Détection des fraudes, analyse de données... : comment l'IA a fait son entrée à Bercy

Le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique s’est très tôt intéressé à l’IA. Ses directions se sont saisies des nombreuses possibilités qu’elle pouvait offrir. Quelles sont-elles ? Comment l'IA est utilisée aujourd’hui par les agents ? Que permet-elle concrètement ? Tour d’horizon des principaux usages.

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À l’occasion de la semaine pour l’Action sur l’IA, du 6 au 11 février 2025, plusieurs événements ont réuni chefs d’État, entrepreneurs, chercheurs, acteurs de la société civile sans oublier le grand public : une opportunité unique pour valoriser les atouts français en la matière.

À cette occasion, le ministère met en lumière des solutions qui font déjà leurs preuves au sein de ses directions ou qui présentent des résultats prometteurs. Deux principaux usages se distinguent.

Analyse de données : quand les algorithmes aident à lutter contre les anomalies ou les fraudes fiscales

La Direction générale des finances publiques (DGFiP) a très tôt identifié l’IA comme une opportunité pour l’analyse et le traitement de données dans le cadre ses contrôles fiscaux. Deux programmes sont d’ores et déjà déployés : « CFVR » et « Foncier innovant ».

Développé dès 2014, CFVR (pour « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes ») fait appel au datamining, qui consiste à analyser et modéliser des typologies d’anomalies ou de fraudes fiscales à partir de grandes quantités de données. Au sein de la DGFiP, CFVR peut ainsi puiser dans les bases de données afin de détecter de façon automatique des cas d’anomalies ou de fraudes fiscales possibles. Par la suite, les agents examinent les dossiers ciblés pour valider la pertinence de lancer un contrôle: l’IA permet ainsi de pré-analyser des données à grande échelle et faire ressortir des dossiers d’anomalies ou de fraudes potentiels.

En 2024, près de la moitié des contrôles fiscaux des professionnels et près de 45 % des contrôles fiscaux des particuliers ont pu être réalisés grâce à ces détections.

Déployé fin 2022, le programme Foncier Innovant est quant à lui capable de traiter un autre type de données. Sa spécialité : les photos aériennes, pour détecter des constructions ou des aménagements non déclarés par leurs propriétaires. Concrètement, des algorithmes vont exploiter et extraire des prises de vue aériennes publiques de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) :  sur la base de ces photos, ils vont être capables de repérer les contours des immeubles bâtis ainsi que des piscines. Une comparaison est ensuite effectuée avec les données cadastrales, puis un traitement informatique vérifie, à partir des déclarations des propriétaires, si les éléments détectés sur les images sont correctement imposés. Un agent de l’administration fiscale prend alors le relai : il vérifie manuellement chaque anomalie détectée, puis, le cas échéant, demande des informations au propriétaire du bien concerné avant un éventuel avis de taxation.

En 2022, 20 000 piscines non déclarées ont pu être détectées, et plus de 120 000 propriétaires ont été contactés en mai 2023.

Le traitement de données est également une opportunité identifiée par la DGCCRF : Polygraphe permet de lutter contre les faux avis qui prolifèrent sur Internet. Un enjeu important quand on sait que 85% des consommateurs se disent influencés par les avis en ligne. Les algorithmes de Polygraphe sont capables de traiter et analyser des données disponibles sur Internet tels que les textes des commentaires, les informations sur l’entreprise ou le produit concerné, etc. Ils font ensuite remonter ces cas suspects et leurs données via un tableau de bord interactif. Développé par la Cellule Numérique de la DGCCRF, cet outil est mis à disposition des enquêteurs depuis septembre 2023. Polygraphe aide ainsi le travail des enquêteurs dans le ciblage des faux avis : grâce à ces données ciblées, ils pourront décider de diligenter une enquête si cela leur semble pertinent.

Des solutions d’IA génératives à l’essai pour répondre aux consommateurs ou analyser des milliers d’amendements

Déployée au sein de la DGCCRF, « IA RéponseConso » analyse les dizaines de milliers de questions et remontées des consommateurs que le service RéponseConso reçoit chaque année. L’objectif : prédire les paragraphes les plus adaptés en s’appuyant sur les réponses déjà apportées, et faciliter l’élaboration des messages de réponse par les agents. Pour aller plus loin dans le traitement des demandes des consommateurs reçues via Réponse Conso, la DGCCRF teste actuellement l’usage d’une IA générative pour aider à la rédaction des réponses aux consommateurs, en lien avec la direction interministérielle du numérique. La solution est pensée comme une aide aux agents qui resteront toujours en lien avec les consommateurs. Comme le souligne la DGCCRF, il n’est pas envisagé de mettre les consommateurs en contact direct avec un chatbot.

Faisant également appel à de l’IA générative, le projet LlaMandement est une solution d’aide à la gestion des amendements parlementaire. Portée conjointement par la Direction de la législation fiscale et la DTNum, en collaboration avec la direction de l’information légale et administrative (DILA), cette solution a été testée lors du projet de loi de finances pour 2024. Elle a été en mesure d’analyser et d’attribuer automatiquement près de 7 000 amendements fiscaux au PLF 2024 aux équipes concernées. Intégrant un modèle de langage, elle a par ailleurs fourni automatiquement des résumés neutres de chaque amendement. Un gain de temps considérable pour les agents qui doivent traiter des amendements toujours plus nombreux dans des délais contraints.

Pour résumer, l’IA offre ainsi un levier supplémentaire pour gagner en efficacité en s’appuyant notamment sur tout son potentiel de traitement de données à grande échelle. Si le ministère fait de plus en plus appel à l’intelligence artificielle, la gestion reste avant tout humaine par les agents qui gardent la maîtrise de leur travail.