à elles-deux 39 milliards).

Comment expliquer cette capacité de résistance des banques françaises à la crise financière ?

 

Une moindre rentabilité avant la crise

Les banques françaises étaient moins rentables avant la crise, souligne en premier lieu l’étude du FMI. D’une part, leurs marges sur intérêts étaient plus faibles du fait d’une concurrence plus intense entre banques et, d’autres part, elles étaient moins engagées dans des activités bancaires non traditionnelles, certes plus rentables avant la crise mais aussi comme on l’a vu plus risquées. Les banques françaises étaient en particulier moins exposées aux produits financiers à haut risque comme les crédits titrisés ou les produits de produits structurés, qui étaient moins importants que dans les banques d’autres pays.

 

Le modèle de la banque universelle plus résistant

La diversité de leurs métiers de banque d’investissement et de marchés, de banque de particuliers, de gestionnaire d’actifs… ainsi que leurs implantations géographiques en Europe et dans le monde (996 implantations fin 2007, dont 760 filiales et 236 succursales) et en Europe (53 % des implantations) leur ont permis de diversifier leurs risques en 2008 et de conserver une capacité bénéficiaire.

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La crise financière a démontré la fragilité des établissements exclusivement dépendants des marchés, qu’il s’agisse des banques d’investissement américaines (Lehman Brothers, Morgan Stanley, Merril Lynch, Bear Stern) ou des spécialistes du crédit immobilier sans dépôt (cas de Northern Rock au Royaume-Uni). Mais il y a des survivants florissants (Goldman Sachs).

Elle semble, au moins pour la France, montrer les vertus de la banque universelle, mais il ne faut pas faire du cas d’espèce français une généralité : toutes les banques universelles n’ont pas aussi bien résisté à la crise que l’ensemble des banques françaises (par exemple aux États-Unis la banque Citigroup).

S’il n’y a pas à proprement parler de « modèle » de banque universelle, les banques françaises ont des caractéristiques qui les ont « sauvées ».

 

Une importante base de dépôts

Les banques françaises se sont fortement concentrées dans les dernières années. Iil n’y a plus aujourd’hui que sept grands groupes bancaires : BNP-Paribas, Crédit Agricole, BPCE (Banque Populaire Caisse d’Épargne), Crédit Mutuel, Société Générale, HSBC France et La Banque Postale. Elles ont une très forte assise financière dans la banque des particuliers avec un montant total des dépôts de 1 231 milliards d’euros fin novembre 2009 ce qui a permis aux banques françaises d’être moins dépendantes des marchés pour leur refinancement.

 

Une forte épargne

Corrélativement à leur relatif faible endettement, les ménages français épargnent plus que leurs voisins : en France, le taux était de 15,3 % du revenu disponible en 2008, au moment de la crise, alors que le taux était de 2 % aux États-Unis à la même époque (remontée à 4,8 % en décembre 2009) ; cette place de l’épargne dans les bilans bancaires a permis aux banques françaises de trouver dans leur bilan des ressources de financement saines et stables, ce que n’ont pas trouvé leurs concurrentes étrangères qui se sont tournées vers des ressources plus risquées : en France le modèle universel finance des clients et moins des actifs, ce qui rend plus prudente l’approche des risques.

 

Un système fortement régulé

Les produits financiers sophistiqués mais à risque (comme titrisation, titrisation de titrisation, produits dérivés…) se sont développés aux États-Unis (dispersant le risque mais en réalité l’accroissant car se développant dans une opacité des produits) sans évaluation ou contrôle des autorités bancaires qui a conduit à sous évaluer le risque global systémique ; mais à la différence du système bancaire américain qui voit cohabiter une multitude d’établissements (8 500 en 2008) avec des courtiers indépendants plus ou moins régulés, les banques françaises (450 en 2009) sont soumises à  un contrôle réglementaire et prudentiel contraignant depuis des années.

 

Des ménages peu endettés et des banques peu exposées aux subprimes

Contrairement à leurs voisins européens et aux Américains, les ménages français étaient nettement moins endettés auprès de leurs banques en 2008 : à peu près la moitié des ménages français était endettée (52,8 % selon l’Observatoire de l’endettement des ménages). Si l’on ne retient que l’endettement immobilier, l’endettement des ménages français ne représente que 47,5 % de leur revenu disponible alors qu’il représente 75 % pour les Allemands et 98 % pour les Japonais.

