Le plan de sauvetage européen

Selon la plupart des économistes et des politiques, si l’euro devait éclater, ce serait une catastrophe économique, les États ont donc intérêt à préserver la zone euro. Le retour d’un risque de crise systémique a conduit à la mise en place au sein de la zone euro d’un plan de sauvetage de très vaste ampleur mobilisant un potentiel de 750 milliards d’euros sur 3 ans.

 

Pour certains, le dispositif mis en place au 1er trimestre 2012 suffira. Pour d’autres, se pose le problème de l’acceptation sociale des plans de rigueur. Il faudrait plus de croissance et plus de solidarité entre les zones riches et les zones pauvres de l’Europe (comme c’est le cas entre les länder allemands).

Dispositif mis en place au 1er trimestre 2012

  • Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) pour empêcher la contagion
  • La politique non conventionnelle de la BCE pour soutenir les banques, réduire le spread et financer de l’économie
  • Les réformes européennes pour la stabilité financière (Bâle III, CERS, agences de notation…)
  • Les réformes institutionnelles récentes : traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.

En octobre 2009, aux élections législatives en Grèce, le nouveau gouvernement de Georges Papandreou annonce que le gouvernement précédent de Costas Caramanlis a caché la réalité de la situation des finances publiques qui est en fait très dégradée avec un déficit supérieur à 10 % et une dette de 115 % du PIB.

Risque de crise systémique

Au-delà de la Grèce, début 2010, les doutes ont commencé à s’installer sur la soutenabilité des déficits et des dettes publiques de l’Espagne et du Portugal et sur les risques d’éclatement à plus ou moins brève échéance de la zone euro. Les spéculations et la spirale de la hausse des taux d’intérêt et de la dégradation des notations sur les dettes souveraines déstabilisaient le Portugal, l’Espagne et menaçaient de s’étendre à d’autres pays de la zone.
L’annonce du plan de sauvetage de la Grèce si difficile à mettre en place n’a pas calmé le jeu. Au contraire, on est vite passé d’une crise de la dette d’un pays à une déstabilisation de l’ensemble des marchés financiers et au retour du risque systémique que l’on avait connu en octobre 2008 après la faillite de Lehmann Brother’s . « Tous les signes en étaient réunis, constate l’économiste Michel Aglietta (interview à l’expansion 10 mai 2010) : la hausse des taux obligataires, la chute des indices boursiers et les difficultés de financement sur le marché interbancaire ». Les banques , en particulier, ont retrouvé des profits élevés notamment en plaçant et en achetant massivement les obligations émises par les États pour financer des déficits liés à la crise financière engendrée par leurs agissements antérieurs ...et en fournissant aux hedge funds les moyens de spéculer contre les États endettés, sinon en spéculant elles-mêmes pour leur propre compte.
Mais maintenant elles étaient à nouveau menacées de devoir enregistrer de nouvelles dépréciations d’actifs liées aux risques de défaillance des États. Une nouvelle perte de confiance entre elles bloquant les crédits interbancaires était en train de resurgir.
La zone euro était menacée d’explosion.

Un plan de très vaste ampleur

Un plan d’urgence a été mis sur pied par les ministres européens des finances le 10 mai 2010.
Le plan vise à garantir un filet de sécurité à tous les pays de la zone euro considérés comme fragiles avec une force de frappe potentielle qui décourage les spéculateurs, et rende plus improbable une défaillance d’un Etat vis-à-vis de sa dette publique. Des mesures sont également prises pour faire disparaître la crise de liquidité menaçant les banques et pour sécuriser leurs prêts aux Etats. Parallèlement la discipline budgétaire des Etats sera renforcée afin de faire reculer rapidement les déficits et de stabiliser les dettes publiques. Au total une capacité de mobilisation de 750 milliards d’euros (non comprises les interventions de la Banque centrale européenne) est mise sur la table pour trois ans.

