Avec près de 9 000 établissements, l’Union européenne à 27 a une taille équivalente à celle des Etats-Unis, mais elle n’est pas encore intégrée en un vaste marché unique, les systèmes bancaires des Etats membres demeurant très hétérogènes.
A l’instar des Etats-Unis, le passage de nombreuses banques morcelées et des holdings se contentant de détenir des filiales dans divers Etats membres, à des banques intégrées, s’implantant grâce à d’autres Etats que leur pays d’origine reste encore difficile. En revanche, la majorité de ces banques sont universelles (contrairement aux Etats-Unis avec la conséquence du Glass-Steagall Act) et le modèle de bancassurance y est fortement développé.
Afin d’améliorer la stabilité et l’intégration financière de l’Union européenne, la Commission et le Conseil des ministres européens ont défini dans les années 1970 une politique bancaire européenne basée sur la réglementation prudentielle harmonisée (avec l’adoption de normes comptables internationales IAS-IFRS, la transposition de l’accord de Bâle II, etc.) et la coopération entre autorités nationales.
Malgré tout, le modèle de banque universelle paneuropéenne émerge difficilement. Des champions nationaux se sont constitués. Ils développent leurs activités au niveau européen principalement par l’acquisition de filiales. Mais les fusions transnationales majeures sont restées l’exception. Les conséquences de la crise financière pourraient changer la donne (voir par exemple la fusion BNP Paribas- Fortis), et relancer le processus de restructurations transfrontières.
Allemagne
Le système bancaire se caractérise par l’existence de trois catégories de banques :
- Les banques privées qui comptent parmi elles de grandes banques internationales telles que la Deutsche Bank ;
- Les banques de droit public qui regroupent les quelque 500 caisses d’épargne (Sparkasse) et les banques centrales des Etats (Landesbanken) ;
- Les banques coopératives qui comprennent quelques 1 200 banques populaires et de crédit mutuel agricole ainsi que deux établissements centraux. La plus grande part du marché revient au secteur bancaire de droit public. Il est suivi par le secteur bancaire privé et le secteur de banques coopératives.
Au total, le panorama bancaire allemand était avant la crise le plus éclaté d’Europe, avec 2 000 banques locales et régionales, et quelque grandes banques internationales.
Sous la pression de la Commission européenne, les garanties publiques pour les caisses d’épargne et Landesbanken ont disparu le 18 juillet 2005. Mais les mouvements de restructurations sont restés principalement internes aux différents piliers. Les activités de banque de détail sont restées dans l’ensemble particulièrement fragmentées. Cette structure du système bancaire allemand tend à pénaliser la rentabilité globale du secteur mais aussi les clients des banques allemandes par des crédits en moyenne plus chers que dans le reste de l’Europe.
Espagne
Les banques espagnoles se divisent principalement en deux catégories : les banques privées et les caisses d'épargne (cajas de ahorros). Le secteur bancaire espagnol a largement profité d’un climat de forte concurrence et du dynamisme économique de l’Espagne, notamment au travers du boom immobilier de la dernière décennie. Le réseau bancaire espagnol est l’un des réseaux les plus denses d’Europe. Les deux principaux groupes bancaires Santander et BBVA, banques commerciales de détail, réunissent à elles deux 40 % des dépôts. Actives dans tous les secteurs de l’économie, elles se sont fortement développées au plan international. Restées solides dans la crise, elles figurent parmi le top 50 des banques mondiales, alors que les caisses d’épargne sont davantage fragilisées.
Royaume-Uni
Le secteur bancaire britannique, enfin, est concentré autour de cinq grands groupes d’envergure internationale (HSBC, RBS, Lloyds TSB, Barclays) qui ont su se réorganiser très tôt, à la faveur du mouvement de démutualisation engagé au milieu des années 1980. Les établissements britanniques sont centrés sur des activités de proximité telles que la banque détail ou les prêts aux PME. Certaines se sont diversifiées selon le modèle de la banque universelle (HSBC, Barclays). Les banques étrangères et notamment les banques américaines sont par ailleurs fortement présentes sur les métiers de banque d’investissement ou de gestion d’actifs. Les grandes banques anglaises (HSBC, Barclays, RBS) se sont d’autre part fortement développées à l’étranger notamment par des opérations de croissance externe.
