Le rôle des agences de notation est de mesurer le risque de non remboursement des dettes que présente l’emprunteur. Pour cela, elles construisent des scénarios financiers prévisionnels et évaluent la probabilité que chacun de ces scénarios se réalise à partir de l’examen de la structure future des coûts et des revenus de l'emprunteur.
De AAA + à D
Chaque agence possède son système de notation. Schématiquement, les notes s’établissent de A à D avec des échelons intermédiaires. Les notes peuvent être ainsi accompagnées d’un « + » ou « - » ou encore d’un « 1 » ou « 2 ».
De manière générale, plus la note est élevée, plus le risque est faible. Les notes AAA correspondent donc à une bonne solvabilité, les notes BBB définissent une solvabilité moyenne, les CCC indiquent un risque très important de non remboursement. Enfin, la note D traduit une situation de faillite de l’emprunteur.
Dans le cadre de la globalisation financière qui a accru le financement de marché et l’a mondialisé, les investisseurs ne connaissent pas les émetteurs de titres. Les agences de notation produisent pour eux une information indispensable, facile à interpréter et avec plus de moyens que n'en ont la plupart d’entre eux. L'analyse du risque est ainsi déléguée à moindre coût à quelques acteurs spécialisés dans cette activité.
Une situation d'oligopole
Trois agences (deux groupes américains, Standard & Poor's et Moody's, et un acteur à capitaux français, Fitch, filiale du groupe Fimalac) contrôlent à elle seules plus de 90 % du marché mondial de la notation : 80 % pour le duo Standard-Moody's et 14 % pour Fitch.
Zoom sur l'agence Moody's
Deuxième par la taille après Standard and Poor's, Moody's a des bureaux dans 27 pays et compte plus de 4 000 employés. L’agence note environ 100 pays émetteurs de dettes souveraines (dettes émises ou garanties par un emprunteur souvenir, c'est-à-dire un Etat), 12 000 entreprises émettrices d’obligations, 29 000 institutions publiques et 96 000 obligations de fonds structurés. En 2008 son chiffre d’affaires a été de 1,3 milliard d’euros.
En France, Moody's note plus de 77 entreprises, 124 établissements financiers, 14 collectivités locales, 15 OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières) de droit français ainsi qu’un département de gestion de taux.
Les agences payées par les émetteurs
Les agences ne demandent pas toujours rétribution aux Etats qu’elles notent. En revanche, depuis les années 1970, les agences de notation ne sont plus payées par les investisseurs qui utilisent la notation dans leur stratégie d’investissement, mais par les émetteurs des produits soumis à notation. D’où le risque de conflit d’intérêt et de situations où les agences pourraient être enclines à fournir des notations accommodantes.
Reste que ces entreprises ne connaissent pas la crise. Ni en termes de développement d’activité (le développement de la titrisation* leur a fourni des marchés considérables) ni en termes de rentabilité (supérieure à 20 %).
*La titrisation est une technique financière qui permet à une banque de transformer en titres négociables des actifs illiquides, c'est-à-dire qui ne sont pas (ou pas facilement) vendables.
Un pouvoir considérable
Les titres moins bien notés présentent des risques et donc des taux d’intérêt plus élevés. Lorsqu’une entreprise et / ou un Etat subissent une dégradation de leur note, cela a pour conséquence d’augmenter le coût de son financement et d’aggraver les difficultés de l’émetteur. Inversement dans le cas contraire. La notation joue de façon « procyclique ».
Le pouvoir de la notation est d’autant plus considérable qu’elle est devenue une norme utilisée par les régulateurs, alors même que les agences de notation soulignent elles-mêmes qu’elles ne font qu’émettre des opinions. Des cours de justice américaines ont confirmé à plusieurs reprises la position des agences, en les considérant comme des « journalistes » ne pouvant être attaquées et rendues responsables au nom du 1er amendement à la Constitution des Etats-Unis (liberté de parole).
Cependant, les régulateurs ont officialisé leur rôle. Les accords de Bâle II font reposer la pondération des actifs pour déterminer le capital réglementaire des banques sur les notations des agences. Les compagnies d’assurances, les fonds de pension, les gérants d’OPCVM sont soumis à des règles de détention d’obligations et de titres appuyées sur les notations des agences. En cas de dégradation trop forte d’un titre, ils doivent vendre. Les titres acceptés par la Banque centrale européenne en contrepartie de refinancement des banques doivent être d’une qualité suffisante estimée par les notes attribuées par les agences.
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