Les Français sont désormais 55 % (+ 2 points) à anticiper une baisse de leur pouvoir d'achat, selon le baromètre mensuel Viavoice, publié fin décembre 2011 par Les Echos, en partenariat avec la BPCE et France Info. Parmi eux, ils sont 28% (+ 3 points) à estimer que leur pouvoir d'achat va "fortement diminuer". Pourtant, l’INSEE est formel : le pouvoir d'achat des Français continue d’augmenter. En 2011, il progresserait de 1,4 %, après + 0,8 % en 2010, + 1,3% en 2009 et + 0,4 % en 2008. Quelles sont les raisons de ce décalage entre des statistiques officielles qui montrent une augmentation légère mais continue des revenus et du pouvoir d’achat des ménages et l’impression ressentie par une majorité de Français d’une dégradation générale ? Eléments de réponse
Comment évalue-t-on le pouvoir d’achat ?
L’INSEE applique des normes internationales qui permettent des comparaisons entre pays. Pour les statisticiens, « le pouvoir d’achat est la quantité de biens et de services que l’on peut acheter avec le revenu disponible ». Le pouvoir d’achat est mesuré en fonction du revenu disponible brut (RDB) :
Revenu disponible brut =Somme de tous les revenus + prestations sociales – impôts et prélèvements sociaux |
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Ensuite, le revenu réel est déterminé en tenant compte de l’augmentation des prix (taux d’inflation). Ce revenu réel sera à répartir entre épargne et consommation.
Ainsi, chaque fois que la hausse des revenus dépasse celle des prix, le pouvoir d’achat progresse.
Source INSEE
- Pour le consommateur lambda, « son » pouvoir d’achat représente « sa » capacité à acquérir des biens et des services en fonction des standards du moment. Cette conception renvoie plutôt au « coût de la vie ». Ainsi, « son » pouvoir d’achat a augmenté s’il a pu partir 15 jours de vacances à l’hôtel, et il a baissé s’il ne peut plus partir que 10 jours en camping…
Pourquoi ces divergences d’appréciation ?
Les deux approches divergent :
- Le consommateur lambda a un point de vue microéconomique.
- L’INSEE développe une analyse conjoncturelle et macroéconomique. L’institut réalise une mesure globale qui couvre l’ensemble des ménages.
Or cette mesure ne reflète pas la multiplicité des situations et des changements individuels. Par exemple, sont mal pris en compte les effets de la « décohabitation » liée aux divorces et qui entraînent un appauvrissement réel des ménages. L’unité de consommation serait ici un terme plus approprié (système de pondération attribuant un coefficient à chaque membre du ménage et permettant de comparer les niveaux de vie de ménages de tailles ou de compositions différentes).
"Monsieur tout le monde" appréhende souvent son pouvoir d’achat de manière plus étroite.
Il considère en effet qu’il a peu de prise sur certaines dépenses de consommation dites « pré-engagées » c’est pourquoi il les déduit de son revenu disponible. Ces dernières sont liées à un contrat ou un abonnement difficilement renégociable à court terme (loyers, eau, gaz, électricité, télécommunications, assurances…). Elles représentaient 13,4 % du revenu des ménages en 1960 mais prés de 30 % en 2005.
Les limites de l’indice des prix à la consommation
Pour le statisticien, les dépenses d’acquisition du logement relèvent de l’investissement, et n’entrent donc pas dans l’indice des prix à la consommation (IPC). Pour l’individu lambda au contraire, la hausse des prix de l’immobilier depuis les années 90, est assimilée de facto à une perte de pouvoir d’achat. Les ménages, surtout ceux ayant acheté un logement récemment ou projetant de le faire, ressentent à juste titre cette hausse de prix comme réduisant leurs moyens financiers.
Autre composante essentielle du décalage entre l'évolution du pouvoir d'achat mesurée par l'INSEE et l'évolution ressentie : une partie des ménages considèrent que l'indice des prix de l'INSEE sous-estime la « véritable » hausse des prix. Quelques pistes pour expliquer ce décalage :
L'indice des prix à la consommation est une moyenne pour l'ensemble des prix, et de ce fait peut ne pas refléter les fortes hausses sur certains produits, quand les prix des autres produits baissent, ou augmentent modérément. L'effet est d'autant plus marqué que ces fortes hausses concernent des produits fréquemment achetés, mais d'un poids peu important dans le budget d'un ménage. C'est le cas en particulier des produits alimentaires courants, achetés dans les hyper et supermarchés, du tabac ou des carburants.
Par ailleurs, l'indice des prix prend en compte la baisse du prix de certains produits à qualité constante, en particulier les ordinateurs et l'électroménager ; ce qui a pour effet de réduire légèrement la hausse globale des prix. Certes, un ménage n'achète que rarement une machine à laver, mais le jour de cet achat, il réalise une économie substantielle par rapport à une situation où le prix de la machine qu'il achète aurait augmenté comme les autres prix.
Vers un nouvel indice ?
Les statistiques de l’INSEE gardent leur pertinence et ne sont pas remises en cause en tant que telles. Cependant, différents rapports ont proposé de nouveaux indicateurs de pouvoir d’achat pour mieux rendre compte de l’évolution des niveaux de vie et des modes de consommation. Les pistes explorées proposent de nouveaux outils pour suivre l’évolution et la répartition du pouvoir d’achat « par tête » (par unité de consommation), le poids des dépenses contraintes et le coût du logement. L'INSEE travaille actuellement sur l'estimation d'évolutions de pouvoir d'achat par catégories de ménages, cohérentes avec le chiffre moyen aujourd'hui disponible. Ce projet, une fois abouti, permettra de fournir un meilleur élément de comparaison pour chaque ménage, mais ceci ne résoudra que partiellement le problème
Il existe une comptabilité des entreprises distincte de la comptabilité nationale. De la même manière, un objectif serait de mettre en place une "comptabilité des ménages", plus proche de la manière dont les ménages gèrent leur budget.
Liens utiles
Inforgraphie
Comparatif sur le pouvoir d'achat dans l'Union européenne (www.touteleurope.eu)
Mis à jour 02/08/2011
Quiz
- Tester vos connaissances sur les prix et le pouvoir d'achat sur le site Internet de l'INSEE : www.insee.fr