Quel rôle ont joué les agences de notation dans la crise des subprimes ?

Les agences de notation ont eu un rôle crucial dans la titrisation, une technique financière qui transforme des actifs peu liquides (pour lequel il n’y a pas véritablement de marché), en valeurs mobilières facilement négociables, comme des obligations. Les agences notent les « paquets » de crédits titrisés, et les obligations émises en contrepartie selon les différentes tranches de risques.

Juges et parties dans la titrisation

Lorsque les agences notent des obligations d’entreprise, leur appréciation porte sur la valeur intrinsèque de l’entreprise. L’investisseur peut la confronter à d’autres et la considérer comme un point de vue comme un autre.

« En revanche, explique l'économiste Michel Aglietta, dans le cas des crédits titrisés, les agences de notation notent et sont en même temps parties prenantes de la titrisation. La constitution du produit et la notation sont complètement imbriquées. Sans la notation, le titre n’a pas d’existence » (La crise : Pourquoi en est-on arrivé là ? Comment en sortir ? - éd. Michalon, 2009). Les banques d’affaires qui structurent et commercialisent le produit et les agences travaillent ensemble pour déterminer les spécificités de constitution des tranches et obtenir le rating recherché.

A posteriori, la plupart des observateurs font valoir que les agences ont accordé trop généreusement des notes AAA (la meilleure note) sur les paquets titrisés. Cela a contribué à la formation de la bulle spéculative. Sans cette notation, le risque réel aurait sans doute été mieux appréhendé et l’euphorie aurait été moins grande.

Ensuite, lorsque le marché de l’immobilier s’est retourné, les agences n’ont pas dégradé correctement et en temps utile les titres de créances hypothécaires. Elles ont réagi trop tard et par des dégradations brutales, ce qui a aggravé la crise.

Au final 93 % des titrisations de produits hypothécaires commercialisés en 2006 avec la note AAA ont maintenant la note « d’obligation pourrie ».

Deux explications généralement données

Les conflits d’intérêts

Les agences sont payées par ceux qu’elles notent. Ces dernières années, les notations dans ces opérations (appelées notations de produits structurés) ont représenté jusqu’à 50 % de leur chiffre d’affaires. En outre, le nombre de clients étant assez limité, les agences se sont sans doute retrouvées en situation de dépendance par rapport à leurs clients.

Les mails révélés par le sous-comité des investigations du Sénat américain en avril 2010 lors de son travail sur l’affaire Goldman Sachs sont révélateurs d’un système dans lequel les banques d’affaires commercialisant les produits structurés pouvaient traiter avec l’agence la plus encline à accorder la notation la plus favorable.

« Dans un message, note l’économiste Paul Krugman (The New York Times du 25 avril 2009), un employé de Standard ans Poor’s explique qu’il faut organiser une réunion pour “ajuster les critères de notation” afin d’évaluer des titres hypothécaires “à cause de la menace actuelle de perdre des contrats”. Un autre message demande que les notes sur les produits financiers subprimes soit adoucies pour préserver les parts de marchés de l’agence. »

Les modèles d’évaluation des risques

Comment a-t-on pu donner la meilleure note à des paquets de crédits contenant des paquets de crédits « subprimes » ?

Cela peut s’expliquer par le fait que les agences ne sont finalement pas très expertes dans l’évaluation du risque de crédit et du risque de liquidité, qui auraient dû être au cœur de leur analyse. Traditionnellement, ce sont les banques qui évaluent les risques de crédit, de liquidité et d’une manière générale l’environnement économique.

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