Criminalité financière : 2021, une année charnière pour TRACFIN

Le service de renseignement financier TRACFIN a publié son rapport d’activité 2021. Retour sur une année très dense, entre lutte contre la fraude fiscale, détournement des dispositifs d’aides publiques d’urgence, fraude au CPF, lutte contre le blanchiment des fonds d’origine criminelle ou encore surveillance des innovations financières.

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Évoluer pour faire face à l’émergence de nouvelles formes de criminalité, facilitée par l’internationalisation des flux financiers. En 2021, la cellule de renseignement financier TRACFIN, qui publie son rapport d’activité annuel, a ainsi opéré une restructuration autour de ses missions prioritaires :

  • lutte contre la fraude,
  • lutte contre la criminalité économique et financière,
  • défense et promotion des intérêts fondamentaux de la Nation.

Consulter le rapport d’activité 2021 de TRACFIN [PDF – 11,39 Mo]

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L’année 2021 de TRACFIN en chiffres

activité

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44
%

Croissance de l’activité de TRACFIN en 2021

déclaration

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160952

Nombre de déclarations de soupçon reçues en un an

note

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3942

Nombre de notes d’information et de renseignement transmis par TRACFIN à ses partenaires (autorité judiciaire, administrations, services de renseignement et cellules de renseignement financier étrangères)

Enjeux financiers

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669
Millions d'euros

Enjeux financiers estimés de la lutte contre la fraude fiscale, soit une hausse de 25 % en un an

Investigations

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70270

Nombre d’actes d’investigations réalisés par les agents de TRACFIN en 2021

Personnes

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10180

Nombre de personnes physiques (et 3 186 personnes morales) visées en 2021 dans les notes d’information et de renseignement transmises par TRACFIN à ses partenaires

Les circuits financiers clandestins les plus marquants de 2021

Le rapport 2021 fait un zoom sur certains circuits financiers clandestins et met en exergue quatre grandes typologies :

  • blanchiment des fonds d’origine criminelle,
  • atteintes aux finances publiques,
  • prévention du terrorisme, de la criminalité organisée, et de la protection des intérêts économiques,
  • anticipation des risques de « crypto-blanchiment ».

Le blanchiment des fonds d’origine criminelle

Le rapport 2021 de TRACFIN détaille les différentes techniques de blanchiment des fonds criminels auxquels doivent faire face les agents qui composent le service. Exemple : le blanchiment du produit d’escroqueries aux faux ordres de virement (FOVI). Il constitue l’une des principales menaces de blanchiment de capitaux en France. Les circuits identifiés passent ainsi par une succession de comptes bancaires ou de comptes de paiement ouverts dans plusieurs pays par lesquels circulent très rapidement les fonds escroqués. En 2021, 25 dossiers de ce type ont été traités par TRACFIN.

Le secteur de l’immobilier, très dynamique ces dernières années, constitue également un vecteur privilégié pour réintégrer, dans l’économie réelle, le produit d’escroqueries des activités de la criminalité organisée. Les risques d’injection de fonds illicites existent à toutes les étapes de la vie d’un projet immobilier, du projet de construction à l’obtention du prêt immobilier, détaille TRACFIN. Une lutte qui nécessite une vigilance accrue des professionnels de ce secteur.

En 2021, TRACFIN s’est aussi penché sur l’analyse des données comptables et des comptes annuels d’entreprises. Celle-ci est mise en parallèle avec l’analyse de leurs flux financiers pour identifier d’éventuelles manipulations et falsifications comptables en complément d’autres infractions comme l’abus de biens sociaux, la banqueroute, l’escroquerie et l’abus de droit.

En 2021, Tracfin a accru sa participation au démantèlement de réseaux de distribution de contenus à caractère pédopornographique en continuant de suivre les flux financiers permettant le financement de ces réseaux. Cette mission s’inscrit dans un contexte où la crise sanitaire a favorisé l’expansion internationale du phénomène et où les paiements se font désormais de plus en plus en cryptoactifs (actifs numériques). Le mode opératoire de ces réseaux consiste à commanditer, moyennant paiement, le viol, l’agression sexuelle, voire la torture d’une personne mineure et d’y assister en direct. Une pratique criminelle localisée et organisée principalement dans des pays d’Asie du Sud-Est, mais qui s’étend géographiquement, y compris à des pays d’Europe de l’Est.

La lutte contre les atteintes aux finances publiques

Ces atteintes aux finances publiques s’entendent, au sens large, comme le détournement à des fins frauduleuses d’un dispositif impliquant des fonds publics. En 2021, les enjeux financiers présumés des notes d’information envoyées aux services de lutte contre la fraude ont augmenté par rapport à l’année 2020 pour atteindre 853 millions d’euros.

