« Si le secteur bancaire joue un rôle central dans l’économie, cela repose sur la solidité des institutions qui le composent et sur la confiance qu’elles inspirent » souligne un rapport réalisé en 2006 sous l’égide du Comité consultatif du secteur financier.
Or les banques sont des entreprises par nature plus fragile que d’autres ; l’autorégulation du marché n’assure pas l’équilibre et les faillites bancaires peuvent avoir davantage de conséquences négatives sur la société que celles intervenant dans d’autres secteurs. Le fonctionnement du secteur bancaire appelle une intervention publique forte afin d’en assurer la régulation. De fait, la banque est l’activité économique la plus contrôlée qui soit.
L’intervention publique dans le domaine bancaire prend quatre formes principales :
- les réglementations prudentielles
- l’assurance des dépôts
- le contrôle et la surveillance des institutions bancaires par les autorités publiques
- les interventions des banques centrales pour assurer la stabilité financière.
Les réglementations prudentielles
La principale cause de fragilité des banques réside dans la transformation de dépôts liquides en prêts non liquides. Un premier volet de l’intervention publique vise donc à limiter a priori cette transformation (Voir les économistes Emmanuel Gabillon et Jean-Charles Rochet). C’est le rôle de la réglementation prudentielle internationale édictée par le Comité de Bâle qui oblige la banque à détenir suffisamment de capital en fonction des risques qu’elle prend.
Suffisamment de fonds propres par rapport aux crédits distribués
Un ratio appelé ratio Bâle I a été défini dès 1988 visant à couvrir les risques de crédit : il prévoit que les fonds propres de chaque banque doivent représenter un pourcentage minimum de 8 % du montant des crédits distribués, ceux-ci étant pondérés par leur caractère plus ou moins risqué. Une réforme de cette réglementation a été mise en place et a débouché en 2005 sur la mise en œuvre d’une réglementation nouvelle, les ratios Bâle II. Ils sont fondés sur le même principe du rapport entre les fonds propres et le montant des crédits distribués pondérés par les risques associés. Mais la nature des risques pris en compte a été enrichie (prise en compte du risque de marché, du risque de crédit et du risque opérationnel) et les méthodes de calcul des risques ont été améliorées. Elles visent notamment à inciter les banques à améliorer leurs systèmes de mesure et de gestion des contrôles internes.
Leçons de la crise
Le dispositif de Bâle II mis en œuvre officiellement peu de temps avant la crise et pas encore partout (notamment aux USA) ne peut être considéré comme responsable direct de la crise. Toutefois, les causes de la crise montrent que le dispositif de Bâle II est défaillant sur plusieurs points.
- Le dispositif incite à des comportements « procycliques » des banques, notamment du fait des règles comptables qui servent de référence pour l’établissement des ratios (plus les actifs valent cher et plus les banques peuvent prêter ; a contrario, lorsque le prix des actifs se retourne, les banques doivent réduire leur activité et augmenter leurs fonds propres).
- Si le risque de crédit reste très important dans la détermination des ratios prudentiels, le risque de liquidité dont l’importance est apparue particulièrement déterminant dans les enchaînements de la crise est beaucoup moins bien pris en considération.
- Les immobilisations en fonds propres constituent un coût pour les banques et tendent à diminuer leur rentabilité alors que les exigences de rendements financiers des actionnaires sont très élevées. Elles ont cherché à répondre à cette double exigence en sortant des risques de leur bilan et en les transférant à des investisseurs non assujettis à la réglementation bancaire (titrisation). Les dérives de ce processus ont été une cause importante de la diffusion et de la gravité de la crise avec un retour massif d’actifs à dévaloriser dans le bilan des banques.
- Le contrôle interne qui joue un rôle majeur dans le système de Bâle II a également montré dans certains cas des défaillances dans les procédures et dans les modèles d’évaluation des risques mis en place.
Bâle III
Les dirigeants du G20 ont mandaté le Comité de Bâle pour tirer les leçons de la crise. En décembre 2009, l'institution a présenté le résultat de ses premières réflexions sur les niveaux de fonds propres réglementaires. Ses propositions visent à renforcer le capital des banques, et à introduire, en plus du ratio Bâle II, un « ratio de levier »
des ratios de liquidité et des tests de résistance décrits ci après :
- Renforcement des exigences de fonds propres
De la mise en place de Bâle III, on retient principalement le renforcement des exigences en matière de fonds propres. Le nouveau ratio réduit notamment la quantité d’actifs exigibles dans son calcul. En outre, ce dispositif a pour principal objectif de renforcer les exigences en fonds propres vis-à-vis des opérations financières faisant intervenir un risque de contrepartie significatif (activités sur dérivés, mises en pension et cessions temporaires de titres) ce qui contribuera notamment à réduire le risque systémique bancaire. Ce dispositif s’accompagne de la mise en place d’un ratio de levier.
