Les cycles financiers

Toutes les crises financières n’ont pas eu l’ampleur de la crise actuelle ni le même impact sur l’activité économique.

L’origine de la perturbation, les défaillances de la régulation, les mécanismes de la contagion financière et économique sont différents d’une crise à l’autre. Mais toutes ces crises financières qui jalonnent l’histoire du capitalisme, ont des dimensions communes.

Origine d’une crise : néoclassiques versus keynésiens

En économie, il existe principalement deux conceptions d’une crise propres à chaque courant de pensée :

  • Pour les néoclassiques, elles sont dues à des chocs exogènes, qui, selon leur impact sur des « marchés efficients » (c’est-à-dire des marchés efficaces, autorégulés, où l’information circule parfaitement) nécessitent un réajustement plus ou moins brutal.
  • Pour les keynésiens, elles sont dues à des chocs endogènes, c'est-à-dire inhérents au système financier, par définition instable. Les comportements des agents économiques y opérant ne sont pas rationnels (comportements mimétiques par exemple) et l’information n’y circule par parfaitement. Les crises sont récurrentes et présentent des caractéristiques communes : on parle alors de cycle financier.

Nombreux sont les économistes qui se sont intéressés aux phénomènes de cycle : John Maynard Keynes, Hyman Minski, John Kenneth Galbraith, Charles Kindleberger ou plus récemment Paul Krugman et Michel Aglietta. Selon ces économistes, il n’y a pas simplement une répétition des crises, mais une répétition de cycles financiers, dont la crise constitue l’un des moments.

Charles Kindleberger (1910-2003), historien économique américain  constate  l’existence de cycles dans la sphère financière en s’appuyant sur l’étude des grandes crises de l’Histoire. Selon lui, un cycle financier se décompose en cinq phases : l’essor, l’euphorie, le paroxysme et le retournement, le reflux et l’instauration du pessimisme et enfin la déflation de la dette et la restructuration des bilans. Il est possible de rapprocher cette théorie avec le déroulement de la crise financière de 2007.

 

 

Phase 1 : essor

La phase d’essor se caractérise par une croissance économique après un ralentissement ou une récession. Cette phase de croissance peut être générée par une innovation, un changement technologique ou institutionnel ou encore alimentée par un investissement productif. Cette croissance engendre une expansion du crédit (anticipations optimistes de la conjoncture par les agents économiques) qui favorise une hausse du prix des actifs.

Cette phase aurait débuté au début des années 1990 aux États-Unis où l’on constatait un essor de l’octroi de crédits et une phase d’innovation et de libéralisation financière qui s’est traduite par une complexification des produits dérivés et de titrisation notamment ceux adossés aux crédits accordés aux ménages américains.

Phase 2 : euphorie

Cette phase se caractérise par un cercle auto-entretenu entre emballement du crédit et hausse du prix de certains actifs. Les risques sont sous évalués ce qui aggrave la fragilité des structures financières.

C’est ce que l’on a observé avant le déclenchement de la crise des subprimes. Les crédits consentis aux ménages américains étaient sur-évalués par rapport à leur capacité de remboursement et donc le risque sous-évalué. Autrement dit, trop de crédits ont été accordés et les prix des titres financiers adossés à ces créances ne reflétaient pas la réalité du marché.

Phase 3 : paroxysme et retournement

Cette phase est un point de retournement, le passage d’une période d’euphorie à une période de décroissance. Les anticipations des agents économiques se renversent. Après une période de hausse régulière, on assiste à une chute brutale du prix des actifs.

Phase 4 : reflux et pessimisme

Cette phase correspond ici au début de la crise des subprimes. Les prix du marché immobilier américain baissent brutalement.

A savoir



La crise est d’abord le point de retournement, le passage d’un moment d’euphorie à un moment de décroissance. Par abus de langage, la crise correspond aussi à la période entière de reflux.

 

Phase 5 : déflation de la dette et restructuration du bilan

Cette phase est marquée par :

  • Une déflation de la dette et une restructuration des bilans.
  • Les investisseurs surendettés doivent se désendetter. Ils peuvent être contraints de vendre leurs actifs pour faire face à leur besoin de liquidité, déclenchant une spirale de baisse auto-entretenue du prix de ces actifs et un assèchement de la liquidité. Cette situation se propage de marché en marché, d’un continent à l’autre. Ce phénomène de contagion contraint les banques à resserrer leur offre de crédit.
  • La dépense privée se contracte (volonté de désendettement de la part des agents) et pèse sur les revenus et donc sur la croissance qui finalement freine le désendettement.

Le désendettement se réalise bien plus lentement que la chute des prix des actifs ce qui entraîne de nombreuses faillites. C’est ce que l’on constate pendant l’été 2008, Fanny Mae et Freddy Mac, les deux plus grandes institutions américaines de financement de crédit immobilier sont au bord de la faillite. Début septembre, le Trésor américain annonce leur mise sous tutelle gouvernementale. Une semaine plus tard, c’est au tour de Lehman Brothers, la deuxième plus grosse banque d’investissement des États-Unis de se déclarer en faillite le 15 septembre 2008. Cette crise, que l’on pensait propre au système financier, se propage à l’économie. En 2009, les Etats-Unis et la plupart des Etats membres de la zone euro entrent en récession.

 

Sources :

Charles Kindleberger Histoire mondiale de la spéculation financière Valor Editions Paris 2006

Michel Aglietta Macro économie financière (cinquième édition) La Découverte Paris 2008

 

 

Dossier réalisé en 2013 par