Etats-Unis
Le système bancaire des Etats-Unis présentait, à la veille de la crise de 2007, les principales caractéristiques suivantes :
- un financement de marché largement prédominant par rapport au financement de l'économie par le crédit. Ce qui n'empêche pas que l'endettement des ménages soit devenu l'un des plus élevé du monde ;
- une multiplicité de banques avec près de 7 200 banques commerciales et des banques locales encore très nombreuses ;
- quelques grandes banques universelles classées aux premiers rangs des banques mondiales (Citigroup, Bank of America, JP Morgan Chase...) ;
- de très grandes banques spécialisées, notamment les 5 banques d’investissement Goldman Sachs, Lehman Brothers, Bear Stearns, Morgan Stanley, et Merrill Lynch ;
- un système de contrôle et de surveillance très morcelé, la Banque centrale des USA (Federal Reserve System - FED) n’ayant notamment pas droit de regard sur les banques d’investissement spécialisées.
C’est une histoire très spécifique qui explique largement ces structures.
Le contrôle par les Etats fédérés Le système bancaire aux Etats-Unis est très original car il est caractérisé par deux types de banques bien distinctes : les banques contrôlées par l’Etat fédéral et les banques surveillées par les Etats fédérés. Cette dualité est issue de la construction du système bancaire américain. À la fin du XVIIIème siècle, la question s’est posée de savoir si c’était à l’Etat fédéral d’accorder les chartes bancaires ou aux Etats fédérés. Face aux craintes d’un pouvoir centralisé trop important, de nombreux représentants de fermiers et d’autres groupes ont milité pour l’attribution des chartes bancaires par les Etats fédérés. Ainsi jusqu’en 1863, les banques commerciales étaient surveillées par la commission bancaire de l’Etat dans lequel elles exerçaient. Mais ce système a entraîné de nombreux abus, puisque l’émission de monnaie n’était pas contrôlée et les faillites bancaires étaient nombreuses. Le contrôle et la protection par l’Etat fédéral La création de banques nationales à charte fédérale a été rendu possible à partir de 1863, mais il n’a pas empêché des crises bancaires périodiques dont celle particulièrement grave de 1907. À la suite de celle-ci, une banque centrale dont toutes les banques commerciales du pays doivent être membres (le Federal Reserve System) a été créée en 1913. Son action n’empêche pas la Grande Dépression suite au krach boursier de 1929. Plusieurs milliers de banques ont fait faillite et ont ainsi ruiné les économies des déposants auprès des banques commerciales. Afin d’assurer les déposants et de prévenir ces faillites, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) est créé en 1933. Elle fonctionne selon le mécanisme de l’assurance : les banques commerciales doivent payer une prime d’assurance à la FDIC pour leurs déposants. La séparation des banques de dépôt et des banques d’investissement La loi de 1933 connue sous le nom de Glass-Steagall Act interdit aux banques commerciales l’émission et le placement de titres des entreprises ou le négoce de titres publics, afin d’éviter que les banques commerciales ne soient fragilisées par ces activités de courtage de titres. Inversement, les banques d’investissement ne peuvent s’engager dans des activités de banque de détail. Des banques comme JP Morgan ont dû se séparer de leurs activités sur les titres, créant en l’occurrence ainsi Morgan Stanley. |
Mutation à partir des années 1980
Le système des conglomérats bancaires échappant aux réglementations des succursales a permis dans une certaine mesure de contourner ces restrictions d’établissement.
Dans les années 80, l’industrie bancaire a fait face à de nombreuses faillites (plus d’une centaine par an entre 1985 et 1992), ce qui a entraîné le recul du nombre de banques. Parallèlement, un mouvement de consolidation bancaire s’est produit résultant de nouvelles législations supprimant les frontières bancaires entre les États, réduisant ainsi d’autant plus le nombre de banques.
Les holdings bancaires peuvent ainsi fusionner les banques qu’elles détiennent en une seule banque à succursales dans différents Etats, mais aussi acheter des banques d’autres États, et cela en dépit des lois contraires des États si elles subsistent.
En 1998, une fusion majeure, celle de Citicorp, deuxième banque des Etats-Unis, avec Travelers Group, une importante compagnie d’assurance, met la pression sur le Glass Steagall Act qui est abrogé en 1999 par le Gramm-Leach-Bliley Financial Services Modernization Act. Celui-ci a permis aux maisons de titres et aux compagnies d’assurance d’acquérir des banques, et aux banques de vendre des produits d’assurance, de souscrire et de garantir des émissions de titre. La voie est ouverte à la constitution de banques universelles à l’américaine. |
L’impact de la crise
La crise a frappé tous les types de banques entrainant des faillites ou de très lourdes pertes aussi bien parmi les banques locales, dont des centaines ont à nouveau disparu que parmi les grandes banques d’investissements dont deux sur cinq ont été reprises en urgence pour éviter la faillite (Bear Strearns et Merrill Lynch) et l’une a été mise en faillite (Lehman Brothers) et parmi les grandes banques universelles qui ont connu de très lourdes pertes (Citigroup, Bank of America) et ont fortement rétrogradé dans le classement des banques mondiales.
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