- Le ratio de levier
De façon à compléter les exigences en fonds propres destinés à limiter la prise de risque excessif, le comité de Bâle a également décidé la mise en place d’un ratio de levier dont les deux principaux objectifs sont :
- La limitation de l’effet de levier au sein du système bancaire, responsable de nombreux déséquilibres économiques suite à la crise financière de 2008. « De nombreuses banques ont accumulé un effet de levier excessif tout en présentant de solides ratios de fonds propres fondés sur les risques. Au plus fort de la crise, le secteur bancaire a été contraint par le marché de réduire son effet de levier d’une façon qui a accentué les pressions baissières sur les prix des actifs, amplifiant encore les réactions en chaîne entre pertes, baisse des fonds propres des banques et contraction de l’offre de crédit » (source : document de la Banque des Règlements Internationaux) ;
- De compléter les mesures relatives au renforcement des exigences en matière de fonds propres.
- Les ratios de liquidité
Le comité de Bâle a établit deux normes visant à contrôler et encadrer le risque de liquidité (lien avec dico). Le premier, le Liquidity Coverage Ratio (LCR) a pour objectif de garantir un minimum d’actifs de qualité pour surmonter une crise grave de liquidité sur une période de 30 jours. Le second, le Net Stable Funding Ratio (NSFR), a pour objectif de promouvoir le financement des activités des banques par des sources « structurellement plus stables ». Il couvre une période d’une année calendaire et garantit « une structure viable des échéances passifs et actifs ».
Récemment, et suite à la controverse lié aux exigences de liquidité disponible des banques, qui, selon les professionnels du secteur contribue à réduire de façon significative l’octroi de crédit aux particuliers et aux entreprises, le comité de Bâle a élargit « l’assiette » des actifs exigibles de haute qualité du LCR en décembre 2012. Une décision qui a pris ses effets en janvier 2013.
- Les tests de résistance
Dès 2010, des tests de résistance bancaires ont été mis en place au niveau européen. Plus de 91 banques en ont fait l’objet et ce afin d’étudier leurs capacité de résistance sous deux scénarios extrêmes, l’un correspondant à une détérioration de l’économie pendant deux années consécutives et l’autre incluant en plus un choc sur la dette souveraine. Cette expérience a été réitérée en juin 2011 ( consulter notre actualité du 18 juillet 2011) et juin 2012 sous l’égide de l’Autorité Bancaire Européenne (ABE).
Débats sur les réformes
Principale critique : il ne faut trop charger la barque des banques en exigences de fonds propres, si non c’est la distribution de crédit qui va en souffrir, en particulier en Europe, comme l’explique Jacques de la Rosière, ancien gouverneur de la Banque de France et ancien directeur du FMI : « Je note, en effet, que plus des deux tiers de l’économie européenne est financé par l’intermédiation bancaire alors que c’est l’inverse aux États-Unis, où 70 % au moins de l’économie font appel au marché. Et ces 30 % de l’économie américaine encore financés par l’intermédiation bancaire concernent des entreprises petites ou moyennes. Or, elles sont en général servies par des banques régionales qui échappent aux obligations de fonds propres de Bâle II . En réalité, si l’on mesure l’impact sur l’économie européenne d’une surcharge, trop de stabilité finirait à la limite par altérer gravement la volonté de prêter. » (Interview à La Revue Confrontations Europe janvier mars 2010).
Les propositions du Comité de Bâle ont du reste fait l’objet d’une attaque en règle par La Fédération Bancaire Française représentant les intérêts des banques françaises.
- Les banques françaises considèrent que le ratio de levier est un instrument inadapté qui va frapper indistinctement différentes activités et a fait la preuve de son inefficacité dans les pays où il existe. C’est, souligne la FBF, un handicap pour le financement de l’économie dans son ensemble et en particulier sur les PME parce qu’il va brider l’intermédiation, plus élevée en Europe qu’aux USA, alors que, ajoute-t-elle, c’est justement la désintermédiation qui a été à l’origine de la crise actuelle.
- Les banques françaises considèrent également qu’une augmentation uniforme des exigences de fonds propres ne répond pas aux défauts mis en évidence par la crise tout en aboutissant à stériliser inutilement du capital. Elles sont en revanche favorables à la constitution de provisions « contra cycliques ».
- Elles se disent favorables à la mise en place de ratios harmonisés de liquidité au plan international, mais considèrent que ceux proposés actuellement sont inapplicables. Ils se fondent notamment sur des « tests de résistances » qui retiendraient des hypothèses beaucoup de dégradation des conditions économiques trop sévères.
L’assurance des dépôts
Un deuxième volet de la régulation bancaire consiste à limiter les effets négatifs lors des faillites bancaires éventuelles. L’assurance des dépôts permet de couvrir les petits déposants et épargnants. Mais son effet est aussi préventif. En donnant cette garantie, il permet d’éviter les paniques et les rushes des déposants pour retirer leurs fonds en cas de difficultés avérées ou non, ce qui a pour effet de précipiter la faillite ou de l’étendre.