Cette mission de lutte menée par TRACFIN couvre à la fois :

  • la fraude fiscale,
  • la fraude sociale,
  • la fraude douanière,
  • le détournement de dispositifs d’aides publiques (dispositifs de soutien à l’emploi et à l’activité économique),
  • le détournement de dispositifs de défiscalisation (dispositifs de soutien à la transition énergétique, dispositifs d’incitations aux investissements).

En 2021, TRACFIN a ainsi révélé dans ce cadre quatre tendances :

  • une persistance, voire une aggravation, de la fraude au compte personnel de formation (CPF) avec une multiplication par 12 des déclarations de soupçon. Celle-ci s’est traduite par de nouvelles méthodes d’escroqueries déployées par les fraudeurs qui se sont adaptés au renforcement de la sécurité du dispositif fin 2020. La fraude au CPF se manifeste désormais par des mécanismes plus divers. En savoir plus.
  • la poursuite du détournement des dispositifs d’urgence mis en place dans le cadre de la crise sanitaire, en particulier l’indemnisation de l’activité partielle, le fonds de solidarité et, dans une moindre mesure, les prêts garantis par l’État. TRACFIN constate dans son rapport que ces fraudes ont perduré en 2021, bien qu’elles aient été moins importantes par rapport à 2020. Au total, ce sont 50 dossiers qui ont été traités en 2021,
  • une vigilance constante sur les dispositifs d’aide de l’État, y compris les dispositifs sectoriels les plus spécialisés à l’instar du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), du bonus écologique et de la prime à la conversion. Pour ces deux derniers dispositifs, des entreprises non éligibles sont parvenues à obtenir des subventions en ayant recours à des structures intermédiaires et à de fausses déclarations,
  • dans la continuité des fuites de données révélant l’existence d’une finance offshore organisée pour favoriser l’évasion fiscale, TRACFIN a poursuivi son travail actif d’identification des acteurs et bénéficiaires effectifs de ces structures.

Entraver le financement du terrorisme et de la criminalité organisée

TRACFIN apporte une expertise spécifique aux services partenaires avec lesquels il coopère dans le cadre de l’animation du Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme.

Dans cette optique, TRACFIN dispose d’un outil efficace d’entrave financière, le gel des avoirs. En 2021, TRACFIN a ainsi transmis 94 notes relatives à des mesures de gel des avoirs. Dans le cadre de la crise ukrainienne, en 2022, 22,8 milliards d’euros ont également été bloqués sur les comptes français de la Banque centrale de Russie, auxquels s’ajoute 1,1 milliard d’euros d’actifs financiers et non-financiers gelés. TRACFIN a toutefois identifié plusieurs méthodes de contournement du dispositif :

  • le recours à un tiers proche du cercle familial ou professionnel, à des membres d’une même organisation ou communauté. Ceux-ci encaissent ou reçoivent des fonds au bénéfice de la personne dont les avoirs font l’objet d’un gel,
  • le recours à des banques en ligne et à des prestataires de services de paiement intervenant sur le territoire national en libre prestation de services,
  • le recours à des plateformes d’échanges de cryptoactifs établies en France ou à l’étranger. Il permet la fragmentation de la chaîne de détention d’actifs en assurant le déplacement de cryptoactifs d’une blockchain à une autre.

TRACFIN poursuit également l’objectif prioritaire d’identifier des circuits de blanchiment du trafic de stupéfiants. Près de 800 signalements, liés à un trafic présumé de stupéfiants, ont ainsi été reçus en 2021, avec une moyenne de 417 000 euros d’enjeux financiers par dossier. Certains dossiers ont conduit à des arrestations ou des saisies sur les corridors reliant la France à la zone Guyane/Suriname et aux pays des Balkans.

Anticiper les risques de crypto-blanchiment

L’attention du service en matière de cryptoactifs, ou actifs numériques, s’est notamment portée en 2021 sur le suivi des flux financiers issus d’attaques informatiques par rançongiciels. Il s’agit d’attaques dans le cyberespace sous la forme de logiciels malveillants dont la fonction est de chiffrer et de bloquer l’accès aux données de la victime. L’accès est rétabli par un mot de passe de déchiffrement transmis par les attaquants en échange d’une rançon payée en cryptoactifs. Des attaques qui connaissent une nette hausse ces dernières années avec une augmentation de 194 % des incidents traités en deux ans par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Un mouvement qui touche tous les secteurs d’activité, avec une part importante des attaques ciblant les très petites, petites et moyennes entreprises (52 %).

TRACFIN reste également en veille active pour suivre le développement d’innovations financières permises par la technologie blockchain et la finance décentralisée (DeFi) et alerter, le cas échéant, sur les vulnérabilités qu’elles présentent.