Quatre acteurs

  • La Commission européenne

Elle est autorisée à mettre en place de façon temporaire un fonds d’aide doté de 60 milliards d’euros parallèle et similaire à celui de 50 milliards existant pour les pays non membres de l’euro et qui a déjà servi par exemple pour la Hongrie. Ce fonds sera à la disposition des pays membres de la zone euro qui pourront demander d’y recourir en cas de difficultés graves. Son financement sera assuré par des emprunts de la commission sur les marchés financiers (obligations) ou auprès des banques (crédits bancaires). L’obtention d’une aide sera soumise à l’approbation par la Commission d’un programme de redressement qui devra être préparé par l’État membre solliciteur.

  • Les Etats membres de la zone euro, la Suède et la Pologne

Ils mettent en place pour trois ans un fonds doté au maximum de 440 milliards d’euros, un peu sur le modèle de la caisse de refinancement du plan d’urgence français de 2008. Un « véhicule spécial » (SPV) sera constitué sous la forme d’une société de droit privé qui pourrait être immatriculée au Luxembourg. Les fonds seront empruntés selon les besoins sur les marchés financiers. Ces emprunts bénéficieront de la garantie
des pays participants à hauteur de leur quote-part au capital de la BCE. Ils serviraient en cas de besoin à acheter de la dette des pays de la zone euro menacés. Les garanties accordées pourraient ainsi être au maximum de 120 milliards d’euros pour l’Allemagne et de 90 milliards pour la France. Dans certains pays comme la France et l'Allemagne, les Parlements nationaux devront donner leur feu vert à l'octroi de garanties au SPV au moment de la création de ce dernier. Sa gestion et son organisation seront confiées à la Commission.

  • Le FMI

Il peut débloquer des prêts pour un montant total de 250 milliards d’euros selon ses procédures habituelles.

  • La Banque Centrale Européenne (BCE)

La BCE a réactivé la palette d'outils de crise, testée avec succès lors du choc des subprimes. Elle offre plus de liquidités aux banques, en mettant en place des opérations de refinancement à six mois et à trois mois au taux fixe de 1% selon les modalités déjà mises en place à l'automne 2008, après la chute de Lehman Brothers. Mais la grande nouveauté c’est la décision de la BCE de racheter des titres de dettes publiques en plus des dettes privées, de pays fragilisés de la zone euro, jouant ainsi le rôle de prêteur en dernier ressort. Cela permet aux banques et aux investisseurs qui le souhaitent de se délester de ces actifs. Les banques centrales des États-Unis et du Royaume Uni utilisent déjà cette pratique « non conventionnelle », mais la Banque centrale européenne s’y était jusqu’ici refusé. En achetant des titres de dettes publiques des pays en difficulté budgétaire, la BCE fait augmenter la demande, ce qui fait baisser les taux.
 

A savoir

Si la demande pour la dette grecque ou italienne augmente, l’emprunteur (État grec ou italien) n’a pas besoin de proposer un taux élevé pour trouver prêteur. C’est pourquoi quand la demande augmente, le taux baisse. Parallèlement le prix des obligations d’État augmente.

Les achats ont commencé entraînant une baisse considérable des taux d’intérêt sur les obligations publiques de la Grèce du Portugal et de l’Espagne.

La banque centrale ne fait pas fonctionner « la planche à billet » en ce sens qu’elle n’achète pas les obligations publiques directement au moment de l’émission, mais sur les marchés financiers ou auprès des banques qui possèdent ces obligations.
 

Faire fonctionner la « planche à billet », qu’est-ce que ça veut dire ?

Cela signifie que l’État s’endette directement auprès de la banque centrale, en lui présentant des bons du Trésor en échange desquels la banque centrale lui donne des liquidités. Ce faisant, la banque centrale crée de la monnaie. Cet argent, nouvellement créé, est bien comptabilisé comme une dette dans les comptes de l’État, qui paie un intérêt.
C’est ce que faisait l’État français avec la Banque de France avant la création de l’euro et de la BCE. Dans ce système, l’État était sûr de trouver des financements et fixait le taux d’intérêt en concertation avec la banque centrale, en fonction de critères macro-économiques. Aujourd’hui, le taux auquel s’endettent les États européens est fixé par les marchés et la plus ou grande confiance de ces derniers dans la politique suivie par les États.

