Dès août 2007, au moment des premières manifestations de la crise financière et bancaire rapidement devenue mondiale, et tout au long de 2008, les banques centrales ont tenté d’enrayer son développement en fournissant aux banques des liquidités exceptionnelles, liquidités que celles ci n’arrivaient plus à trouver sur le marché interbancaire compte tenu de la suspicion des banques les unes vis-à-vis des autres.
La Banque centrale des États-Unis (FED) entamait très vite un mouvement de baisse de ses taux directeurs que la Banque centrale européenne n’a entrepris que beaucoup plus tardivement en 2008 (elle privilégiait le risque d’inflation encore relativement élevé à cette époque). Parallèlement les banques les plus menacées par une insuffisance de leurs fonds propres (crise de solvabilité) compte tenu des pertes déjà enregistrées et prévisibles et notamment des banques américaines, épicentre du séisme, sollicitaient les fonds souverains pour souscrire à des augmentations de capital. Mais rien n’y fit.
À l’automne 2008, le système financier international est frappé de plein fouet par une brutale aggravation de la crise. Une crise systémique mondiale menace d’éclater. Les Etats et les banques centrales sont alors intervenus massivement pour sauver le système bancaire. Sans doute le plus vaste plan d’actions publiques coordonnées à l’échelle internationale conduit en temps de paix.
Passage en revue des leviers utilisés et des résultats des actions entreprises.
Deux types d’acteurs sont intervenus : les Banques centrales et les États.
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L’action des banques centrales
Les banques centrales ont accentué les dispositifs déjà mis en œuvre visant à offrir aux établissements financiers un accès privilégié à des montants illimités de liquidité. Cette politique s’est notamment manifestée par un allongement des facilités de refinancement, un recours plus facile au financement en devises. Elles ont également toutes baissé de manière exceptionnelle leurs taux directeurs (en février 2010, on est toujours à 1 % pour la BCE ; 0,25 % pour la FED ; 0,50 % pour la Bank of England ; 0,1 % au Japon).
Mesures non conventionnelles
Cependant, confrontées à une accélération de la dégradation des marchés, les banques centrales se sont trouvées dans l’obligation de passer outre les voies « traditionnelles » de transmission de la politique monétaire, en adoptant des mesures dites « non conventionnelles ». Ainsi, dès décembre 2008, la FED ouvre la voie ; en janvier 2009, la Banque d’Angleterre fait de même ; et en juin 2009, la BCE emboite le pas de ses consœurs.
Ces mesures visent alors à augmenter massivement la quantité de monnaie en circulation dans l’économie, et à débloquer les marchés de crédit en achetant directement des titres sur ces marchés et en se substituant en quelque sorte aux banques pour financer directement l’économie. Il est à noter que BCE et FED utilisent de manière différenciée ces mesures non conventionnelles. L’Eurosystème s’attache principalement à répondre aux besoins de financement des banques (via des prêts à 3 mois), et au marché interbancaire. La FED des États Unis ou la Bank of England s’appuient sur des titres risqués et n’hésitent pas à acheter des obligations d’État.
Fourniture de devises
Outre, les dispositifs précédemment évoqués, les banques centrales ont signé des accords réciproques de fourniture de liquidité en devises.
Les politiques publiques
Les mesures de soutien au financement des banques ont été mises en œuvre à la suite des orientations définies par le G7 du 10 octobre 2008 à Washington. Les actions des États se sont alors orientées autour de quatre axes :
- la mise en place de dispositions suspensives en matière d’application desnormes comptablesinternationales aggravant les difficultés des banques ;
- une garantie de l’Étatafin d’aider les établissements de crédit à trouver des financements ;
- un renforcement des fonds propresdes banques, voire une prise de participation des États au capital des établissements financiers ;
- l’appui à des reprises d’établissementsen quasi faillites ou en grandes difficultés par d’autres banques.
La garantie des États
En France, l’État prend la décision de créer en octobre 2008, la Société de financement de l’économie française (SFEF) destinée à financer les banques en difficulté. Propriété de l’État (34 %) et d’un consortium de sept banques, la SFEF a pour mission d’octroyer des prêts à moyen et long terme. En contrepartie, les banques s’engagent à favoriser l’octroi de prêts aux entreprises, particuliers et collectivités locales. Le mécanisme de refinancement est simple : la SFEF émet sur les marchés des obligations garanties par l’Etat et prête ensuite aux banques demandeuses. Pour le service rendu, ces établissements financiers payent une prime de risque de crédit (CDS) majorée.
Depuis le début de son activité, la SFEF a émis pour environ 80 milliards d’euros sur les marchés, et reprêté 77 milliards aux banques. Le dispositif est aujourd’hui en veille, compte tenu de l’amélioration de la situation des banques françaises.