La supervision des banques
Troisième volet : la supervision, c'est-à-dire le dispositif qui s’assure que les institutions financières appliquent bien les règles définies par les régulateurs. En France deux institutions assurent à titre principal cette fonction :
- L’AMF (Autorité des Marchés Financiers)chargé d’agréer les sociétés de gestion d’actifs, les OPCVM et autres organismes de placements collectifs, les organismes de titrisation et les sociétés de gestion des sociétés civiles et de placement. Elle est en outre chargée de surveiller les informations fournies aux investisseurs et s’assure du bon fonctionnement des marchés.
- l’ ACP (Autorité de Contrôle Prudentiel), autorité administrative indépendante et adossée à la Banque de France joue un rôle essentiel. Elle délivre l’agrément aux établissement de crédit et aux entreprises d’investissement et s’assure du respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables et sanctionne les infractions ou manquements constatés. Elle est chargée d’examiner les conditions d’exploitation et de veiller à la qualité de la situation financière de ces établissements, elle en assure un contrôle permanent y compris par des enquêtes de terrain.
Leçons de la crise
Face à la crise, qui a montré les insuffisances de la supervision - même si comme le pense le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, « la crise a mis en évidence les faiblesses de la réglementation avant celles de la supervision » - des réformes sont engagées aux niveaux nationaux et européens.
Les Banques centrales : politique monétaire et prêteur en dernier ressort
Outre leur rôle dans la supervision, les banques centrales participent à la régulation du système bancaire de deux façons : par la politique monétaire et par leur rôle de préteur en dernier ressort.
Noter que dans le cadre du Système européen des Banques centrales, la Banque de France adapte à la France et met en œuvre en France les décisions prises à Francfort.
Politique monétaire
Pour atteindre leurs objectifs et en premier lieu celui de la stabilité des prix, les banques centrales utilisent principalement l’instrument « du taux directeur ». Celui-ci correspond généralement à un taux d’intérêt à très court terme (de un à quelques jours) auquel les banques commerciales se refinancent auprès de la banque centrale. La modification de ce taux dans un sens ou dans l’autre vise à peser sur les conditions de l’offre de crédit des banques.
Prêteur en dernier ressort
Afin d’éviter les effets de dominos des difficultés d’une banque importante sur l’ensemble du système (risque systémique), les banques centrales fournissent, de façon discrétionnaire, une assistance de liquidités aux banques en détresse : c'est le rôle de prêteur en dernier ressort. En principe, explique l’économiste Jean-Charles Rochet, cela consiste pour la banque centrale à s'engager à prêter sans limite (mais parfois à un taux plus élevé que le taux du marché) aux banques commerciales qui peuvent fournir des garanties suffisantes (typiquement sous forme de titres financiers de bonne qualité). Cette possibilité s'adresse donc en théorie aux banques illiquides (c'est-à-dire qui n'ont pas pu trouver de liquidités sur le marché interbancaire) mais solvables.
Dans la crise, les politiques mises en œuvre par les banques centrales ont joué un rôle essentiel pour éviter que celle ci se transforme en grande dépression comme cela s’était passé en 1929 (Voir dossier sur les banques et la crise et les ouvrages sur la crise ). Mais les politiques monétaires et l’intervention systématique des banques centrales et des autorités publiques pour sauver les banques en détresse font l’objet d’un certain nombre de critiques.
Leçons de la crise : le contrôle macro prudentiel
Depuis une dizaine d’années, note Jacques de la Rosière, l’œil fixé sur le seul objectif de l’inflation, « les banques centrales ont négligé la stabilité financière... la formation des bulles et l’expansion exagérée du crédit ».
C’est pourquoi sous l’impulsion du G 20, les autorités nationales et internationales veulent introduire un contrôle prudentiel macro économique en plus du contrôle et de la supervision des établissements pris un par un. Ce contrôle s’effectuerait sous la responsabilité des banques centrales pour maîtriser l'expansion du crédit lorsque l'euphorie s'empare des marchés financiers. Leurs missions de stabilité des prix se doubleraient d’un rôle renforcé pour agir en vue de la stabilité financière.
En France, un pas a été franchi dans ce sens avec la mise en place d’un Conseil de la régulation financière et des risques systémiques (Corefris)intervenuen février 2010. Cette nouvelle instance assure un rôle de conseil auprès du Ministère de l’économie et des finances dans la prévention et la gestion du risque systémique. Elle vise notamment à mieux coordonner l’action française au niveau européen et international.
De la même façon, l’Europe a mis en place en place un Comité européen du risque systémique (CERS), en charge de surveiller et de détecter les risques pesant sur la stabilité du système financier européen.
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