Les banques françaises ont été beaucoup moins exposées à des risques sur leurs encours immobiliers que les systèmes bancaires des États-Unis ou du Royaume-Uni. Elles n’ont pas massivement utilisé la technique des prêts hypothécaires (fondés sur la valorisation des biens achetés davantage que sur la capacité de revenus des emprunteurs), caractéristique des crédits « subprimes » par exemple (qui présentaient en outre la caractéristique d’offrir des différés de remboursement très longs qui rendaient les crédits indolores dans les premières années). Les banques françaises ont certes accru la durée moyenne de leurs prêts immobiliers mais en exigeant davantage de cautions. Dès 2006, la part des taux variables dans le total des prêts diminue sensiblement pour tomber à moins de 2 % en 2008.

 Cette meilleure résistance des banques françaises à la crise correspond d’une certaine façon à de moindres responsabilités dans les facteurs qui l’ont générée. Même si des soutiens publics ont été nécessaires, il en est résulté que la France connaît certes depuis la fin 2008 une réduction importante de la croissance des crédits bancaires distribués mais celle-ci reste moindre par rapport à celle constatée en moyenne dans les pays européens.

 

Zoom sur deux expériences étrangères

Le Canada

Le Canada aussi !

Les banques canadiennes sont citées en exemple par de nombreux experts internationaux pour leur solidité financière. La pratique de prêts délivrés avec prudence expliquerait pourquoi les banques canadiennes ont mieux éviter la crise que les banques américaines, pourtant géographiquement à côté ! Les banques canadiennes seraient aussi parmi les mieux capitalisées évitant ainsi au contribuable canadien d’être appelé au secours comme ce fut le cas aux Etats-Unis en 2008.

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Les banques canadiennes

L'Allemagne

L’Allemagne : un secteur bancaire très fragilisé

Les banques allemandes ont été sévèrement affectées par la crise financière. Les dépréciations et pertes qu’elles ont enregistrées représentent environ 10 % du total mondial et 40 % de la zone euro. Le paradoxe c’est que contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni ou l’Espagne, l’Allemagne n’a pas connu de bulle immobilière à laquelle les banques auraient participé.

Les causes sont à chercher ailleurs. Les banques allemandes, en quête de rendements, se sont plus exposées que les autres banques européennes aux « produits à risque » devenus produits toxiques. Et l’absence de revenus tirés de la banque de détail ne leur a pas permis de réduire leur vulnérabilité qui se révèle lors de la crise de 2007. La dégradation brutale de l’activité économique a joué ensuite un rôle d’accélérateur. Les failles révélées par la crise renvoient à des déficiences structurelles du système bancaire allemand : un marché trop fragmenté, des distorsions de concurrence, des frais généraux trop élevés.

Le plan de sauvetage des banques a été plus ambitieux en apparence qu’en réalité. Des restructurations importantes ont eu lieu dans le secteur des banques commerciales (DeutscheBank a acquis la Deutsche Postbank et Commerzbank, la Dresdner Bank). Mais si la consolidation des banques publiques (Landesbanken) a été acceptée dans son principe, elle reste encore à effectuer. En fait, les résultats 2009 des banques allemandes marquent certes un redressement sensible mais elles ont, plus que d’autres, utilisé les possibilités ouvertes par les modifications comptables introduites en urgence en 2009 par le G 20 ; les facteurs de risques n’ont pas disparu et selon la Banque centrale allemande (Bundesbank), elles pourraient inscrire jusqu’à 90 milliards d’euros de dépréciations en 2010.

Les établissements les plus concernés seront une fois de plus les banques publiques régionales (Landesbanken), principales pourvoyeuses de crédits aux PME, particulièrement touchées par la récession. C’est pourquoi le Président de la Bundesbank demande aux banques commerciales d’utiliser l’augmentation actuelle de leurs revenus prioritairement pour augmenter leurs fonds propres et non pour distribuer des bonus et il exhorte les Landesbanken à saisir l’offre du Fonds fédéral d’aide au secteur bancaire (Soffin), afin de renforcer eux aussi rapidement leurs fonds propres afin d’améliorer leur offre de crédit aux entreprises.