A l'étranger De la même manière, en Allemagne, l’État fédéral créé un véhicule financier temporaire ayant pour missions de garantir les prêts interbancaires à hauteur de 400 milliards d’euros ; d’assurer la recapitalisation des établissements bancaires (à concurrence de 10 milliards d’euros par établissement) ; et de racheter des actifs toxiques détenus par les banques.Quant aux États-Unis, l’État fédéral confie à une agence indépendante, la Commission fédérale d’assurance des dépôts bancaires (FDIC), la mission de consolider le système bancaire et de le rendre liquide. La FDIC apporte sa garantie aux émissions de dettes bancaires, et fournit une couverture aux comptes de dépôts des PME. De la même manière que la SFEF en France, ce programme est financé intégralement par les institutions financières qui y ont recours. |
Renforcement des fonds propres des banques
Le plan de sauvetage européen prévoyait également le renforcement des fonds propres des établissements de crédit par l’État. Là encore, plusieurs modalités voient le jour. Toutefois, la majorité d’entre elles portent sur l’achat de titres émis par les banques ou le cas échéant l’entrée de l’État au capital de certains établissements.
En France, c’est la Société de prise de participations de l’État (SPPE), qui joue ce rôle. Cette société apporte des fonds propres aux banques en contrepartie d’une augmentation de 3 % à 4 %/an des prêts accordés aux particuliers, professionnels et PME. Il est également demandé aux établissements de crédit de respecter des engagements éthiques en matière de gouvernance économique et de distribution de rémunération. L’État a souscrit à des titres émis par six principales banques françaises en 2 phases ; et est entré par ailleurs au capital de la banque franco-belge Dexia à hauteur de 1 milliard d’euros (3 milliards si on prend en compte la participation de la Caisse des dépôts).
Source : Banque de France (Documents et débats N° 3 - « De la crise financière à la crise économique »)
La rémunération des titres émis est fixée à 8 %. Elle permet de rendre l’opération financièrement profitable pour l’Etat tout en soutenant activement les banques. Au total, 20 milliards d’euros de prêts en fonds propres (remboursables) ont été attribués aux banques. 13,5 ont été remboursés au 2ème semestre 2009.
Les deux dispositifs français (SFEF et SPPE) ont rapporté 2 milliards d’euros à l’Etat au titre de la garantie et des intérêts.
A l'étranger Au Royaume-Uni, le soutien de l’État au système bancaire s’est traduit par la quasi nationalisation de certaines banques. Ce fut le cas de la banque Northern Rock. Mais, aussi de la banque Bradford & Bingley dont l’Etat britannique est actionnaire à 100 % ou de la Royal Bank of Scotland détenu à 70 % par les pouvoirs publics. Certains pays ont préféré opter pour la création d’une ou plusieurs « bad banks ». Il s’agit de structures de cantonnement d’actifs douteux, jusque-là détenus par quelques banques en grande difficulté. En n’apparaissant plus au bilan de celles-ci, les actifs risqués sont transférés et les pertes éventuelles supportées par la « bad bank » et non par l’actionnaire. Ce fut le choix de l’Espagne, qui a mis en place une structure de défaisance (la FROB), mais aussi celui de la Suisse avec le StabFund. Créée pour sauver la banque UBS, cette « bad bank » a récupéré 60 milliards de dollars d’actifs risqués et est entrée au capital d’UBS. Les États-Unis ont lancé de leur côté un programme de partenariats public/privé en vue de racheter les actifs toxiques des banques et de nettoyer leurs bilans. Le Trésor américain devait y consacrer plus de 30 milliards de dollars. |
Appui pour la reprise de banques en difficulté
Quant à l’appui donné à l’organisation de reprises de banques en quasi faillites ou en grandes difficultés, cela a été notamment le cas aux USA : la banque JP Morgan Chase a « repris » Bear Sterns, Wells Fargo Wachovia et Bank of America Merrill Lynch. Seule la faillite de Lehman Brothers a été actée. On sait l’aggravation brutale de la crise qui en a résulté.
En somme, l’ensemble de ces mesures ont eu pour objectifs de sauver le système financier, d’éliminer le risque systémique qui pesait sur l’économie réelle et les épargnants, de renforcer les structures bancaires existantes et de lui permettre de tenir ouvert le robinet du financement de l’économie.
Où en est-on début 2010 ?
Une grande récession comme dans les années 1930 a été évitée. Au contraire les banques ont pour nombre d’entre elles retrouvé le chemin des profits. Néanmoins les situations entre banques et entre pays sont très diverses. S’agissant de la restriction ou au contraire de la reprise des crédits, là encore les situations nationales sont diverses. On peut souligner la bonne tenue d’ensemble des banques françaises qui ont accru leurs encours de crédit de 1,8% en 2009, soit sensiblement plus par exemple que la moyenne de la zone Euro (-0,05%).
S’agissant de la restriction ou au contraire de la reprise des crédits, là encore les situations nationales sont diverses. On peut souligner la bonne tenue d’ensemble des banques françaises qui ont accru leurs encours de crédit de 1,8% en 2009, soit sensiblement plus par exemple que la moyenne de la zone Euro (-0,05%).
Dans certains pays et à l’échelle internationale au delà des aspects quantitatifs, des questions sont posées sur l’affectation des crédits distribués : ne servent-ils pas pour une part à financer des spéculations et à la formation de nouvelles bulles financières ?
