Les femmes dans l’encadrement supérieur des Finances depuis les années 30

L’accès des femmes à l’encadrement supérieur au ministère de l’Économie et des Finances a été progressif. De l’exclusion dans l’entre-deux guerres au 40 % de femmes nommées à un premier poste d’encadrement supérieur en 2021, le chemin a été long. Certaines femmes remarquables, malgré les obstacles, malgré les préjugés, ont su par leur talent et leur combativité se hisser au 1er rang.

Ariane Obolensky : 1ère sous-directrice à la direction du Trésor (1985) au ministère des Finances, au Louvre @MEFR-SAEF Claude Walter

Yvette Chassagne, Yvonne Mathé, Marie Huot, Jeanne Moevius, Ariane Obolensky, etc : autant de femmes qui sont parvenues à briser le « plafond de verre » ou plutôt le « plafond de plomb » selon l’expression de l’historienne Florence Descamps.

Le temps de l’exclusion

Dans l’entre-deux-guerres, trois facteurs excluent les femmes du ministère des Finances :

  • la nécessité d’avoir rempli ses obligations militaires ;
  • la nécessité d’être licencié en droit (alors que les facultés de droit restent culturellement réservées aux hommes) ;
  • le fait que la spécialisation financière n’est pas associée à la « féminité ».

Des brèches sont cependant ouvertes à la faveur de circonstances exceptionnelles :

  • en 1939 avec la mobilisation, le recours aux femmes s’impose avec le recrutement, par procédures spéciales, de « rédactrices temporaires » ;
  • l’article 36 du statut des fonctionnaires concède en septembre 1941 que les femmes peuvent accéder aux emplois publics « dans la mesure où leur présence dans l’administration est justifiée par l’intérêt du service », en précisant qu’il convient de fixer des « limites dans lesquelles cet accès est autorisé » ,
  • la création d’un grand ministère des Finances et des Affaires économiques intégrant des services venant d’autres ministères, dans lesquels (après la première guerre mondiale) des femmes y étaient déjà intégrées dans l’encadrement supérieur.

Une progression modeste

Sur 32 femmes sortant de l’ENA sous la IVe République, la plupart ne suivent pas la voie Finances et Affaires économiques, mais choisissent la filière des Affaires sociales. Une seule énarque est affectée en 1951 à la direction des Impôts (mais part aussitôt en détachement aux Affaires étrangères).

Entre 1950 et 1958, on dénombre sept rédactrices en charge de bureaux (sur 175 bureaux ou assimilés : soit autour de 4 %) et une seule sous-directrice. Sous la IVe République, le ministère compte 18 rédactrices administrateurs civils.

Après une rechute dans les années 60 et 70, commence un vrai progrès

En 1979, le ministère enregistre 7,3 % de femmes administrateur civils. Sous le mandat de Valery Giscard d’Estaing, on peut distinguer trois axes de développement de la présence des femmes aux Finances :

  • un axe de consolidation des positions dans les directions « traditionnellement féminines » : assurances, prix et commerce intérieur ;
  • un axe de conquête des directions d’état-major : dix femmes entrent à la direction du Trésor au niveau d’administrateur civil, neuf énarques entrent à la direction du Budget ;
  • un axe d’investissement des fonctions de gestion, qui concernent les directions du Budget, de la Comptabilité publique et de la dette publique .

La notion de « plafond de verre » commence à être évoquée au milieu des années 1990 par les premières femmes chefs de service, comme par les premières femmes directrices.

Le temps du volontarisme

En 2011, le ministère compte 19 % de femmes dans les emplois de directions, en administration centrale et dans les services déconcentrés. Fin 2001, les femmes occupent  9 % des emplois de direction, alors qu’elles constituent 38 % des effectifs de la catégorie A et 22 %  de la catégorie A +. L’inspection générale des finances (IGF) compte 17 femmes pour 189 hommes, soit 9 % (contre 4 % en 1990).

Cette décennie se conclut par :

  • la création de la délégation à la diversité et l’égalité professionnelle en 2009,
  • l’obtention, en 2010, du label diversité,
  • la signature, le 8 avril 2011, du premier accord ministériel en faveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes, élaboré en partenariat avec les organisations syndicales.

Le temps des résultats

En 2021, des progressions notables au ministère :

  • 75 % de femmes nommées pour la première fois à des emplois de chef de service  en 2021 (60 % en 2020),
  • 50 % de femmes nommées pour la première fois à des emplois de sous-directeur en 2021 (37 % en 2020).

Depuis 2011, le ministère a réaffirmé son engagement à travers deux plans d’actions 2015 - 2017 et 2020 - 2022, qui ont permis des avancées significatives. En 2021, avec 40 % de femmes nommées à un premier poste d’encadrement supérieur, le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance dépasse pour la première fois le seuil de 40% fixé par la loi.

Lire aussi : Mixité dans la fonction publique : 40 % de femmes nommées à un premier poste d’encadrement supérieur, à Bercy - 07/03/2022

L’engagement du ministère s’est également traduit, le 11 février 2022, par la signature à l’unanimité d‘un accord en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes pour les directions et services de l’administration centrale du MEFR.

Pour les années à venir, la priorité du ministère en faveur de l’égalité professionnelle est de contribuer à :

  • la constitution de viviers, une mesure essentielle pour pérenniser les résultats,
  • l’égalité salariale,
  • la mixité des métiers,
  • l’articulation de la vie professionnelle et de la vie personnelle,
  • la lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles.

À noter : Les éléments de cet article sont issus des travaux de Florence Descamps, agrégée d’histoire et maître de conférences à l’École pratique des hautes études (EPHP) : « L’histoire des femmes cadres aux finances entre 1939 et 1981 : un plafond de plomb », Revue française d’administration publique, 2013. Une exposition « La place des femmes dans l’encadrement supérieur des Finances des années 1930 à nos jours : impossible n’est pas féminin ! » est par ailleurs organisée du 8 au 28 mars 2022 , à Bercy .

Diaporama : des femmes aux parcours inspirants

Yvette Chassagne, 1ère cheffe de bureau femme énarque nommée aux Assurances (1964) ; 1ère femme sous-directeur aux Finances (67) ; 1ère femme nommée conseiller-maître à la Cour des comptes (1979) ; 1ère préfète (1981) @Domaine public
Ariane Obolensky, 1ère sous-directrice à la direction du Trésor (1985) @EIB
Elisabeth Guigou, 1ère femme conseillère technique au cabinet du Ministre des Finances (1982) @Alastair Miller www.dfat.gov.au
Florence Parly : 1ère femme secrétaire d’Etat au Budget (2000) @MEFR-SAEF Patrick Bagein
Isabelle Braun-Lemaire, 1ère femme secrétaire générale (2017) @Bercy photos Gezelin Gree
Claude Reisman, 1ère femme Trésorier payeur général de région (1996) @MEFR-SAEF Claude Walter
Marie-Laurence Pitois-Pujade : 1ère femme directrice du Personnel (1998) @MEFR-SAEF Patrick Vedrune
Hélène Croquevielle : directrice générale des douanes et droits indirects (février 2013 - février 2017) @ Douane française Bruno Collin
Christine Lagarde, 1ère femme ministre de l'Economie et des Finances (2007) @MEFR-SAEF Dominique-henri Simon