Renforcement de la discipline budgétaire

Les États demandant à bénéficier des fonds mis en place seront soumis à une stricte conditionnalité, afin de préserver la viabilité des finances publiques et de leur permettre de rétablir leur capacité de se financer sur les marchés financiers.

Mais maintenant, en dehors même de ces concours et pour ne pas avoir besoin d’y recourir, les États de la zone sont appelés à un renforcement de la « discipline budgétaire » et les institutions européennes s’attèleront au renforcement des procédures de surveillance budgétaires.
Le plan budgétaire, Etat par Etat

La portée du plan de sauvetage

L’annonce du plan de sauvetage européen et le début de sa mise en œuvre immédiate par la Banque Centrale Européenne a eu pour effet de faire disparaitre dans l’immédiat la crise de liquidité qui touchait des États européens et menaçait les banques. Mais les inquiétudes demeurent.

Des résultats immédiats spectaculaires

Les mécanismes annoncés et l’ampleur des moyens potentiels ont clairement montré que les États européens et les Institutions de l’Union Européenne n’accepteraient ni la dislocation de l’Euro, ni les défauts de paiement d’un État. Les achats massifs de titres privés et surtout publics par la Banque centrale a fait baisser de façon spectaculaire les taux d’intérêt sur les dettes publiques de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne. Ces États peuvent continuer de se financer sur les marchés à des conditions supportables, avant même que les fonds d’aides prévus soient mis en place.
Ces mesures font donc disparaitre dans l’immédiat la crise de liquidités qui touchait ou menaçait de toucher des États de la zone Euro et les banques. Les cours des bourses européennes et mondiales ont spectaculairement réagi par des hausses très importantes au lendemain de l’annonce du plan sans toutefois retrouver les niveaux atteints quelques semaines auparavant et avant de nouvelles baisses tout aussi spectaculaires.

Inquiétudes persistantes

Elles portent principalement sur la capacité des politiques mises en œuvre à résoudre dans la durée les problèmes posés.

  • Les pays de la zone euro pourront-ils réduire leur déficit public aussi vite que ce qui leur est demandé ?

Indépendamment même du chômage et de la crise sociale, il ne faut pas oublier que, comme l’explique l’économiste Patrick Artus, des mesures de resserrement des déficits d’une ampleur de 2 à 3 % du PIB n’aboutissent à l’arrivée qu’à une réduction de 1 % du PIB du déficit public. En effet, si la demande privée ne prend pas le relai, ces mesures pèsent négativement sur la croissance et donc sur les recettes publiques. De plus la croissance potentielle dans certains pays (Espagne, Italie, Portugal) est faible compte tenu des spécialisations productives adoptées ces dernières années.
Dans ces conditions l’hétérogénéité de la zone euro entre les pays à positionnement haut de gamme (Pays Bas, Finlande, Allemagne, Autriche) et les pays à positionnement bas de gamme (Espagne, Portugal, Grèce), risque de s’aggraver d’une façon explosive.
« L'Europe peut tomber dans un piège, explique l’économiste Michel Aglietta. Dans certains pays, il faut consolider les finances publiques, c'est à dire faire de l'austérité budgétaire pour freiner la hausse des dettes et l'inverser progressivement. Mais si tout le monde fait des plans de rigueur à la fois, on risque de tomber dans une déflation car la croissance sera étouffée ». C’est pourquoi des avancées supplémentaires de la solidarité et de la gouvernance européenne seront sans doute nécessaires pour aboutir à une politique coordonnée profitable à tous les pays.

  • La politique de rachats de titres publics par la BCE n’est-elle pas dangereuse ?

Le président de la BCE s’en défend. "La stabilité des prix est notre premier mandat", a expliqué Jean-Claude Trichet "la liquidité supplémentaire que nous apportons par le bais des achats d'emprunts d'Etat sera ponctionnée" a-t-il ajouté (interview au quotidien allemand Handelsblatt 14 mai 2010). Mais en fait la BCE risque de ne pas pouvoir revendre les titres publics achetés car cela aurait pour effet de fragiliser à nouveau le financement des Etats sur les marchés et de faire repartir la crise.
 

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Dossier réalisé en 2013 par