L’intervention massive et exceptionnelle des banques centrales est toujours requise. La sortie progressive de ces dispositifs apparait comme une question singulièrement délicate qui montre qu’on est loin d’être revenu à une situation normale de fonctionnement des systèmes bancaires. Comme le fait observer l’économiste Jean- Luc Gréau (Revue Commentaires) fin 2009 les marchés interbancaires affichent certes des taux d’intérêt détendus ; mais « les quantités échangées quotidiennement sur ce marché, qui équivalent d’ordinaire à quelque cinq mille milliards de dollars, ne représentent plus que quelques cinq ou six cents milliards. Sans l’action constante des banques centrales, le marché cesserait de fonctionner pour de bon » Bref les banques continuent de se méfier individuellement les unes des autres.
Retour aux profits pour les banques françaises
Fin février, les cinq groupes bancaires français ont maintenant tous annoncé leurs résultats pour l’année 2009. A eux cinq, ils ont réalisé 11 milliards d’€ de profits, soit 2 fois plus qu’en 2008. BNP Paribas a réalisé à elle seule plus de la moitié du total (5,8 milliards, + 93 % par rapport à 2008). Le groupe Crédit agricole annonce 2,7 milliards (+ 12,1 %) et le Crédit Mutuel-CIC 1,2 milliards (+340 %). Le groupe BPCE (Banques Populaires - Caisses d’Epargne) affiche 0,5 milliards d’euros de profits (contre 1,58 milliards de pertes en 2008 pour les groupes Banques Populaires et Caisses d’Epargne). Avec 0,7 milliards de profits en 2009, la Société Générale est la seule à annoncer une baisse de ses résultats (- 66 %).
Des différences qui restent importantes…
Les différences entre groupes restent donc sensibles. Elles sont pour une part la conséquence des dépréciations encore enregistrées en 2009 par la Société générale et par le groupe BPCE dont la filiale côtée Natixis est encore déficitaire (1,7 milliards d’euros contre 2,8 milliards en 2008). Mais BNP Paribas a également constitué des provisions records de 8,3 milliards (46 %).
Les résultats des banques françaises en 2009
Quatre raisons de ce retour aux profits
Quatre raisons principales expliquent cette évolution :
- Les banques françaises sont solides et globalement avaient été, avant la crise, plutôt plus prudentes que d’autres. Mais elles ne sont pas les seules à avoir fait en 2009 un tel retour aux profits. Les dix plus grandes banques européennes en annoncent 50 milliards d’euros et les dix plus grandes banques américaines à peu près autant.
- Les charges ont été « maitrisées ».
- Les groupes bancaires français ont ralenti leur distribution de crédit tout en s’approchant des engagements pris dans le cadre du plan d’aides publiques de la fin 2008 (crédits en hausse de 2,7 % contre un engagement de 3 %). Mais dans le contexte de la crise et du sauvetage des banques, les banques centrales ont fourni aux banques de l’argent à des taux très faibles, beaucoup plus bas que les prêts bancaires aux ménages, aux entreprises, et aux administrations publiques.
- Dans les groupes bancaires privés et notamment à BNP Paribas, les métiers de la banque d’investissement (activités de marché, gestion d’actifs, accompagnement des émissions d’actions par les entreprises, et les administrations publiques) ont été une source importante de revenus. Les groupes mutualistes (Crédit Agricole, BPCE et Crédit Mutuel-CIC) font au contraire état d’une réduction de la voilure des activités de banque d’investissement et de marchés pour se recentrer sur leurs clients particuliers. Leurs dirigeants parlent de retour aux sources vers les valeurs du mutualisme, la proximité, la réponse aux besoins des clients, le financement de l’économie.
Est-ce une bonne nouvelle ?
Les banquiers font valoir que le retour aux profits est une bonne nouvelle.
À ceux qui mettent en relief que le retour des profits est surtout une bonne nouvelle pour les traders puisque 2009 marque aussi le retour des bonus , les banquiers français font valoir que la distribution des bonus en 2009 par les banques françaises a respecté l’encadrement mis en place par les pouvoirs publics.
BNP Paribas a par exemple distribué 500 millions à ses 4 000 traders, soit un bonus moyen de 125 000 euros par personne. Une autre enveloppe de 500 millions d'euros seraient en outre débloquée l'an prochain si les résultats sont positifs. Une taxation de 50 % des bonus ayant été mise en place, la banque paiera en outre 250 millions à l’Etat. Preuve de cette modération, pour Baudoin Prot, directeur général de BNP Paribas : les bonus 2009 « représentent 5,5 % des revenus des activités de marché ; dans l'ancien système, c'était 17 % ».
Mais surtout ils soulignent que les profits vont servir à alimenter les ressources propres des banques et permettre de répondre aux besoins de la clientèle notamment en matière de crédits. Les cinq grands groupes ont du reste renouvelé les engagements de croissance des crédits pris en 2009.
En la matière, l’année 2010 ne démarre pourtant pas vraiment sur les chapeaux de roues, selon les statistiques publiées le 25 février par la Banque de France.
En janvier 2010, si la reprise des crédits aux ménages se poursuit, les crédits aux entreprises sont à nouveau en recul significatif (- 2,1 %, après - 0,9 % en rythme annuel).
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